| ACOQUINER, ACCOQUINER, verbe trans. A.− Emploi trans., rare et fam. [Le suj. désigne gén. une passion, un défaut ou l'oisiveté] Acoquiner qqn.Attirer quelqu'un et l'installer dans une habitude ou un attachement excessifs. 1. [Sans compl. d'obj. second.] L'oisiveté acoquine; en hiver le feu acoquine (Ac. 1835, 1878, Ac. t. 1 1932) : 1. Le métier de mendiant acoquine ceux qui l'ont fait une fois.
Ac. 1835, 1878, Ac. t. 1 1932. 2. ... et si je tenais à me réhabiliter de ce côté, je ferais une eau-forte qui serait tout bonnement moi-même; mais à quoi bon? Vous et quelques connaisseurs, vous voulez bien ne pas jeter mes barbouillages au panier, cela me suffit. Et puis l'eau-forte m'amuserait, m'attacherait, m'acoquinerait. J'y passerais des jours et peut-être des nuits, et mon temps ne m'appartient pas.
V. Hugo, Correspondance,1864, p. 469. Rem. Besch. 1845 note que ce sens ,,ne se dit plus que par extension et au figuré`` p. rapp. au sens propre inusité : ,,allécher, attirer par la bonne chère.`` 2. Vx. [Gén. au part. passé passif] Acoquiner à.Attacher fortement quelqu'un à quelque chose, en partic. à un lieu : 3. ... la fortune te le permet, ta progression morale le demande, tes amis l'ordonnent. C'est la voix de la providence.
Et moi qui te prêche, je n'y vais ni n'y veux beaucoup vivre. C'en est fait. Je suis de plus en plus acoquiné à la province.
A. de Lamartine, Correspondance,1830, p. 6. 4. Il se vit mourir, durant six mois, tous les jours, se confessant et communiant avec édification, et pourtant jusqu'à la fin, comme il disait, très- accoquiné à la vie.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 73. B.− Emploi pronom., souvent péj. S'acoquiner à, près de.S'attacher à quelqu'un, avoir des fréquentations avec quelqu'un en s'installant auprès de lui. 1. [Le compl. désigne une femme; le suj. désigne un homme] S'acoquiner avec, à, près de a) Vivre en concubinage : 5. Il [Anatole] se chauffait aux femmes comme au feu des autres, et il s'acoquinait près des maîtresses de ses amis comme il s'acoquinait dans leur atelier.
E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 337. 6. Vieilli dans les médiocres honneurs du Sénat, mal décrassé, acoquiné à une fille de brasserie, pauvre, paresseux, désabusé...
A. France, Le Lys rouge,1894, p. 338. 7. Mais Jean-Jacques était, de sa nature même, fidèle. Il était faible, et Thérèse, si, par de petits soins, elle lui assurait la liberté de ses rêves, n'aurait pas de peine à le retenir dans « leur » petit ménage. Il s'acoquinerait près d'elle comme il s'était acoquiné aux Charmettes, par mollesse et pour sa commodité.
J. Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », préf., 1948, p. 221. − Emploi abs., fréq. : 8. Il est excessivement rare de voir un ouvrier vrai s'acoquiner (...). Vivre en concubinage. Les sublimes disent d'un individu dans cette position; il est collé.
D. Poulot, Le Sublime ou le Travailleur comme il est en 1870 et ce qu'il peut être,1872, p. 30. 9. ... la plupart tardent indéfiniment à se marier, (...); butés à cet espoir, dont la réalisation se fait attendre, ils se laissent aller, s'acoquinent et perdent leur avenir.
D. Poulot, Le Sublime ou le Travailleur comme il est en 1870 et ce qu'il peut être,1872p. 57. 10. Acoquiner (S'). Vivre en état de concubinage. Mot à mot : vivre avec une coquine. « (...) en pensant qu'il avait été jusque-là assez bon enfant pour rester acoquiné avec une ouvrière. » (Vast-Ricouard, Le Tripot, 1880).
L. Rigaud, Dict. de l'argot moderne,1881, p. 5. b) Au fig. Avoir des relations avec des personnes d'un niveau généralement assez bas : 11. Lorrain vient me voir aujourd'hui et me parle d'une manière amusante des êtres antipathiques, ridicules, compromettants, avec lesquels la littérature le force à s'acoquiner, par exemple de Péladan et de ses vareuses bleu tendre à pèlerine, etc., etc.
E. et J. de Goncourt, Journal,oct. 1889, p. 1061. 12. ... il se révélait prodigieux, savait tout, était au courant des plus anciens bouquins, des plus séculaires coutumes, des découvertes les plus neuves. À force de s'acoquiner avec les extraordinaires épaves de Paris, il avait approfondi des sciences diverses et hostiles; ...
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 38. Rem. Dans l'emploi a la prép. la plus fréq. est avec; avec près de l'emploi du verbe est voisin de l'emploi abs.; avec à il s'agit d'un emploi partic. du sens anc. « s'attacher à ». Dans l'emploi b avec est la prép. usuelle sinon exclusive. 2. P. anal. [Le compl. désigne des inanimés] S'attacher à quelque chose, en particulier à un lieu : 13. Le soir, nous avons les nerfs si malades, qu'un bruit, une fourchette qui tombe, nous donne un tressaillement par tout le corps et une impatience presque colère. Nous nous complaisons, au coin de notre feu, dans le mutisme, nous acoquinant là, avec une peur de mouvement, comme l'ont des vieux fatigués.
E. et J. de Goncourt, Journal,déc. 1860, p. 861. 14. − Mon premier livre est un soliloque, mon cher ami. Qu'un homme constitué comme moi et comme tant d'autres s'absorbe dans son moi, il s'y acoquine et s'y endort. L'atonie arrive, je ne sais quoi qui ressemble au quiétisme, à l'extatisme torpide des gens concentrés dans la contemplation de leur nombril...
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 160. 15. Cela parut très drôle, et l'on se sépara. Florent revint, s'acoquina à ce cabinet vitré, dans les silences de Robine, les emportements de Logre, les haines froides de Charvet. Le soir, en rentrant, il ne se couchait pas tout de suite.
É. Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 712. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : (s') [akɔkine], (je m') [akɔkin]. Enq. : /akokin/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : acoquinant, acoquinement. Cf. coquin. 3. Forme graph. − Pour le non redoublement de c dans acoquiner, cf. accabler, prononc. et orth. III. L'anc. graph. était accoquiner, etc. Cf. Hug., Nicot 1606 jusqu'à Ac. 1740 inclus. Cependant Rich. 1680 et Ac. 1694 s.v. coquin, avaient simplifié la géminée, graph. qu'Ac. consacre en 1762. Étymol. ET HIST. − 1. a) 1530 intrans. « se comporter comme un mendiant » (Palsgrave, Éclaircissements de la lang. fr., éd. F. Génin, Paris, 1852, 504 : Si vous vous acoustumez d'aynsi accocquiner, les gens vous tiendront pour ung belistre deshonté, or pour ung diseur; [angl. : If you use to come to mennes houses on this facyon unbydden, other men wyll call you a bolde begger, or a dysour]) emploi isolé; 1562 pronom. « id. » (Calvin, Serm. sur le Deutéronome, 95, éd. Baum, Cunitz et Reuss, XXVII, 340 ds Hug. : Beaucoup s'accoquinent... et les plus grands criars emporteront ce dont les povres devroyent estre nourris et substantez). − 1606, Nicot : accoquiner aussi est prendre le train paresseux d'un coquin... Comme il s'est accoquiné; b) 1562 trans. « habituer à mendier » (Calvin, Op. cit., ibid., XXVII, 341 ds Hug. : On ne fera point mesmes le profit de ceux à qui on donnera : car on les accoquine, ils s'accagnardent... et en la fin ils se plaisent en leur mendicité) attest. isolée, d'où 2.a) Acoquiner à + inanimé, 1530 trans. « soumettre à une (mauvaise) habitude » (Palsgrave, Op. cit., 417 : Je acquoquine [I accustome one with wylde condycions] Je lacquoquine a ma mode [I accustome hym for the bent of my bowe]; 1587 pronom. s'acoquiner à « s'habituer à » (Lanoue, Discours politiques et militaires, Bâle, 1587, ds Littré : Ils se souillent en se pensant délecter et, s'acoquinans aux écrits de mensonge, ils desdaignent ceuz où reluit la vérité); b) s'acoquiner avec + animé, 1690 pronom. « se lier avec qqn (de peu recommandable) » (Fur. : cet homme... s'est accoquiné avec cette femme débauchée).
Dér. de coquin*, préf. a-*; entré dans la lang. apr. le m. fr. coquiner, dep. 1440 « mendier », qu'il a supplanté. STAT. − Fréq. abs. litt. : 32. BBG. − Bél. 1957. |