| ABERRER, verbe intrans. A.− Sens propre. [Le suj. est un animé hum.] Aberrer dans la foule. S'égarer dans la foule. [Le suj. est un inanimé capable de mouvement (un astre, un rayon lumineux)] S'écarter de la voie normale, dévier. B.− Au fig. [Le suj. désigne un animé hum.] S'écarter de la vérité, de la bonne règle, se tromper : 1. Je crois avoir écrit bien lisiblement mes corrections; elles sont absolument définitives. Si vous voulez bien, je vérifierai moi-même leur mise en pages; ce serait l'affaire d'une heure, avec vous, soit à Asnières soit chez vous, attendu qu'il serait fâcheux d'aberrer quand on se donne (comme moi dans cette étude) de petits airs scientifiques.
Ph.-A.-M. de Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance générale,1886, p. 150. Rem. 1. Le verbe aberrer ne s'emploie pratiquement qu'à l'inf. (ex. 1). 2. La docum. fournit un ex. de part. passé empl. comme subst. : un aberré (cf. un égaré) : 2. Mais si l'on peut admettre que ce sommeil de plomb est l'une des phases connues de cet état encore mal observé du vampirisme; si l'on peut croire que Gilles de Rais fut un aberré des sens génésiques, un virtuose en douleurs et en meurtres, il faut avouer qu'il se distingue des plus fastueux des criminels, des plus délirants des sadiques, par un détail qui semble extrahumain, tant il est horrible!
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 15. Prononc. − 1. Forme phon. : [abε
ʀe], j'aberre [ʒabε:ʀ]. Pt Rob. donne [abeʀe]; cf. aberration (prononc. et orth.) pour la discussion du timbre de la 2esyllabe et pour la gémination du r. 2. Dér. et composés : aberrance, abberrant, aberration, aberrographe, aberroscope. Cf. errer. Étymol. − Corresp. rom. : ital. aberrare; esp., port., cat. aberrar.
1532 « s'écarter de » (emploi fig.) (Michel d'Amboise, Ballades, 149 vods Hug. : si du chemin d'equite aberrons).
Empr. au lat. aberrare « s'écarter de », au sens propre dep. Plaute, emploi fig. dep. Cicéron; très fréq. dans ce dernier emploi en lat. chrét. (TLL s.v., passim).
HIST. − Le mot disparaît de la lang. jusqu'à la fin du xixes. cf. Besch. 1845 : Pourquoi possédant déjà le substantif dans la langue, s'être tenu timidement à l'innovation d'un adjectif [aberrant] et n'avoir pas essayé d'introduire le verbe aberrer qui eût nuancé avantageusement et complété plusieurs fois le discours à la place de errer? Besch. 1845. Le mot reparaît en 1886 au sens fig., mais il n'est attesté au sens propre que ds Guérin et ds Pt Rob. Le sens fig. lui-même reste peu attesté. − Rem. Le mot qui, à son entrée dans la lang., demandait un compl. prépositionnel (cf. étymol.), est empl. absol. (cf. sém.), le préf. ab- portant en lui non seulement l'idée de « en dehors » mais aussi celle d'un subst. exprimant la norme (droit chemin, etc.). STAT. − Fréq. abs. litt. : 1. |