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ABONDANT, ANTE, adj.
Qui est disponible ou qui produit en grande quantité.
I.− Emploi sans prép.
A.− Qui est disponible ou se manifeste en grande quantité.
1. [En parlant de produits ou d'une production de la nature ou de l'esprit]
a) [En parlant d'une production ou de produits de la nature] :
1. La végétation égyptienne est abondante, plantureuse; jamais touffue; elle est verte, peu nuancée. Tout y est correct, dessiné, limité, défini. E. Fromentin, Voyage en Égypte,1869, p. 141.
2. Un peu plus tard, une heure peut-être, pas davantage, c'est l'hémorragie qui s'est décidée, mais alors abondante, interne, massive. Elle l'a emmené. L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 615.
3. Le marché est abondant. C'est un copieux débordement de denrées et comme la montée luxuriante d'une sève puisée dans tous les coins du terroir. Les vivres foisonnent. E. Faral, La Vie quotidienne au temps de saint Louis,1942, p. 163.
4. La neige tombait fine, tombait dru, tombait abondante, pour régaler la terre. G. Guevremont, Le Survenant,1945, p. 96.
b) Qqf. péj. [En parlant d'une production de l'esprit] Ample, riche jusqu'à la profusion :
5. Les moyens et les motifs de la peinture sont également abondants et variés; mais il y a un élément nouveau, qui est la beauté moderne. Ch. Baudelaire, Salon de 1846,p. 198.
6. Oui, ce gros et épais normalien, il est pour le travail courant sans prétention, lui qui ne laissera, dans toute sa prolixe et abondante copie, ni un jugement durable ni une pensée ni une phrase ni une expression ... E. et J. de Goncourt, Journal,déc. 1892, p. 340.
2. [En parlant d'une pers. et de ses qualités, notamment d'un orateur ou écrivain] :
7. On est détrompé sans avoir joui; il reste encore des désirs, et l'on n'a plus d'illusions. L'imagination est riche, abondante et merveilleuse, l'existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite, avec un cœur plein, un monde vide; et sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout. F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 411.
8. Il venait de relire la Milonienne qu'il jugeait le plus grand effort du génie oratoire, et il trouvait Cicéron bien supérieur à Bossuet; il est plus riche, plus abondant, plus délié, plus adroit comme orateur que Bossuet. Ch. de Chênedollé, Journal,1821, p. 109.
9. ... ses joues pleines et roses, ses larges yeux bleus, son nez un peu gros, impertinemment retroussé, sa bouche petite et très rouge, montrant des dents blanches, aux canines fortes et avançantes, son menton gourmand, et toute son abondante personne, grande et grasse, bien faite, solidement charpentée. R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent, 1905, p. 320.
10. Il est peu d'écrivains aussi méconnus que lui, puisqu'on le croit encore si raide et si simple, lui qui, pour construire, pour inventer, génie abondant et multiple, s'arrête d'une manière si longue et si énigmatique pour méditer son destin. Le peu que nous puissions deviner sur le cœur et sur l'esprit de Pierre Corneille, nous ne pouvons le savoir que de ses silences. R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 172.
B.− P. ext. [En parlant d'une pers. ou de sa sensibilité] Qui est de nature expansive jusqu'à la prolixité :
11. Il a, dans ce moment, deux personnes en Europe, chargées de lui transmettre le fruit de leurs observations sur tout ce qui a rapport à ce premier des arts, qu'il considère, à bien juste titre, comme la source la plus pure, la plus abondante et la plus intarissable de la richesse, du bonheur et de la splendeur d'un état. J. de Crèvecœur, Voyage dans la haute Pensylvanie et dans l'État de New-York,t. 3, 1801, p. 39.
12. Bref, on ne s'arrêta à aucun parti pour le moment, et les entrevues se continuèrent ainsi trois semaines, avec une confiance de plus en plus affectueuse de la part de M. de Saint-Cyran et une confidence même de ses pensées, de ses ouvrages, et avec une émotion, une chaleur d'âme de plus en plus abondante et fructifiante chez Lancelot. Mais ce n'étaient là encore que des degrés. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 429.
13. Et moi! J'ai les yeux secs comme un marbre. C'est étrange. Autant je me sens expansif, fluide, abondant et débordant dans les douleurs fictives, autant les vraies restent dans mon cœur âcres et dures; elles s'y cristallisent à mesure qu'elles y viennent. Il semble que le malheur est sur nous et qu'il ne s'en ira qu'après s'être gorgé de nous. G. Flaubert, Correspondance,1846, p. 195.
14. ... Taine, avec son joli et aimable regard sous ses lunettes, son attention pour ainsi dire affectueuse, des grâces un peu malingres, mais distinguées, une parole facile, abondante, imagée, pleine de notions historiques et scientifiques, quelque chose d'un professeur jeune, intelligent, spirituel même, avec une grande peur d'être pédant. E. et J. de Goncourt, Journal,mars 1863, p. 1247.
15. Mmede Staël et George Sand ont été des écrivains au sens le plus complet du mot, et qui, je crois bien, avaient du génie, l'une à force d'ouverture d'esprit et de gravité enthousiaste, l'autre par la largeur de sa sympathie et l'ardeur de sa passion, par l'abondante invention des fables et le flot du verbe harmonieux. J. Lemaitre, Les Contemporains,1885, p. 165.
Rem. Vx. D'abondant, loc. adv. : « par surcroît » (mentionné par qq. dict., cf. hist.).
C.− Emplois techn.
1. MATH. Nombre abondant. Vx. [Nombre] ,,dont les parties aliquotes forment un tout plus grand que le nombre lui-même. 12 est un nombre abondant.`` (Ac. Compl. 1842).
2. RHÉT. Style abondant. Style caractérisé par l'abondance ou la redondance des moyens d'expr. :
16. On verrait que, bien qu'elle (la vie privée de Napoléon) soit extraordinaire dans les événements, il n'en est pas de plus simple ni de plus naturelle dans sa course. Les circonstances et la réflexion ont beaucoup modifié son caractère. Il n'est pas jusqu'à son style, aujourd'hui si serré, si laconique, qui ne fût alors emphatique et abondant. E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 88.
II.− Abondant suivi des prép. de/en. [Le concept désigne un inanimé abstrait ou concret] Qui a en abondance quelque chose :
17. Les bâtiments du plus fort tonnage y trouvent partout une eau profonde, même au ras de ses rivages, un fond d'une excellente tenue, de nombreuses aiguades, des rivières abondantes en poissons, des forêts riches en gibier, en vingt endroits des relâches sûres et faciles, enfin mille ressources qui manquent au détroit de Lemaire et aux terribles rochers du cap Horn, incessamment visités par les ouragans et les tempêtes. J. Verne, Les Enfants du Capitaine Grant,1868, p. 74.
18. Quatre ans seulement séparent le centenaire de Renan de celui de Taine. Mais quatre ans font aujourd'hui une durée si pleine, si abondante en histoire pressée, si déchirée par des éclairs et des bouleversements imprévisibles, que, sans doute, lorsqu'on parlera officiellement de Taine, on aura un peu oublié Renan, et que le parallèle ne s'imposera pas comme le lieu commun qu'il est encore aujourd'hui. A. Thibaudet, Réflexions sur la littérature,1938, p. 200.
Prononc. : [abɔ ̃dɑ ̃], fém. [-ɑ ̃:t].
Étymol. − Corresp. rom. : a. prov. habundoz, avondos; n. prov. aboundous; ital. abbondante; esp., port. abundante; cat. abundant; roum. abundent. I.− Début xiies. « qui possède des biens en quantité plus que suffisante », emploi abs., ds trad. (Ps. Oxford, éd. F. Michel, LXXII, 12 : Aitevus icil-meesme peccheur e abundant el siecle purtindrent richeises); fin xiie-début xiiies. abondant de « qui surabonde (d'un sent.) » (St Bernard, Serm., 59, 14 ds Gdf. Compl. : Deslace ta ceinture, et si vien habondans de pitiet); xiiies. abondant de lait (d'un animal) (Gloss., Montp. 110 fol. 34 roibid. : une beste abundant de lait); abondant en « qui possède (des biens) en quantité plus que suffisante » (Oresme, Ethiques, Prol.; 22 ds Littré : Et avient ... qu'une personne est abondant en grans biens pour lonc temps). II.− 1. Fin xiies. « riche (d'un sujet de sermon) » terme rhét. (St Bernard, Serm. éd. Förster, 4 ds DG : mateire de parleir molt habondant); 1370 « id. » (d'une lampe) id. (Oresme, Ethiques, Prol. ds Meunier, 92 : Et comme il soit ainsi que latin est à present plus parfait et plus habundant langage que françois ...); 2. xiiies. d'abondant terme rhét. « de plus, en outre » (Joinville, St Louis, éd. Wailly, 465 ds Gdf. Compl. : Et il si firent, et d'abondant li envoierent tirez les os le conte Gautier de Brienne, pour mettre en terre benoite). Empr. au lat. abundans part. prés. de abundare (cf. abonder) pris adjectivement; au sens I, emploi abs. dep. Cicéron, Philip., 2, 66 ds TLL s.v., 236, 21 : non illa luxuriosi hominis sed tamen abundantis; cf. Vulg., Ps., LXXII, 12 : ... et abundantes in saeculo, obtinuerunt divitias; abondans « qui surabonde (d'un sent.) » « id. (de biens) » dep. Cicéron (TLL ibid., 236, 39 sq.); emploi en rel. avec étymol. : vaccae lactis abundantes (Columelle, 6, 24, 5 ibid., 235, 63). Terme de rhét. (II 1) dep. Sénèque et Quintillien (cf. Quintillien, Inst. orat., 12, 2, 28, ibid., 236, 57) : materia ad graviter copioseque dicendum magis abundans; cf. avec II 2 exabundanti (Quintillien, ibid., 4, 5, 15, ibid., 236, 68 : tum addidit exabundanti; cf. 1remoitié xiies., Paulus Bernriedensis, Vita Greg. VII, 105 ds Mittellat. W. : exabundanti ponimus edictum). HISTORIQUE I.− Part. prés. de abonder, empl. adjectivement dès son entrée dans la lang. au xiies. (cf. étymol.), abondant « qui est ou a (qqc.) en quantité » renvoie aux 2 sens princ. du verbe et connaît la même stab. (cf. abonder, hist. II A et B). − Rem. Suivi d'un compl., il s'est d'abord constr. avec de (fin du xiies., cf. étymol. i-xvies.) : Un pays abondant de tous fruits. Amyot, Vies, Alex. ch. xv (Gdf. Compl.). Mais dep. le xives., (cf. étymol. I), il s'est constr. aussi avec en, constr. qui s'impose et subsiste seule. Dans son emploi abs. et p. ext., il peut signifier « grand et ample » : récolte abondante pour « grande récolte » (Ac. 1694, 1932-35), pluie abondante (Trév. 1752). Au fig. « riche en idées, en expressions », attesté dès la fin du xiies. (cf. étymol. II 1), perman. : Les hableurs sont abondants en paroles (Fur. 1690); Ce Prédicateur est abondant en paroles et en comparaisons (Trév. 1771); style abondant (Besch. 1845); cf. aussi ex. 8, 23. − Rem. Jusqu'au xixes., il s'emploie avec un régime (cf. Ac. 1798), ensuite, le plus souvent, absolument. L'emploi en math. nombre abondant (cf. sém.), attesté pour la 1refois ds l'Encyclop. 1751, ne figure plus apr. DG. II.− D'abondant, loc. adv. attestée dep. le xiiies. (cf. étymol. II 2) et très usitée jusqu'au xviies. (cf. 17 ex. ds Hug.), surtout dans la lang. jur.; dès lors son usage est controversé (cf. Brunot t. 3, pp. 13 et 356) et, bien qu'elle soit vieillie dep. la fin du xviies. (cf. Fur. 1690, Ac. 1694, etc.), elle paraît toujours dans la lexicogr. jusqu'à nos jours et peut être empl. (cf. Littré).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 248. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 2 556, b) 1 460; xxes. : a) 1 823, b) 1 246.
BBG. − Dupin-Lab. 1846.