| ADIEU, interj. et subst. masc. I.− Interjection A.− Formule de salutation adressée, à la fin d'un entretien ou d'une lettre à une personne dont on prend congé pour toujours ou pour un temps présumé long : 1. ... adieu! oui, je vous confie à Dieu, que j'implorerai pour vous, à qui je demanderai de vous faire une belle vie; ...
H. de Balzac, Louis Lambert,1832, p. 150. − Loc. Adieu, en voilà assez. ,,Locution familière dont on se sert quand on veut congédier un importun, finir un entretien qui ennuie.`` (Ac. 1798-1878). Rem. Région. Bonjour : 2. − Eh! adieu! me dit-il, en me saluant à la mode de son pays, car M. Safrac est né sur le bord de la Garonne...
A. France, Balthazar,1889, p. 76. B.− Au fig. [Précédant immédiatement un nom de chose avec lequel adieu forme un syntagme exclam.] Formule par laquelle on constate avec joie ou tristesse 1. la disparition ou la mise hors service de choses : 3. ... adieu livres poudreux, adieu froide lecture! Du grand livre des champs les trésors sont ouverts : Partons, que les beaux lieux me rendent les beaux vers!
J. Delille, L'Homme des champs,1800, p. 39. 4. ... avant que les vendangeurs se soient penchés sur la première grappe, nous chantons déjà dans notre cœur : « adieu paniers! Vendanges sont faites... »
F. Mauriac, Journal2, 1937, p. 115. Rem. Il s'agit dans cet ex. d'une formule proverbiale qui se dit figurément ,,de toutes les choses dont on n'a plus que faire, ou dont on ne se soucie plus`` (Ac. 1798), ,,de toutes les affaires manquées sans ressource, et quelquefois de celles qui sont entièrement terminées`` (Ac. 1835, Ac. 1878), ,,de toutes les affaires manquées`` (Ac. t. 1 1932). 2. ou la fin de manifestations récentes de la vie affective ou morale, etc. : 5. − Adieu, humiliation, haines, sarcasmes, travaux dégradants, incertitudes, angoisses, misères, tortures du cœur, adieu! oh! quel bonheur, je vous dis adieu!
A. de Vigny, Chatterton,1835, III, 7, p. 336. 6. ... adieu les caprices; ils ne sont plus écoutés ou plutôt ils ont délogé, laissant la place à un esprit de constance, de recueillement dont je suis moi-même tout édifié.
M. de Guérin, Correspondance,1838, p. 342. Rem. ,,Même construction dans le proverbe Après la fête, adieu le saint!`` (Quillet 1934). − Loc., vieilli. Je ne vous dis pas adieu, ou par brachylogie, sans adieu. Fam. Formules adressées à une personne que l'on quitte pour un court moment. Synon. au-revoir : 7. ... c'est par la lâcheté que le démon vous tient; la fausse honte, la fausse humilité qu'il vous insinue, ce sont elles qui nourrissent, qui conservent, qui solidifient, en quelque sorte, votre luxure. Allons, sans adieu, revenez bientôt me voir.
J.-K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 127. II.− Emploi subst. Stylistique − Conformément à son étymol., adieu fonctionnait encore au xixes., c.-à-d. comme une formule de politesse cour. et neutre. On disait facilement adieu, à tout à l'heure. Mais au xxes., l'emploi des différentes formules de civilité et de salutations s'est plié à des règles plus strictes (cf. Littré. Synon. de adieu : bonjour, bonsoir, bonne nuit). Au revoir dont Littré ne parle pas sous adieu, l'a peu à peu supplanté du moins dans l'usage cour., adieu étant réservé à la séparation définitive au ton quelque peu solennel ou d'une intense affectivité.A.− Au sing. 1. Dire adieu (à quelqu'un ou à quelque chose) a) [À des pers.] Prononcer la formule d'adieu en prenant congé de quelqu'un : 8. J'ai bâti entre vous et moi les contes les plus extravagants pour penser que si j'avais été un homme supérieur, je ne vous aurais pas rencontrée pour vous quitter et vous dire adieu comme à tout le monde; ...
F. Soulié, Les Mémoires du diable,t. 1, 1837, p. 171. 9. ... je suis bien malheureux! tu m'as dit adieu! Je ne veux pas de ton adieu; je te dis : au revoir! mais non pas adieu!
M. Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 145. 10. hans. − Et un vrai adieu, vous l'entendez! Les amants qui d'habitude se disent adieu, au seuil de la mort, sont destinés à se revoir sans arrêt, à se heurter sans fin dans la vie future, à se coudoyer sans répit, à se pénétrer sans répit puisqu'ils seront des ombres dans le même domaine. Il se quittent pour ne plus se quitter.
J. Giraudoux, Ondine,1939, III, 6, p. 218. 11. − Et vous êtes jaloux, peut-être.
− Non, pas jaloux. J'ai ma part. Attendez une seconde. Attendez, là, dans le jour de la fenêtre avant d'aborder l'autre étage. Attendez que je vous dise adieu.
− Quoi? vous allez donc me quitter?
− Adieu jusqu'à demain.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 47. b) Au fig. [À des objets fam., à des sentiments] Se séparer pour toujours de quelque chose, y renoncer par un acte conscient et souvent à regret (cf. ex. 4) : 12. Elle [Yamina] apprit à fond la langue française, dit adieu pour toujours à ses vestes brodées et à ses pantalons de soie rose...
A. Daudet, Le Nabab,1877, p. 125. 13. Laisse-moi dire adieu à cette légèreté sans tache qui fut la mienne. Laisse-moi dire adieu à ma jeunesse.
J.-P. Sartre, Les Mouches,1943, II, 4, p. 64. Rem. 1. Dans cette loc., adieu est le plus souvent employé sans art.; dans l'emploi fig., il peut être déterminé par un adj., et le groupe adj. + subst. est alors précédé de l'art. un : 14. Il me sembla que je disois un éternel adieu au bonheur et à la gloire...
Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 2, 1795, p. 272. Rem. 2. Le compl. est fréquemment déterminé par un poss. 2. D'adieu [Construit avec un nom désignant un discours, une réception, une visite, etc.] Donné ou fait pour prendre congé : 15. Je l'ai quitté il y a six heures; je l'ai vu boire le vin d'adieu, chanter gaiement et monter à cheval, et de loin me saluer de la main en faisant caracoler son cheval.
A. Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 18. 16. Le discours d'adieu du général Washington au peuple des États-Unis pourrait avoir été prononcé par les personnages les plus graves de l'Antiquité : ...
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 347. 17. Yves, petit Pierre et moi, nous allons à la chaumière des vieux Keremenen, pour ma visite d'adieu à la grand'mère Marianne.
P. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 415. 3. Au fig. [En toute fonction] Acte par lequel une personne renonce volontairement et définitivement à un bien : 18. ... l'adieu au bonheur est le commencement de la sagesse et le moyen le plus sûr pour trouver le bonheur.
E. Renan, Hist. des origines du Christianisme,Marc-Aurèle, 1881, p. 471. 19. ... elle se résolut à la mort. Elle s'y décida tout d'un coup, tranquillement, comme s'il s'agissait d'un voyage, sans réfléchir, sans voir la mort, sans comprendre que c'est la fin sans recommencement, le départ sans retour, l'adieu éternel à la terre, à la vie.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Yvette, p. 540. Rem. Cet emploi est proche de celui que l'on trouve dans le syntagme dire adieu à quelque chose, supra A 1 b. B.− Au plur. Prise de congé au moment d'une séparation définitive et de ce fait très émouvante. Les adieux de Fontainebleau : 20. − Mais c'était du passé, déjà. Comme ces tristes adieux, sur le quai d'une gare, quand l'attente se prolonge avant le départ du train : ...
R. Rolland, Jean-Christophe,Les Amies, 1910, p. 1128. ♦ Faire ses adieux : 21. ... c'est la sorte de mélancolie poignante et pieuse que le crépuscule du soir soulève tout naturellement dans toute âme : « heure qui remue les regrets et qui attendrit le cœur de ceux qui parcourent les mers, le jour où ils ont fait à leurs amis leurs tendres adieux;...
M. Barrès, Mes cahiers,6 juill. 1905-6 mai 1906, p. 116. Rem. Le sing. est rare dans cet emploi : 22. ... avant de se séparer du monde, on lui doit un adieu. C'est de la plus stricte politesse.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 140. − Au fig., poét. : 23. ... à peine une ligne blanche perdue dans la brume se dessinait au pourtour de l'horizon. C'était la dernière lueur du crépuscule, le dernier adieu du jour.
G. Sand, Lélia,1833, p. 89. Prononc. : [adjø]. Cf. dieu. Enq. : /adiø1/. Étymol. ET HIST.
I.− Interj. Fin xiies. adeu « formule pour prendre congé » (Mort de Garin, 461 ds Gdf. Compl. : Girbers parole au riche roi Pepin : Sire, fait-il, j'en irai le matin Et dit li rois : Adeu, sire cosin).
II.− Subst. 1458 adieu « action de dire adieu » (Conq. de Charlem., ms. Brux. 9067, fo4 vods Gdf. Compl. : Au congié prendre, baisa les dames et dist le gracieux adieu a un chascun).
Formé de à* et de Dieu, par réduction brachylogique de la formule plus explicite : (je) vous (re)commande à Dieu. STAT. − Fréq. abs. litt. : 9 633. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 23 626, b) 18 758; xxes. : a) 8 453, b) 5 671. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Daire 1759. − Dem. 1802. − Fér. 1768. − Lacr. 1963. − Marcel 1938. − Thomas 1956. |