| ADAPTATION, subst. fém. Action de s'adapter ou d'adapter; résultat de cette action. A.− [En parlant d'un organe, d'une fonction, d'un être vivant] Action de s'adapter; résultat de cette action. 1. BIOL. Appropriation d'un organe ou d'un organisme à l'accomplissement d'une fonction vitale dans des conditions données. a) État de ce qui est naturellement approprié : 1. N'est-ce pas une réalité sensible que l'adaptation des conditions extérieures aux propriétés internes des êtres et à leurs fonctions, ou celle des organes entre eux pour le but dernier de la vie? Il y a sans doute un antagonisme aussi; mais ce sont deux faces des mêmes rapports, et sans la concordance générale de tout développement interne avec les lois des phénomènes ambiants, sans une limite aussi de la part de ces derniers, on ne pourrait pas concevoir la production des êtres particuliers.
Ch. Renouvier, Essais de critique générale,3eessai, 1864, p. 143. 2. Quant à l'intelligence des plantes et des animaux, elle est prouvée par l'adaptation merveilleuse des organes à leurs fonctions : il y a là une finalité, c'est-à-dire un but poursuivi et atteint.
L. Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 109. b) Processus par lequel un être ou un organe s'adapte naturellement à de nouvelles conditions d'existence : 3. ... si bien même qu'un changement de vent, un coup de sirocco, de khamsin, ou, comme on dit en Sardaigne, de levante maladetto, suffit pour produire une secousse, jeter le trouble passager dans notre organisme. Un effort sans cesse renouvelé serait nécessaire pour faire face à ces vicissitudes, si l'adaptation et l'accoutumance n'intervenaient pas pour en amortir les chocs. L'adaptation équivaut à une économie d'efforts qui, une fois réalisée, assure à chaque être, à moins de frais, l'accomplissement paisible et régulier de ses fonctions.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1921, p. 106-107. 4. ... nous avons des organes, nous possédons tout un système spécialisé qui nous rappelle inopinément et très fréquemment au nouveau, qui nous presse de trouver l'adaptation qui convient à la circonstance, l'attitude, l'acte, le déplacement ou la déformation, qui annuleront ou accentueront les effets de la nouveauté. Ce système est celui de nos sens. L'esprit emprunte donc à la sensibilité qui lui fournit ses étincelles initiales, ce caractère d'instabilité nécessaire qui met en train sa puissance de transformation.
P. Valéry, Variété 3,La Politique de l'esprit, 1936, p. 212. 5. Où trouve-t-on, dans la matière, ces propriétés de régulation, d'adaptation, d'ajustement aux circonstances, qui appartiennent aux choses vivantes?
J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 150. − Spéc., OPHTALMOLOGIE. Pouvoir d'accommodation (cf. ce mot) de l'œil (cf. adapter) : 6. Nicolle, un garçon incontestablement très savant, mais le plus grand bavard scientifique que je connaisse, me parlant dans le roulement de la voiture, − sans miséricorde et sans le temps de ravaler sa salive, − me parlant successivement de l'adaptation de l'œil de l'aigle, de l'œil du sauvage pour la vision de grands espaces et de la myopie produite par la civilisation.
E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1891, p. 36. 7. ... par la forte lumière notre sensibilité s'émousse, tandis qu'elle s'affine à la lumière faible, et c'est ce qui constitue justement le phénomène de l'adaptation.
J. Ovio, La Vision des couleurs,1932, p. 367. 2. PHILOS., PSYCHOL. Modification des fonctions psychiques de l'individu qui, sans altérer sa nature, le rendent apte à vivre en harmonie avec les nouvelles données de son milieu ou un nouveau milieu : 8. Dans l'infinité diffuse de ses conditions déterminantes, le vivant apparaît ainsi comme un système concentré de forces coordonnées; et l'infini de son acte lui est plus intérieur qu'extérieur. Car les influences qu'il subit, au lieu de l'emporter passivement, s'accumulent et s'expriment par des fonctions spéciales, par une adaptation progressive de l'être à son milieu et de ses parties entre elles.
M. Blondel, L'Action,1893, p. 94. 9. Moi je crois « à l'efficacité des accommodements et adaptations des individus et des groupes à l'ensemble des choses, accommodements, adaptation réalisés à force de tâtonnements. Ces accommodements sont une œuvre d'une longueur et d'une difficulté telles que l'individu pas un instant ne peut songer à y suffire.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 10, 3 avr.-août 1913, p. 98. 10. ... plaintes amères sur la vie quotidienne, révolte systématique contre les cadres familiaux ou sociaux, répugnance à la lutte, idéalisme éperdu, tout ce mal de la jeunesse n'est qu'un accident de route, une crise nécessaire, s'il est contenu; sinon il compromet tout le processus d'adaptation. L'âge adulte est l'âge propre de l'adaptation. Mûrir, c'est trouver sa place dans le monde, l'aménager en renonçant à tous les incompossibles, enrichir et assouplir indéfiniment la multiplicité de nos rapports avec le réel. Mais l'accomplissement de l'adaptation est un suicide vital, si l'adaptation joue trop serré.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 339. 11. Sur le plan psychologique, l'adaptation se présente par la recherche et la découverte d'un ajustement de l'individu aux diverses formes de la vie sociale.
Rééducation, nos89-90, 1957, p. 30. 3. P. ext., rare, PHYS. : 12. Si je verse dans un même verre, tour à tour, de l'eau et du vin, les deux liquides y prendront la même forme, et la similitude de forme tiendra à l'identité d'adaptation du contenu au contenant. Adaptation signifie bien alors insertion mécanique. C'est que la forme à laquelle la matière s'adapte était déjà là, toute faite, et qu'elle a imposé à la matière sa propre configuration. Mais quand on parle de l'adaptation d'un organisme aux conditions dans lesquelles il doit vivre, où est la forme préexistante qui attend sa matière?
H. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 58. B.− Action d'adapter; résultat de cette action. 1. ÉCON., SOCIOL. [En parlant d'une institution] Pour la rendre plus conforme à une mentalité ou à une situation : 13. C'est pourquoi une réforme doit toujours apparaître, soit comme retour à un passé qu'on avait laissé dégrader, soit comme adaptation d'une institution à des conditions nouvelles, adaptation ayant pour objet non pas un changement, mais au contraire le maintien d'un rapport invariant, comme si l'on a le rapport 12 sur 4 et que 4 devienne 5, le vrai conservateur n'est pas celui qui veut 12 sur 5, mais celui qui de 12 fait 15.
S. Weil, La Pesanteur et la grâce,1943, p. 173. 14. L'accumulation de l'or consécutive à des surplus purement commerciaux mais répétés de période en période, peut suffire à créer une situation telle que l'adaptation du volume de la monnaie et du crédit à l'or nourrirait une inflation intérieure intolérable.
F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 73. 2. CIN., LITT., MUS., TH. Modifications imposées par la transposition d'une œuvre d'un domaine ou d'un genre dans un autre. a) La transposition concerne le fond, le contenu : 15. Aussi bien ces analyses, d'ailleurs si remarquables, que nous allons résumer − cette adaptation des maximes de La Rochefoucauld aux choses de la vie spirituelle − Nicole les regrettera-t-il un jour. Il essaiera, mais un peu tard, d'exorciser les scrupules qu'auront déchaînés ses charmes subtils.
H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 4, 1920, p. 506. b) La transposition concerne la forme, la technique : 16. − Voici les feuilles en question, brochées à la hâte, sans préface, personnages, errata ni couverture. − Il y a 40 pages à couper pour l'adaptation à l'Odéon. Cela va sans dire, c'est 8 jours d'ouvrage.
Ph.-A.-M. de Villiers de l'Isle-Adam, Correspondance générale,1880, p. 275. 17. Le courrier apportait à Wilfrida un projet de contrat pour l'adaptation cinématographique de Tanchelin l'hérétique, un des fragments de l'œuvre. Wilfrida avait dicté ses conditions, inspirées par l'éditeur, pour le respect de l'œuvre.
M. Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 221. − Spéc., dans le domaine de la mus.Accommodation des paroles à la musique (à la mélodie) ou de la musique aux paroles : 18. ... il y a à distinguer deux questions (...) la question d'origine ou de structure d'une mélodie, et la question d'adaptation des divers textes psalmodiques à cette même mélodie; ...
Bénédictins de Solesmes, Paléographie musicale,t. 2, 1889, p. 42. 19. Dans le genre (...) qu'on appelle l'adaptation musicale, (...) nous voyons un déclamateur (...) réciter des vers dont l'orchestre (...) s'efforce de souligner l'accent.
Lavignac, Voyage artistique à Bayreuth,1930, p. 262. 3. P. ext., diverses techn. : 20. Ce loueur de costumes s'appelait le Changeur (...). Ces vêtements avaient un inconvénient, ils « n'allaient pas »; n'étant point faits pour ceux qui les portaient, ils étaient collants pour celui-ci, flottants pour celui-là, et ne s'ajustaient à personne. (...). Le Changeur n'avait prévu que les hommes ordinaires. Il avait pris mesure à l'espèce dans la personne du premier gueux venu, lequel n'est ni gros, ni mince, ni grand, ni petit. De là des adaptations quelquefois difficiles dont les pratiques du Changeur se tiraient comme elles pouvaient.
V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 708. 21. Les machines d'extraction électriques se prêtent avec une remarquable facilité à l'adaptation de tous les dispositifs de sûreté contre les accidents.
J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,t. 3, 1905, p. 183. 22. Le mode d'adaptation des pièces hétérogènes qui entrent dans la composition d'un instrument ou d'une arme, d'une case ou d'un bateau, a été souvent une pierre d'achoppement pour les industries primitives.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1921, p. 121. Rem. Parmi les nombreuses assoc. paradigm. (synon. ou quasi-synon.) rencontrées dans les textes, on relèvera : accommodement, accoutumance, ajustement, changement, concordance, conformation, coordination, déformation, déplacement, habitude, rapport (invariant), régulation. Prononc. : [adaptasjɔ
̃]. Enq. : /adaptasiõ/. Étymol. ET HIST. − 1. 1501 « action d'adapter, d'appliquer un élément à un autre qui lui est approprié » emploi fig. (Gui Jouveneaux, [Regula beati patris Benedicti e latino in gallicum sermonem], fol. 79bds Gdf. Compl. : Par prudente adaptation de la medicine a l'indisposition); 1561 « état de ce qui est ajusté de manière convenable » sens propre appliqué à la méd. (Pierre Franco, Traité des hernies, 519 ds Quem. t. 1 1959 : Les os de la jambe s'accourcissent, si l'adaptation des os n'est bien gardée par une bonne déligature); 2. 1539 rhét. « appropriation, convenance (d'un mot à une idée) » (Gracien Du Pont, L'Art de rhétorique metrifiee, fol. 28, ibid. : Lay est un nom ancien a plaisir, duquel, pour tant que j'aye travaillé mon esprit, je n'ay sceu trouver aulcune bonne approbation, ny adaptation en la dicte forme, pour qu'elle voulsist dire quelque chose substantielle); 1578 « convenance, application d'une œuvre littéraire, à un personnage, à une situation nouvelle » (Vigenère, Tableaux de Philostrate, 679 [1611], ibid. : Isaac Tzezes... s'estend ainsi ouvertement a l'adaptation de sa fable); pour ces différents sens on trouve l'indication vieilli ds Ac. 1718; guère en usage ds Ac. 1762; peu usité ds Ac. 1878. Ce n'est qu'en 1932 qu'Ac. enregistre des sens modernes : Adaptation d'un roman au théâtre... L'adaptation d'un organe à ses fonctions.
Empr. au lat. médiév. adaptatio; 1 au sens propre : ca 1225, Pseudo-Galenus, Anatomia, 1 ds Mittellat. W. s.v., 158, 44 : exigitur adaptatio et praeparatio organorum multiformium ad texturam corporis humani ordinandam; 2 ca 1270-80, Albert Le Grand, Mus., 1, 2, 2, ibid., 158, 60. STAT. − Fréq. abs. litt. : 566. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) néant, b) 87; xxes. : a) 678, b) 1 952. BBG. − Arnaud 1966. − Bailly-Roche 1967. − Battro 1966. − Baulig 1956. − Bél. 1957. − Birou 1966. − Éd. 1913. − Électron. 1963-64. − Fér. 1768. − Foulq.-St-Jean 1962. − Fries t. 1 1965. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Giraud 1956. − Goblot 1920. − Husson 1964. − Julia 1964. − Lafon 1963. − Lal. 1968. − Littré-Robin 1865. − Miq. 1967. − Mucch. Psychol. 1969. − Mucch. Sc. Soc. 1969. − Piéron 1963. − Pir. 1964. − Porot 1960. − Psychol. 1969. − Séguy 1967. − Sill. 1965. − Vachek 1960. − Voyenne 1967. |