| ACQUISITION, subst. fém. A.− DR., lang. commune. Action d'acquérir. 1. (Cf. acquérir I A 1) : 1. L'acquisition lente et graduelle d'une propriété légitime est autre chose que la conquête violente d'une propriété qu'on enlève. L'homme qui s'enrichit par son industrie ou ses facultés apprend à mériter ce qu'il acquiert : celui qu'enrichit la spoliation ne devient que plus indigne de ce qu'il ravit.
B. Constant, De l'Esprit de conquête et de l'usurpation,1813, p. 193. − P. ell. Acte d'acquisition, attestant l'accès à la propriété : 2. Le bâtiment des archives (...) n'est point humide, quoiqu'un canal passe dessous. Titres de l'intendance, collection immense. Titres de l'archevêché. Titres des corporations religieuses, entre autres quatorze volumes in-folio des Augustins. Descriptions de terres, fiefs du chapitre Saint-Seurin, entre autres un énorme in-folio avec de beaux plans. Six volumes in-folio, intitulés terriers, mais renfermant, outre les acquisitions, donations, des jugements et autres actes, en langue romane.
J. Michelet, Journal,août 1835, p. 180. 2. Au fig. [En parlant de biens moraux] (cf. acquérir I A 2) : 3. Le progrès dit : deviens homme, ne reste pas dans la femme, si tu veux féconder la fille ou la femme d'avenir. Le retour serait faible et lâche. L'amour ne serait plus une conquête, une acquisition, mais un retour de soi en soi.
J. Michelet, Journal,janv. 1857, p. 321. − Péj. [En parlant de pers.] Mise à son service par la corruption (cf. acquérir I A 3) : 4. Il n'y a rien de tel pour épier les actions des gens que ceux qu'elles ne regardent pas. (...). Il existe des êtres qui, pour connaître le mot de ces énigmes, lesquelles leur sont du reste parfaitement indifférentes, dépensent plus d'argent, prodiguent plus de temps, se donnent plus de peine qu'il n'en faudrait pour dix bonnes actions; et cela, gratuitement, pour le plaisir, sans être payés de la curiosité autrement que par la curiosité. Ils suivront celui-ci ou celle-là des jours entiers, feront faction des heures à des coins de rue, sous des portes d'allées, la nuit, par le froid et par la pluie, corrompront des commissionnaires, griseront des cochers de fiacre et des laquais, achèteront une femme de chambre, feront acquisition d'un portier. Pourquoi? Pour rien.
V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, pp. 221-222. Rem. L'emploi corresp. de acquérir n'est pas péj. B.− Résultat d'une acquisition, chose (ou parfois personne) acquise. 1. Synon. de achat (cf. acquérir I A 1) : 5. Bientôt elle eut une petite somme et put s'acheter du linge, des vêtements. Tantôt un corsage de couleur criarde ou une « combinaison », tantôt une robe à volants ou un chapeau enrubanné.
« Vous avez bien les goûts de la campagne », disait la patronne quand Renée déballait ses achats. Mais elle était fière de ses acquisitions qu'elle rangeait soigneusement dans l'armoire.
E. Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, pp. 107-108. Rem. Cette accept. est particulièrement fréq. au plur. 2. Au fig. [En parlant d'un bien moral de civilisation] (cf. acquérir I A 2) : 6. ... la pensée de la mort naturelle est une acquisition tardive de la civilisation. Longtemps les hommes pensèrent que leur destruction ne peut être que le fruit d'une sinistre machination. En toute mort, ils voyaient un attentat, sur l'auteur présumé duquel se déchargeait la colère du groupe social. Parfois, c'est au mort lui-même et à son ingratitude qu'on s'en prenait.
J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, p. 148. − [En parlant d'une pers. qui se met au service de qqn, ou d'une cause] (cf. acquérir I A 3) : 7. Moi-même, quelques jours après, je pus voir quelle précieuse acquisition la religion nouvelle avait faite dans la personne de ma fleuriste.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, pp. 12-13. Prononc. : [akizisjɔ
̃]. Enq. : /akizisjiõ/. Étymol. ET HIST. − 1. 1283 dr. « bien acquis ». (Beaumanoir, Cout. de Beauvaisis, éd. Beugnot, 45, 19 ds T.-L. : Selonc le droit naturel cascuns est frans, mes cele naturele francise est corrumpue par les aquisitions dessus dites); 2. 1501 « action d'acquérir » fig. ([Guy Jouveneaux], Reigle de Mgr. Sainct Benoist, fol. 120a ds Gdf. Compl. : Labourieuse acquisition des vertus).
Empr. au lat. acquisitio (au sens littéral de « action d'augmenter » dep. Frontin; cf. acquirere « ajouter à » s.v. acquérir) au sens de « action d'acquérir » au propre dep. Scaevola, Digestorum libri, 33, 2, 36, 1 ds TLL s.v., 428, 3, terme jur.; fig. en lat. chrét. : cf. avec 2 : Ambroise, De officiis ministrorum, 2, 6, 23 ds Blaise 1954 : acquisitio pietatis; au sens 1 dep. Cassien (Conlatio, 24, 13, 3 ds TLL s.v., 428, 25), fréq. en lat. médiév. comme terme jur. par opposition au patrimoine (1114-1118, Leges Henrici, 70, 21 ds Nierm. : Primum patris foedum primogenitus filius habeat; emptiones vero vel deinceps acquisitiones suas det cui magis velit). STAT. − Fréq. abs. litt. : 663. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 1 200, b) 762; xxes. : a) 763, b) 927. BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Battro 1966. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Blanche 1857. − Cap. 1936. − Chabat t. 1 1875. − Daire 1759. − Éd. 1913. − Fér. 1768. − Lacr. 1963. − Lafon 1963. − Lemeunier 1969. − Piéron 1963. − Réau-Rond. 1951. − Romeuf t. 1 1956. |