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ABÉCÉDAIRE, adj. et subst. masc.
I.− Adj., hors d'usage
A.− Alphabétique :
1. Ordre abécédaire. L'ordre des lettres suivant l'alphabet François; on dit plus communément et mieux ordre alphabétique. Gattel1841.
[Se dit plus particulièrement des psaumes ou des hymnes dans lesquels les premières lettres de chaque strophe ou de chaque vers suivent l'ordre alphabétique] :
2. Après Sidoine, il fréquentait encore le panégyriste Mérobaudes; Sédulius, l'auteur de poèmes rimés et d'hymnes abécédaires dont l'Église s'est approprié certaines parties pour les besoins de ses offices; ... J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 48.
B.− Qui en est à l'A.B.C. quant au niveau des connaissances :
3. Mais, que nous voici loin de ces temps abécédaires, et combien raisonnables et savants ne sommes-nous pas devenus, depuis qu'on cessa de pleurer d'amour, sous un firmament expliqué! L. Bloy, Journal,1894, p. 105.
II.− Subst. masc., vieilli
A.− Manuel scolaire pour apprendre l'A.B.C. :
4. Abécédaire. Livre élémentaire pour apprendre aux enfants les lettres de l'alphabet. Gattel1841.
5. ... mettez à sa disposition tous les livres possibles depuis l'abécédaire de son marmot jusqu'à René de Châteaubriand, livre plus dangereux que Thérèse philosophe. H. de Balzac, Physiologie du mariage,1826(éd. préoriginale), p. 146.
6. Dans les Idées d'un maître d'école, j'admire votre esprit pédagogique, cher Maître; il y a de bien jolies phrases d'abécédaire. G. Flaubert, Correspondance,1873, p. 21.
7. ... l'éducation est exclusivement religieuse, réduite aux versets de la Bible d'où sont tirées toutes les leçons, les exemples de ronde et de courante, jusqu'aux abécédaires à images. A. Daudet, L'Évangéliste,1883, p. 161.
8. Les rudiments de la grammaire semblaient partout noyés dans l'amusette, comme des diphtongues dans les gravures d'un abécédaire illustré. E. Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 82.
9. Elle avait eu le sentiment que ce vieillard était là ainsi qu'un enfant devant elle; elle, la petite fille d'hier, tout empêchée à épeler devant lui les lignes de l'abécédaire qu'elle suivait du doigt. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 230.
Rem. Destinés aux enfants, les abécédaires sont gén. illustrés (ex. 7).
B.− P. ext. Ouvrage élémentaire :
10. Encore qu'elles fassent un bon abécédaire pour débrouiller le jeune voyageur, on peut négliger les rédactions de Taine sur Venise... M. Barrès, Amori et Dolori Sacrum,1902, p. 90.
11. Ce que je prendrais plus volontiers à parti, comme le fait excellement M. Luc-André Marcel, c'est « la prétention des moindres élèves de M. Leibowitz, qui du haut de leur abécédaire, vitupèrent les insuffisances de Ravel, Stravinsky, Bartok, de Falla, et Schönberg lui-même ... » P. Schaeffer, À la recherche d'une musique concrète,1952, p. 138.
Stylistique − Alors que sous sa forme adj. le mot a perdu sa vitalité, le subst. garde une certaine force expressive, mais a glissé vers la lang. archaïsante, à mesure qu'il a été concurrencé soit par alphabet, soit par A.B.C. ou abécé. Le côté élémentaire et attrayant de ce genre d'ouvrage est bien attesté dans les ex.
Prononc. ET ORTH. : [abesedε:ʀ]. Même rem. que pour abc en ce qui concerne le 1erphonème.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : n. prov. abecedàri; ital. abecedàrio; esp. abecedario; cat. abecedari; port. abecedário; roum. abecedar. I.− Adj. − 1. 1529 « (lettre) de l'alphabet » (G. Tory, Champfleury, fo69 voDelboulle ds Quem., s.v. : Le commun usage est de assembler les lettres abecedaires les unes avec les autres en ceste façon); id., « (ordre) alphabétique » (G. Tory, Champfleury, L. III, 39 rods Hug. : La lettre E... est la seconde vocale en l'ordre Abecedaire); 2. 1580 « qui en est à l'alphabet, aux éléments » (en parlant d'une pers.) (Montaigne, II, 28, éd. Courbet et Royer, t. III, 118, ibid. : la sotte chose, qu'un vieillard abecedaire!). Attesté comme adj. substantivé dès 1573 (cf. hist. I, rem.). Empr. au lat. abecedarius, -a, -um, attesté dep. Fulgence, « de l'alphabet » (Myth. 3, 10 ds TLL s.v., 63, 30 : in puerilibus litteris prima ars est abecedaria (abecetaria plur. codd.), secunda nota). II.− Subst. − Av. 1533 « livre où on apprend l'alphabet » (Bovelles, Géom. Prat., 73 a ds Gdf. Compl. : abecedaire latin). Peut-être empr. au lat. abecedarium, s.n., attesté dep. 337 au sens de « alphabet » (Aethicus, 5, 66 ds Archiv. f. lat. lex, 4, p. 103 : Eius abecedarii insequentes caracteres notavimus); mais pas d'attest. lat. au sens du mot fr., qui pourrait être aussi un emploi substantivé de l'adj., cet emploi désignant tantôt un manuel, tantôt un maître qui enseigne ou un élève qui apprend le rudiment à l'aide d'un pareil manuel (cf. hist. I 1 et 2). HIST. − Mot susceptible d'un grand nombre d'emplois plus ou moins vivants selon les époques. I.− Disparition av. 1789. − Abécédaire, subst., dans le vocab. des éc. 1. « Maître d'école », en usage au xviieet xviiies., cette accept. a disparu au xixes. sauf ds Ac. Compl. 1842 où elle est attestée comme anc. 1reattest. et ds Ac. 1694 qui cite cette accept. mais pour la condamner : Abécédaire, Qui apprend l'ABC et non pas celuy qui l'enseigne. xviiies. Seuls Trév. 1752 et 1771 citent cet emploi : Abécédaire, signifie encore, suivant Danet, le Maître des petites écoles, qui apprend à lire aux enfants. Trév. 1752. 2. « Élève qui apprend l'alphabet, le rudiment », 1573 (cf. inf. rem.) et Ac. 1694 (cité sous 1). − Rem. Abecedarius est le nom de ces élèves dans la Ratio studiorum (« ordre des études ») codifié en 1598, qui règle les études dans les collèges des jésuites, qui employèrent ce mot dans la forme fr. dès 1573 (cf. H. Fouqueray, Hist. de la compagnie de Jésus, t. 1, p. 524, lettre du P. Mercurien, 21 nov. 1573); puis dans le vocab. de Saint-Pierre Fourrier, à partir de 1605. II.− Hist. des sens et accept. attestés apr. 1789. − A.− Sém. I, abécédaire adj. Historiquement attesté le 1er, l'adj. est vivant du xviedu xviiies., vieilli au xixes., relevé ds certains dict. du xxes. (Ac. 1932, Lar.); a disparu ds Lar. encyclop. 1. « Relatif à l'alphabet ». 1reattest. 1529 (cf. étymol. I 1); absent de la docum. du xviies., mentionné au xviiies. par Ac. 1762 et 1798, il est vivant au xixes. comme mot d'hist. (cf. sém. I A) : xvies. : La première lettre Abecedaire qui est A. G. Tory, Champfleury, L. I, 6 vo. (Hug.). En toutes les villes esquelles il est permis de forger monnoyes, on les marque par l'ordre abecedaire selon leurs primautez. H. Estienne, Precellence, 147. (Hug.). xviiies. : Abécédaire. C'est l'ordre des lettres suivant l'alphabet françois. Ordre abécédaire. Ac. 1762. − Rem. 1. P. ext., aux xviieet xviiies., « ouvrage exposant des sujets dans l'ordre alphabétique » : On a donné le titre d'Abecedaire à un livre de Pierre d'Alva sur la Conception de la Vierge en 21 volumes, dont la première lettre A contient trois gros volumes (...). Il est intitulé, Abecedarium Marianum. Fur. 1690. xixes. cf. sém. 2. Sur la synon. abécédaire / alphabétique, cf. Besch. 1845 : Abécédaire se rapporte au fond même de la chose; alphabétique se dit seulement par rapport à l'ordre. Dans un dictionnaire on suit l'ordre alphabétique, mais ce n'est pas un ouvrage abécédaire. L'Académie définit abécédaire par qui concerne l'alphabet, et elle donne pour exemple ordre abécédaire. Cet exemple est on ne peut plus mal choisi, et ne doit trouver sa place qu'au mot alphabétique, qui se dit par rapport à l'ordre des lettres de l'alphabet. Les dictionnaires sont disposés par ordre alphabétique, et non par ordre abécédaire. Littré met en doute cette distinction, comme déjà implicitement Gattel (cf. ex. 1) : abécédaire ne diffère d'alphabétique qu'en ce qu'il est moins usité. 2. « Qui en est à l'alphabet, aux éléments ». 1reattest. 1580 (cf. étymol I 2); en usage au xviies., il subsiste sporadiquement au xixes. (cf. sém. I B) : xviies. : Qui apprend l'ABC (...). Il n'y a rien de si ridicule qu'un vieillard Abécédaire. Il n'a guère d'usage qu'en cette phrase. Ac. 1694. xviiies. : Le précepteur sera tenu d'instruire, tant par lui-même que par ses préposés, les jeunes enfants abécédaires de la ville de Montpellier et de leur apprendre à lire et à écrire. 17 févr. 1747, Arrêt du Grand Conseil (Besch. 1845). B.− Sém. II, abécédaire subst. 1. « Livre où l'on apprend l'alphabet » (avec ell. d'un subst. tel que livre, ouvrage, etc.); subsiste bien qu'il ne soit pas recensé dans la lexicogr. du xviies. Il n'apparaît réellement substantivé que ds Ac. 1835; au xviiies. il est attesté accompagné d'un subst. : Livres abécédaires, tels que ceux de M. Dumas (...), sont ceux qui traitent des lettres par rapport à la lecture, et qui apprennent à lire avec facilité et correctement. Trév. 1771. 2. « Livre des Psaumes », 1reattest. ds Trév. 1752, subsiste (cf. sém. I A) : S. Augustin, dans ses retractations (...) dit qu'on appelloit Abécédaires (...), les Pseaumes dans lesquels les premières lettres de chaque strophe, ou quelquefois peut-être de chaque vers, suivoient l'ordre alphabétique. (...) les Hébreux ont été les premiers Auteurs de cette espéce de Poësie, inventée apparemment pour aider la mémoire. 3. « Ouvrage élémentaire », 1reattest. xviiies., subiste bien qu'il soit rarement attesté dans la lexicogr. (au xixes. ds Lar. 19e, au xxes. absent des dict.). Il apparaît dans les textes (cf. sém. II B) : xviiies. : J'ai examiné avec attention les marques des graveurs qu'ont données M. de Marolles et Florent Le Comte, de même que celles de l'Abécédaire des Peintres, du Cabinet de M. de Valois... Papillons, Gravure en Bois [1766]. (IGLF Techn.). xixes. : Éléments d'une science, d'un art quelconque : Abécédaire d'archéologie. Abécédaire de musique. Lar. 19e. 4. « Membre d'une secte anabaptiste » attesté ds Ac. Compl. 1842, ds Besch. 1845 et ds Lar. 19e, subsiste chez les historiens : Membre d'une secte anabaptiste qui prétendait que, pour être sauvé, il fallait vivre dans une ignorance absolue, et ne pas même connaître l'alphabet. Cette secte était assez répandue en Allemagne au xvies. Besch. 1845. 5. « Plante qui délie la langue des enfants »; accept. attestée ds Besch. et ds Lar. 19e, ne semble pas être vivante au xxes. : Plante de l'Inde qui passe pour avoir la propriété de délier la langue des enfants auxquels on la fait mâcher, ce qui lui valut son nom. On l'appelle aussi Cresson de Para. Lar. 19e.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 13.
BBG. − Bouillet 1859. − Éd. 1913. − Gramm. 1789. − Laurent (P.). Contribution à l'histoire du lexique français. Romania. 1925, t. 51, p. 32. − Littré-Robin 1865. − Malkiel (Y.). Secondary uses of letters in language. Rom. Philol. 1965, t. 19, no1, p. 1-27.