| ACCOURCIR, verbe trans. Vieux A.− Emploi trans. 1. [L'obj. désigne une chose] Rendre court ou plus court. ,,Accourcir une robe, un manteau, un bâton, un ouvrage, une scène, un discours`` (Ac. 1835, 1878, 1932); ,,accourcir d'un doigt, d'un pied`` (Ac. 1835) : 1. J'ai honte de vous écrire des volumes, mais je pense que vous avez toujours le moyen de les accourcir si, comme il est probable, vous êtes devant votre cheminée.
P. Mérimée, Une Correspondance inédite : Lettres à Madame de la Rochejacquelein,1870, p. 48. 2. ... il tournait son falot avec une capricieuse et sûre vélocité, dardait le faisceau blanc au travers de la plaine, l'allongeait, l'accourcissait, plus près, plus loin, à droite, à gauche, fauchant la nuit de cette lame gigantesque avec une adresse délicate.
M. Genevoix, Raboliot,1925, p. 250. 2. [L'obj. désigne la durée d'un trajet] Faire paraître moins long de manière à rendre agréable. ,,La conversation accourcit le chemin`` (Besch. 1845). − Accourcir son chemin ou empl. absol. accourcir. ,,Prendre quelque route de traverse qui rende le chemin plus court.`` (Ac. 1835, 1878, 1932). 3. Emplois techn. a) MAN. Accourcir la bride dans sa main. ,,Tirer les rênes par le bouton avec la main droite, en les faisant couler dans la main gauche, avec laquelle on les ressaisit pour s'élancer à cheval.`` (Besch. 1845). b) VÉN. Accourcir le trait. ,,Le retirer à demi ou tout à fait pour retenir le limier.`` (Besch. 1845). Rem. Attesté ds Littré, Guérin 1892. c) PROSODIE CLASS. Accourcir une syllabe. ,,Rendre brève une syllabe qui est longue.`` (Littré). B.− Emploi pronom. Devenir court ou plus court. 1. [En parlant d'un obj.] :
3. Le coup de théâtre est complet. De la momie grise ou noirâtre qui se sèche et s'accourcit, vous voyez l'être nouveau, le ressuscité, le phénix, s'arracher et resplendir dans tout l'éclat de la jeunesse.
J. Michelet, L'Insecte,1857, p. 79. 4. Ces vers sont régis par le mouvement intérieur de la pensée, et non plus par un mouvement extérieur et imposé d'avance. L'alexandrin s'allonge et s'accourcit selon que l'idée a besoin d'ampleur ou de resserrement et le rejet, comme un rejeton de rosier planté en bonne terre, pousse et verdoie selon sa vie propre...
R. de Gourmont, Esthétique de la langue française,1899, p. 242. 2. [En parlant d'un espace de temps] :
5. On cesse de bâtir, les naissances diminuent, les morts se multiplient, les nuits s'allongent et les jours s'accourcissent.
M. Maeterlinck, La Vie des abeilles,1901, p. 253. Rem. C'est dans cet emploi que le mot est le mieux attesté, il est partout vieilli et remplacé par raccourcir. Suivant Littré, ,,proprement raccourcir devrait signifier accourcir de nouveau ce qu'on a déjà accourci.`` Pour Laf. 1858, ,,accourcir exprime une action modérée et un effet peu considérable (...) sous ces deux rapports raccourcir enchérit sur le verbe simple (...) raccourcir, c'est non-seulement accourcir beaucoup, mais souvent aussi accourcir trop... [De plus] on accourcit plutôt d'un coup (...). Mais, raccourcir est plus propre à marquer une action successive.`` Enfin, selon Platt (Dict. critique et raisonné du langage vicieux ou réputé vicieux, 1835), ,,[accourcir] ne doit s'employer qu'au figuré : Vous avez accourci votre chemin en passant par là. [Raccourcir] ne doit s'employer qu'au propre : Raccourcissez ma canne.`` Cependant raccourcir tend à supplanter accourcir dans tous les cas. Ce dernier verbe est d'une vitalité très faible à notre époque et témoigne chez l'auteur moderne soit d'un souci de purisme, soit d'un souci d'archaïsme. Prononc. − 1. Forme phon. : [akuʀsi:ʀ]. 2. Dér. et composés : accourci, accourcie, accourcissement, raccourcir. Cf. court. Étymol. ET HIST. − 1. 1162 trans. « rendre plus court » (Chrét. de Troyes, Muance de la hupe et de l'aronde et du rossignol ds R. Hist. litt. Fr., I, 486 : Se vos lui seule ne tolez Ma vie acourcir me volez); 2. début xiiies. intrans. « devenir plus court » (G. de Coincy, Les miracles de la Ste Vierge, 701, 603 ds T.-L. : le cler cressant Qui n'accourcist ne ne decraist); d'où 1558 pronom. « id. (des jours, après le solstice d'été) » (Lettre de Phil. II à ses plénipot., Pap. d'Et. de Granv. V, 251 ds Gdf. Compl. : Les jours s'accourcissans).
Formé sur l'a. fr. acorcie, part. passé fém. de l'a. fr. acorcier « raccourcir » (xiies., du lat. *adcurtiare), issu régulièrement de la forme acorciee, Brüch ds Z. fr. Spr. Lit., XLIX, 290; voir aussi raccourcir. STAT. − Fréq. abs. litt. : 8. BBG. − Bar 1960. − Baudr. Chasses 1834. − Bénac 1956. − Brüch (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 290. − Hanse 1949. − Remig. 1963. − Thomas 1956. |