| ABORDAGE, subst. masc. Action d'aborder (trans.). A.− Action d'aborder un navire. 1. Assaut d'un navire : 1. Aux sifflements de la tempête, leur voix rude et impérieuse commandait la manœuvre ou le combat, ils montaient à l'abordage étincelants de joie et de fureur, ...
M. de Guérin, Poésies,Bal, promenade, rêverie à Smyrne, 1839, p. 46. 2. Les méthodes navales ont dû tellement changer. Toutes ces histoires d'abordage, de vents favorables, de position à prendre pour lâcher une bordée, est-ce que cela a encore une valeur quelconque?
− Ne croyez pas ça, dit François, les qualités qui donnent la victoire, sur terre comme sur mer, sont les mêmes aujourd'hui qu'au temps d'Annibal, qu'au temps de César.
A. Maurois, Climats,1928, p. 94. 3. Six cents ans de blocus, d'embargos, de police, de rançons, de visites, d'abordages, de captures sur tous les océans du globe; des milliers de débarquements et de rembarquements, de rivières remontées, de forts réduits au silence, de passages forcés à la couleuvrine, d'arraisonnements à coups de canon, de victoires et de défaites navales, ...
P. Morand, Londres,1933, p. 323. 2. Choc accidentel de 2 navires (ou, p. ext., de 2 voitures ou avions) : 4. ... il s'adressait à une société anglaise, qui lui prenait pour la location de son yacht, pendant deux mois, cent mille francs. Il faut dire que dans un abordage, un bâtiment de cette société avait manqué de couler le bâtiment qu'Étienne venait de vendre à l'impératrice et que celui-ci avait fait condamner la société à quarante mille francs de dommages-intérêts!
E. et J. de Goncourt, Journal,septembre 1893, p. 459. 5. Le risque d'abordage existe lorsque deux avions faisant route à la même altitude, les relèvements réciproques des deux avions ne changent pas... [Règlement sur la circulation aérienne.]
A.-B. Duval, L. Hebrard, Traité pratique de navigation aérienne,1928, p. 181. 6. Le code de commerce distingue l'abordage fortuit (cas de force majeure) et l'abordage fautif.
Gruss1952. 3. Arrivée d'un navire contre un quai ou un autre navire : 7. Un navire qui se range contre le quai d'un port vers lequel il arrive à l'aviron, ou contre un autre navire avec lequel il veut communiquer, fait un abordage, comme lorsqu'il va chercher la côte où il devra débarquer des hommes ou des marchandises.
Jal1848. B.− Action d'aborder un lieu. 1. [En parlant d'un navire] Action d'atteindre le rivage : 8. Une grande énorme sirène a déchiré tous les échos ... Alors la foule s'est figée ... On s'est rapproché du bord, pour voir la manœuvre d'abordage ... Je me suis calé dans l'escalier, juste tout près des vagues ...
L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 254. − P. méton. Lieu dont le dispositif permet l'abordage (abordage : lieu d'abordage) : 9. ... le lendemain, il revint s'asseoir dans son coin, sur les marches d'un abordage, avec ses cages pleines de pies et de sansonnets qu'il vendait tout instruits aux passants, et avec lesquels il s'entretenait avec amour du matin au soir.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 1, 1855, p. 21. 2. [Avec une idée d'hostilité, en parlant d'un navire] Action d'être pris d'assaut : 10. Enfin, par derrière, dans le jardin, une troupe retardataire arriva, qui fit la même sarabande, criant cette fois : − à l'abordage!
Et nous entendions l'écho de leurs cris résonner dans les salles de classe vides, dont ils avaient ouvert les fenêtres. (...) Nous fûmes persuadés que nous avions affaire à des gens − et probablement à des jeunes gens − du bourg. Il y avait même certainement des gamins − on reconnaissait leurs voix suraiguës − dans la troupe qui se jetait à l'assaut de notre demeure comme à l'abordage d'un navire.
Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 129. 3. P. ext. − MILIT. Assaut d'une hauteur : 11. J'appelais donc l'attention du général de Mitry sur la nécessité, non seulement d'organiser solidement la défense des monts, mais encore d'en étendre l'occupation jusqu'au bas des pentes pour interdire à l'ennemi l'encerclement des sommets et l'abordage des cols.
F. Foch, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918,t. 2, 1929, p. 71. − ALPINISME. Action de monter un rocher abrupt : 12. Dès l'abordage du rocher, dès l'instant où les mains, l'extrémité des doigts prennent part au combat pour le ciel, il lui avait tracé pouce à pouce la route.
J. Peyré, Matterhorn,1939, p. 164. C.− Action d'aborder une personne. 1. Avec une idée de a) Dispute : 13. ... MmeAubry, partenaire habituelle du vieux capitaine, ne se fait point scrupule ... de gagner [au piquet] assez fréquemment l'ancien corsaire, avec lequel elle a dans ces circonstances des abordages tumultueux.
O. Feuillet, Roman d'un jeune homme pauvre,1858, p. 123. b) MILIT. De combat au corps à corps : 14. L'autre grand problème de la guerre moderne, c'est d'éviter l'abordage, le corps à corps. J'ai assisté à une journée où nous poursuivions les allemands : lorsqu'ils s'arrêtaient, nous nous arrêtions aussi; repartaient-ils, notre poursuite reprenait, et ainsi de suite, mais toujours sont demeurés entre nous les quarante mètres de distance que nous avions à l'origine.
Ch. du Bos, Journal, août 1921,p. 22. 2. Spéc. emploi dial. Le résultat d'une dispute, coup, blessure : 15. Abordage (Mj.), s. m. − Coup, blessure, Ex. : il a attrapé un fameux abordage.
Verr.-On., 1908, p. 5. D.− Action de s'approcher de quelqu'un pour entrer en relation ou s'entretenir avec lui : Stylistique − Cf. abordeur.16. Jusqu'à trente ans, il [Beyle] voulait qu'un homme, se trouvant avec une femme seule, tentât l'abordage.
P. Mérimée, Portraits historiques,1870, p. 166. 17. Elle avait l'air si étrange lorsqu'elle l'aborda, qu'Auguste craignait un malheur et la rejoignit aussitôt, dans la rue. Ils ne dirent mot sur le trottoir; alors Céline le mena chez un marchand de vins (...).
Malgré son assurance, Céline ne savait trop comment tenter l'abordage. Elle prit des chemins de traverse, parlant de la petite fille qui était à l'atelier, disant que c'était bien gentil les enfants, que si elle avait été mariée, elle aurait voulu en avoir.
J.-K. Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 178. Rem. Ex. 14 : cf. aborder, ex. 26. Ex. 15 : cf. aborder : « commencer à parler avec qqn. » Prononc. : [abɔ
ʀda:ʒ]. Cf. aborder. Enq. : /aboʀdaʒ/. Étymol. − 1. 1553 « action d'entrer dans un port (d'un navire) » terme mar. (P. Belon, Observations, III, 13 ds R. Philol. fr., XLIII, 174 : Les juifs ... mettent de plus haut pris à la recepte du revenu des provinces, affermans les gabelles, et l'abordage des navires et autres choses de Turquie); 1616-20 « id. », id. (D'Aubigné, Hist., II, 179 ds Littré : Les Rochellois, dès l'abordage [des navires], se jettent sur le pont de corde); 2. 1660 « assaut donné à un navire dans un combat » id. (Cleirac, Explic. termes mar., 53 ds Jal2: On distingue l'abordage de franc-étable (éperon contre éperon), l'abordage en belle (éperon contre flanc)); 3. 1687 « collision volontaire ou non de 2 navires » id. (Choisy, Voy. de Siam, 141, ibid. : Cependant il [le navire] arrivoit sur nous, et nous alloit aborder à bâbord... on a donné un coup de gouvernail pour éviter l'abordage).
Dér. de aborder* : 1 de aborder 2, terme mar.; 2 et 3 de aborder 1, terme mar.; suff. -age*.
HIST. − Cf. abordeur. STAT. − Fréq. abs. litt. : 78 BBG. − Barr. 1967. − Bouillet 1859. − Cap. 1936. − Comm. t. 1 1837. − Dainv. 1964. − Gruss 1952. − Guilb. Astronaut. 1967. − Hartoy 1944. − Jal 1848. − Le Clère 1960. − Réau-Rond. 1951. − Soé-Dup. 1906. − Will. 1831. |