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ADEPTE, subst. et adj.
I.− Emploi subst.
A.− ALCHIM. Alchimiste réputé parvenu au grand œuvre (cf. ex. de adeptat).
P. ext., vieilli.
a) ,,Personne initiée à l'alchimie.`` (Lar. 20e).
b) Personne initiée à une doctrine ésotérique, aux secrets d'un art; membre d'une société secrète :
1. Cela passe mes connaissances; je ne suis pas un adepte. Ac.1835-1932.
2. ... le gros public s'est mis à s'empêtrer dans l'antique et dans l'exotique. Le faux goût de l'exotique et du bizarre a pénétré dans le domaine musical; (...) Mais ce n'est pas cela qui fait les adeptes et les prosélytes fanatiques. C. Saint-saëns, Harmonie et mélodie,1885, p. 310.
3. On voit, en somme, se répandre, et presque se vulgariser, au xviiiesiècle, toutes les variétés normales ou dégénérescentes qu'engendre le désir d'en savoir plus qu'on ne peut savoir. Les adeptes se multiplient; l'initié foisonne; le charlatan abonde. Le rôle social et politique de l'occulte devient immense. P. Valéry, Variété 5,1944, p. 266.
4. Des recherches parfaitement pertinentes et sagaces ont montré Nerval attiré par le magnétisme, la magie noire, l'illuminisme, la gnose, calculant selon l'arithmosophie et le symbolisme astrologique, pénétrant les arcanes des tarots et les significations alchimiques. Il a bien fallu conclure pourtant que, même s'il a été maçon, ses connaissances ésotériques n'ont pu faire de lui l'adepte qui se fixe dans une doctrine stable. Qu'on en soit persuadé, Nerval n'est l'orthodoxe ni d'une religion, ni d'une hérésie. M.-J. Durry, Gérard de Nerval et le mythe,1956, p. 50.
B.− XIXeet XXes. Membre d'un groupe plus ou moins fermé (secte religieuse, loge maçonnique). Partisan d'une doctrine religieuse, politique ou scientifique, du maître qui la professe :
5. Il faut distinguer trois espèces de sectes religieuses et philosophiques en Allemagne; premièrement les différentes communions chrétiennes (...); secondement, les associations secrètes; et enfin les adeptes de quelques systèmes particuliers dont un homme est le chef. Il faut ranger dans la première classe les anabaptistes et les moraves; dans la seconde, la plus ancienne des associations secrètes, les francs-maçons; et dans la troisième, les différents genres d'illuminés. G. de Staël, De l'Allemagne,t. 5, 1810, p. 144.
6. Toute doctrine se transforme rapidement dans l'esprit des adeptes, et d'autant plus que les adeptes sont ou deviennent plus forts que le maître. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 332.
7. ... une doctrine n'a désormais quelque chance de faire fortune qu'en se rattachant bien largement à l'humanité, en éliminant toute forme particulière, en s'adressant à tout le monde, sans distinction d'adeptes et de profanes. E. Renan, L'Avenir de la science,préf., 1890, p. 106.
Rem. Syntagmes rencontrés : adeptes fervents (P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole, t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 80); le jeune adepte, d'abord présenté, puis initié (A.. Comte, Catéchisme positiviste, 1852, p. 215); adeptes d'une secte (R. de Flers, G.-A. de Caillavet, Monsieur Brotonneau, 1923, III, 5, p. 21); - de l'Église jacobine (E. Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 111); des adeptes de la compagnie de Jésus (J.-A. de Gobineau, A. de Tocqueville, Correspondance, lettre de J.-A. de G. à A. de T., 1856, p. 271); - de la religion de la nature (G. Sand, Histoire de ma vie, t. 2, 1855, p. 8); les plus zélés adeptes [de la réforme] (Ch. de Montalembert, Hist. de sainte Élisabeth de Hongrie, 1836, p. 355); les adeptes du régime de Vichy (Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, L'Unité, 1956, p. 38); adeptes de la psychologie de l'évolution (P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine, 1883, p. 70); adepte de Jansénius (J.-K. Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 57); adepte de Rousseau (G. Sand, Histoire de ma vie, t. 1, 1855, p. 47); faire des adeptes (H. Massis, Jugements, t. 1, 1923, p. 131); poursuivre, traquer, massacrer les adeptes de la réforme (A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 43).
P. ext., dans les domaines de l'art ou des sc.Personne qui participe aux activités d'un groupe relativement restreint :
8. À la fin de son étude, Sougez avoue : « De nos jours, il y a trop d'action désordonnée, trop d'adeptes nouveaux, trop d'amateurs aussi ». A. Lhote, Peinture d'abord,1942, p. 171.
Rem. Syntagmes rencontrés. Amateur de qqc. : les adeptes des éperlans (J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, 1825, p. 126); adepte de la littérature la plus symboliste et de la musique la plus compliquée (M. Proust, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 733); adeptes du marché noir (F. Ambrière, Les Grandes vacances, 1946, p. 653); adeptes du pessimisme (J. Lemaitre, Les Contemporains, 1885, p. 163); adeptes du sport-roi (J.-R. Bloch, Destin du siècle, 1931, p. 123); devenir un - conscient de la peinture ingénue (A. France, L'Île des pingouins, 1908, p. 148).
II.− Emploi adj., rare :
9. J'ai fondé partout des cabinets de lecture et des sociétés littéraires ou savantes. J'ai ouvert bien des librairies et entretenu des imprimeries adeptes. Tous les dissidents de la franc-maçonnerie s'embrassaient dans l'illuminisme. L'Europe allait obéir comme une armée aux plans des maîtres du temple, ... P. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 340.
Rem. Dans les ex. suiv., il peut s'agir de constr. du subst. en attribut ou en appos. (d'où a pu sortir, occasionnellement et par brachylogie, l'emploi adj.) :
10. Je commençais à me rendre compte que le système des causes nombreuses d'une seule action, dont Albertine était adepte dans ses rapports avec ses amies quand elle laissait croire à chacune que c'était pour elle qu'elle était venue, n'était qu'une sorte de symbole artificiel, voulu, des différents aspects que prend une action selon le point de vue où on se place. M. Proust, À la recherche du temps perdu,La Fugitive, 1922, p. 615.
11. ... je suis en correspondance avec des chercheurs. Les curés de campagne, ce sont tous des candidats adeptes : en hiver, après l'Angelus, on a le temps de bricoler, n'est-ce pas? Je les ai tous lancés sur mon liquide. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1346.
Prononc. − 1. Forme phon. : [adεpt]. Littré : ,,Ne prononcez pas adette comme on fait dans quelques régions.`` Enq. : /ade2pt/. 2. Dér. et composés : adeptat.
Étymol. ET HIST. − 1. 1630 « alchimiste initié à la formule du grand œuvre » (J. B. van Helmont, Lettre au P. Mersenne, 19 déc. 1630 ds Mersenne, Correspondance, éd. Tannery et De Waard, t. 2, p. 586 ds R. belge Philol. Hist., t. 26, p. 69 : Parlant mal de toute la Cabale, l'on injurie ces rares personnages des Adepts); 1631 « id. » (ibid., 14 fév. 1631, id., t. 3, p. 108, ibid., p. 75 : Je vous prie ne me donner le titre d'Adepte, car je ne le merite); 2. p. ext. 1775 « personne initiée à un art » (D'Alembert, Éloges, Callières ds DG : L'art de la versification était le secret d'un petit nombre d'adeptes). Empr. au lat. des alchimistes adeptus, substantivation du part. passé de adipisci, litt. « celui qui a atteint », empl. d'apr. Du Cange s.v. par Paracelse [1493-1541] et Helmont [l'aut. de l'attest. de 1630 : J. B. van Helmont 1577-1644] comme équivalent du lat. mysta et du gr. ε ̓ π ο ́ π τ η ς; ext. de sens 2 à partir de 1 ne fait pas difficulté, mais l'infl. de l'angl. (Mack. t. 1 1939, 102 et 178) n'est pas à exclure : l'angl. utilise à partir de 1663 lat. adeptus, à partir de 1685 adept au sens de « celui qui est initié dans une société secrète » (NED); à noter la vitalité du mot en angl. : adeptical (1662, J. Chandler, Helmont's Oriatrike, 157 ds NED); adeptist, (id., id. 2, ibid.).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 195.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Fér. 1768. − Lacr. 1963. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20.