| ADMIRABLE, adj. A.− Digne d'admiration, qui suscite l'admiration. 1. [En parlant d'une pers.] :
1. − J'aurai tout à l'heure à vous entretenir sans doute de la confiance dont m'honore une personne admirable... exceptionnelle... faite pour m'édifier, dont je n'aurais plutôt à recevoir que des leçons...
G. Bernanos, L'Imposture,1927, p. 341. − [Plus souvent en parlant de son activité, de ses œuvres, de son langage, considérées comme exceptionnellement bonnes ou belles] :
2. C'est là que j'imiterai cette admirable et unique scène de Cassandre dans l'Agamemnon d'Eschyle. Plût à Dieu que je pusse trouver quelque occasion d'imiter aussi cette tragédie des Perses!
A. Chénier, L'Amérique,1794, p. 103. 3. Je n'ai pas eu le temps de répondre de Marseille à ton excellente et admirable lettre d'adieu. Il n'y a pas de frère qui ait un cœur plus fraternel que le tien pour moi, que le mien pour toi.
A. de Lamartine, Correspondance,1832, p. 290. 4. Alors, Rodolphe prenait entre ses bras la tête souriante et animée de son amie, et pendant des heures entières il se laissait aller à lui parler cet admirable et absurde langage que la passion improvise à ses heures de délire.
H. Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 159. 5. Je t'offre ce petit voyage belge, comme une récompense de ton admirable et vaillant travail. Pars tout de suite, viens avec nous, sois heureux et rends-nous heureux.
V. Hugo, Correspondance,1864, p. 477. 6. La transformation de ces enfants est une œuvre si belle, si profonde, si pure, si admirable, si remplie de consolations ineffables; avec un labeur, une peine si vive, si ardente!... Les âmes là apparaissent tellement! les cantiques, les prières, les larmes, les joies... tout est si puissant.
F.-A.-P. Dupanloup, Journal intime,1876, p. 42. 7. D'ailleurs, l'hôtel avait conservé son entrée sur la rue Saint-Lazare, côte à côte avec une grande bâtisse de la même époque, la Folie-Beauvilliers d'autrefois, que les Beauvilliers occupaient encore, à la suite d'une ruine lente; et eux possédaient un reste d'admirable jardin, des arbres magnifiques, condamnés aussi à disparaître, dans le bouleversement prochain du quartier.
É. Zola, L'Argent,1891, p. 50. 8. Bien. Pensez à l'effet moral que doit produire sur votre public cette extraordinaire collection de photos − j'allais dire cette admirable collection. Mais le mot est dangereux. Bien qu'il puisse y avoir de l'admirable dans l'horrible, comme a dit je ne sais plus qui.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 33. 2. Avec une nuance péj. ou iron., dans le lang. mondain [En parlant d'une pers. ou d'une chose] Objet d'une admiration excessive : 9. « À peine fus-je assise, que les jeunes gens se mirent à tourner derrière moi, et les mots : c'est charmant, admirable, impayable, interrompoient seuls le silence ou les éclats de rire qui se succédoient alternativement... »
J. Fiévée, La Dot de Suzette,1798, p. 108. 10. − Un jour, dit Antoine, j'ai entendu le premier acte des Romanesques. J'ai trouvé ça tellement bien que je suis parti, de peur d'aimer les deux autres. 20 mars. Beau! admirable! superbe! ces louanges ont quelque chose d'essoufflé et d'anémique.
J. Renard, Journal,1900, p. 575. 11. Non content de rire, d'applaudir aux paroles de Séryeuse, pourtant bien anodines, Anne le proclamait sublime, merveilleux, admirable, et répétait ses phrases à sa femme. Cette dernière singularité n'était pas ce qui dérangeait le moins Séryeuse.
R. Radiguet, Le Bal du Comte d'Orgel,1923, p. 64. − Par antiphrase, dans le style fam. et iron. [En parlant d'une pers. ou de sa conduite, en partic. avec une idée de blâme] Qui étonne par sa manière inattendue. Synon. scandaleux, choquant, étonnant : 12. Vous êtes admirable de venir ici nous contrôler.
Ac.1798-1932. B.− Dans la lang. parlée ou peu soutenue. Superl. de exceptionnel, excellent, etc. : 13. C'est une poudre admirable
Qui donne de l'esprit aux sots,
De l'honneur aux frippons, l'innocence aux coupables,
Aux vieilles femmes des amants, Au vieillard amoureux une jeune maîtresse,
Aux fous le prix de la sagesse,
Et la science aux ignorants.
J.-P.-C. de Florian, Fables,Le Charlatan, 1792, p. 193. 14. Quelle paix! pas un bruit. Le flot dort. Les palmiers ne remuent pas, c'est admirable et délicieux. Comme on est loin de France, loin de tout, et cependant comme il semble naturel de se trouver là!
E. Fromentin, Voyage en Égypte,1869, p. 70. 15. − Mon cher, il n'en est plus question, répondis-je, ajoutant aussitôt, d'un ton qui coupait court à toute nouvelle question : − Et cela vaut beaucoup mieux ainsi. Jamais je n'ai été plus heureux que ce soir. − Moi non plus, s'écria-t-il; puis, brusquement, me sautant au cou : − Je m'en vais te dire quelque chose d'admirable, d'extraordinaire! Jérôme, je suis amoureux fou de Juliette!
A. Gide, La Porte étroite,1909, p. 527. Rem. Il s'agit ici d'un affaiblissement naturel aux mots de valeur superl. ou facilement hyperbolique. C.− Emplois techn. − CHIM. Sel admirable. ,,Sel de Glauber; sulfate de soude.`` (Littré). − GÉOMÉTRIE : 16. Pappus nous apprend qu'une telle ligne [courbe], probablement à double courbure, car elle naissait de l'intersection de surfaces courbes, était appelée admirable par ce géomètre. (Ménélaüs)
M. Chasles, Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie,1837, p. 26. Prononc. : [admiʀabl̥]. Enq. : /admiʀabl/. Étymol. ET HIST. − 1. 1170 « digne d'admiration (d'une chose) » (Benoit de Ste Maure, Chron. ducs Norm., éd. C. Fahlin, 28 751 : [li dus Richarz] Fist tantes ovres ammirables E glorioses e loables...); 2. 1546 « qui suscite l'étonnement » (Rabelais, III, 24, éd. Marty-Laveaux ds Hug. : A son cris et lamentation accourut tout le voisinaige en expectation de veoir quelque admirable et monstrueux enfantement).
Empr. au lat. admirabilis attesté au sens 1 dep. Cicéron qui l'emploie très fréquemment pour qualifier des inanimés (TLL s.v., 733, 55 sq.); qualifie rarement des pers. (p. ex. Quintilien, Inst., 10, 1, 55, ibid., 734, 40 : admirabilis in suo genere Theocritus); sens 2 dep. Cicéron, Off., 1, 13, ibid., 734, 83 : cognitionem rerum aut occultarum aut admirabilium; réfection étymol. à partir xvies.; en concurrence avec a. fr. merveilleus qu'il finit par supplanter. STAT. − Fréq. abs. litt. : 6 307. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 8 800, b) 8 303; xxes. : a) 9 633, b) 9 070. BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Fér. 1768. − Laf. Suppl. 1878. − Lasnet 1970. − Lav. Diffic. 1846. − Millepierres (F.). Promenade philologique parmi les arbres. Vie Lang. 1969, no204, p. 124. − Miq. 1967. |