| VÉHICULE, subst. masc. I. A. − Ce qui sert à transmettre, à transporter. 1. Vieilli. Conduit qui assure l'écoulement d'un fluide. Les trachées ont plus de diamètre que les autres vaisseaux des plantes (...). Il n'y a pas de doute que ces tuyaux élastiques ne soient des véhicules de l'air, et qu'ils ne l'aspirent et ne l'expriment (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 144). 2. a) Milieu naturel qui sert de support, qui permet la propagation ou le transport. Parmi les agens naturels, les uns sont susceptibles d'appropriation, c'est-à-dire de devenir la propriété de ceux qui s'en emparent, comme un champ, un cours d'eau; d'autres ne peuvent s'approprier, et demeurent à l'usage de tous, comme le vent, la mer et les fleuves qui servent de véhicule, l'action physique ou chimique des matières les unes sur les autres (Say, Écon. pol., 1832, p. 75).L'éther, véhicule des ondes électriques (H. Poincaré, Mécan. nouv., 1909, p. 7). b) BIOL., PHYSIOL., vieilli. Milieu physiologique qui contient des éléments microscopiques, des substances et qui en assure la propagation. Dans ceux [des animaux] qui ont une circulation, le sang paroît n'être qu'un véhicule, qui reçoit continuellement de la cavité alimentaire, de la surface extérieure du corps et des poumons, des substances diverses qu'il s'incorpore d'une manière intime, et par lesquelles il remplace celles qu'il fournit à toutes les parties pour leur conservation et pour leur accroissement (Cuvier, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 15). c) CHIM. ,,Liquide facilement volatil servant à faire un épuisement, un entraînement et à transporter le produit extrait`` (Duval 1959). L'alcool est le véhicule des parfums (Duval1959). d) PHARM., PEINT. Milieu de suspension de particules médicamenteuses, de pigments colorants, etc. Synon. excipient.Auparavant, avec la fresque et la détrempe, le véhicule liquide (eau, colles, gommes...) imposait son manque de consistance au pigment coloré qui s'y trouvait en suspens (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 192). 3. ÉPIDÉMIOLOGIE. Objet, être vivant ou substance qui est le support d'un germe infectieux et qui, en se déplaçant ou en étant transporté, est l'agent de la propagation d'une maladie. Synon. vecteur.Les intermédiaires les plus variés servent encore au transport du virus; les harnais, et les brides notamment, les instruments de pansage, tels que brosses, étrilles, éponges sont des véhicules fréquents (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux, 1896, p. 366).Première opération, organisation du transport du matériel génétique, du gène, dans la cellule qu'on veut transformer. À cet effet le gène étranger est combiné à un vecteur, un véhicule, habituellement un virus. Ainsi est formé (gène + virus) une chimère moléculaire (J. Bernard, De la biol. à l'éthique, 1990, p. 129). − P. anal. Les soldats étaient le véhicule de ces cultes divers, grâce à l'habitude qu'ils avaient d'embrasser successivement les religions des pays où ils passaient (Renan, Marc-Aurèle, 1881, p. 575). B. − Au fig. 1. a) Ce qui permet de communiquer un contenu notionnel. Synon. médium.Il ne négligeait pas non plus la haute littérature, dont le génie de Voltaire avait fait le véhicule de la nouvelle philosophie (Lamart., Nouv. Confid., 1851, p. 58).Mais ces emprunts se font le plus souvent par le véhicule des langues spéciales, car ce sont elles qui servent les intérêts internationaux (science, technique, commerce, sport, etc.) (Bally, Lang. et vie, 1952, p. 106). b) Moyen d'information. Synon. médium, média.Certaine façon d'examiner, de critiquer les événements, les hommes, les ouvrages exige la revue, véhicule naturel d'une pensée vigilante, d'une pensée qui ne résigne pas sa mission (Civilis. écr., 1939, p. 32-4). 2. Instrument, moyen. Enfin il avait tous ces petits talents qui étaient de si grands véhicules de fortune dans un temps où les femmes ont eu plus d'influence qu'on ne le croit sur les affaires (Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 49).L'instrument principal de l'entraide internationale est le transfert de ressources matérielles à titre de dons, de prêts ou d'investissements. Les investissements privés ont été dans le passé le véhicule principal de ces transferts (Univers écon. et soc., 1960, p. 40-6). 3. Vx. Ce qui sert d'intermédiaire, ce qui permet une médiation. Synon. médium.Le chapelet est un médium, un véhicule; c'est la prière mise à la portée de tous (Baudel., Fusées, 1867, p. 635). 4. HIST. DES RELIG. (bouddh.). Voie, moyen de salut. Les écoles mentionnées jusqu'ici relèvent, en effet, de ce qu'on appelle le Petit Véhicule (ou Véhicule Inférieur, hînayâna), terme péjoratif forgé par les adeptes d'un mouvement nouveau qui devait bouleverser le bouddhisme aux alentours du début de notre ère et qui se présentait comme un moyen de progression supérieur, comme un Grand Véhicule (mahâyâna) (Philos., Relig., 1957, p. 52-14). II. − Appareil de transport. A. − Engin constitué d'un châssis muni de roues, à traction animale ou autopropulsé, servant au transport routier ou ferroviaire (est synon. de voiture, fonctionnant comme hyperonyme de subst. tels que: automobile, berline, cabriolet, calèche, carriole, char, chariot, charrette, diligence, tombereau, wagon, etc.): Chez Jourdain, la grande salle était pleine de mangeurs, comme la vaste cour était pleine de véhicules de toute race, charrettes, cabriolets, chars à bancs, tilburys, carrioles innommables, jaunes de crotte, déformées, rapiécées, levant au ciel, comme deux bras, leurs brancards, ou bien le nez par terre et le derrière en l'air.
Maupass., Contes et nouv., t. 1, Fic., 1883, p. 125. ♦ Véhicule hippomobile. Véhicule tracté par un cheval ou un attelage de chevaux. [Imaginons la circulation quelques années avant la première guerre mondiale] Les véhicules hippomobiles restent les plus nombreux, et nous en voyons toutes les catégories défiler sous nos regards. Voici d'abord les charrettes des cultivateurs, les tombereaux, les carrioles, qui s'avancent au pas lent de leur attelage, conduits par des paysans silencieux; voici ensuite les chars à bancs au trot leste, qui mènent au marché des fermières bavardes (...). Parfois une automobile pointe au bout de la route (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 504). − Rare. [Désigne abstr. des moyens de transp.] Mon jeune ami, reprit Vautrin, d'un air paternellement railleur, si vous voulez faire figure à Paris, il vous faut trois chevaux et un tilbury pour le matin, un coupé pour le soir, en tout neuf mille francs pour le véhicule (Balzac, Goriot, 1835, p. 171). B. − P. ext. Tout engin de transport circulant sur la terre ferme (comme hyperonyme incluant voiture, et désignant une grande diversité d'engins: autobus, autocar, autochenille, automotrice, autorail, bicyclette, brouette, camion, caravane, fourgon, motocyclette, remorque, side-car, tank, tender, tracteur, traîneau, vélocipède, etc.). Véhicule à deux roues, à moteur; véhicule industriel, utilitaire; véhicule de tourisme, de transport, de combat. Les carrosses n'étaient employés que pour aller à la campagne, ou pour courir la ville. Allait-on faire une visite, se rendait-on à une invitation? La chaise à porteurs était le véhicule ordinaire pour les deux sexes (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 260).Il était désagréablement surpris par les rues éventrées, les chaussées boueuses, la bousculade des gens, le désordre des voitures, − des véhicules de toute sorte, de toute forme: de vénérables omnibus à chevaux, des tramways à vapeur, à électricité (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 650). ♦ Véhicule automobile. [Se dit surtout des véhicules à châssis à quatre roues ou plus] Véhicule qui a un moteur incorporé. De par leur destination les véhicules automobiles sont classés en: − voitures de tourisme; − véhicules utilitaires; − véhicules spéciaux (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 22). ♦ Véhicule automoteur. [Se dit de tous les types de véhicules] Véhicule qui a un moteur incorporé. Enfin [grâce à la technique électrique], dans les véhicules automoteurs tels que tramways et voitures automobiles plus de ces trépidations ou de ces mouvements de va-et-vient qu'imprime à la voiture le déplacement alternatif et saccadé des pistons (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 139). ♦ Véhicule tout terrain. Véhicule dont les quatre roues sont motrices et qui peut circuler en dehors des chemins carrossables. L'essieu « moteur » est un pont avant, se comportant comme un essieu simple: il est organisé de manière à permettre simultanément le braquage et l'entraînement des roues. Cette réalisation équipe la majeure partie des véhicules dits « tous terrains », à plusieurs ponts moteurs (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 228). − ARMEMENT ♦ Véhicule amphibie. Véhicule se déplaçant normalement au sol, mais pouvant franchir un plan d'eau, un fleuve. À tout ce matériel de guerre motorisé il convient encore d'ajouter les véhicules mixtes, curieux par leur conception, tels que les véhicules amphibies pouvant se déplacer sur route à vive allure et traverser un fleuve comme le fait le meilleur bateau (Tinard, Automob., 1951, p. 358). ♦ Véhicule de combat d'infanterie (V.C.I.). ,,Véhicule blindé à roues ou à chenilles, destiné à l'infanterie mécanisée (qui combat en véhicule)`` (GDEL). ♦ Véhicule de transport de troupes (V.T.T.). ,,Véhicule blindé à roues ou à chenilles, destiné à l'infanterie motorisée (qui combat à pied)`` (GDEL). − CH. DE FER. Véhicule locomoteur (p. oppos. à véhicule automoteur). Véhicule servant exclusivement à la traction. Le matériel moteur comprend: − des engins dont le seul rôle est d'être tracteurs: ce sont les véhicules locomoteurs ; − des engins qui, outre leur rôle de tracteurs, servent au transport des voyageurs ou des marchandises: ce sont les véhicules automoteurs. Le matériel remorqué, lui, est destiné au transport des voyageurs (voitures), des marchandises (wagons) ou du personnel accompagnant les trains ainsi que des colis (fourgons) (Bailleul, Matér. roulant ch. de fer, 1951, p. 5). − TRANSP. ROUT. ♦ Véhicule articulé. Véhicule automobile constitué d'un tracteur auquel est associée une remorque (d'apr. Barr. 1974). Synon. usuel semi-remorque. ♦ Véhicule frigorifique. ,,Véhicule équipé d'une machine génératrice de froid`` (Industries 1986). ♦ Véhicule isotherme. Véhicule dont la caisse est isolée sur toutes ses surfaces pour réduire les échanges de chaleur à travers les parois. La distribution des cargaisons est assurée sous froid par des véhicules isothermes (Wolkowitsch, Élev., 1966, p. 174). Rem. Exceptionnellement véhicule peut désigner un moyen de transport tel qu'une bête de somme ou une monture: Il y a encore à la porte, sur le chemin, un escalier (...) qui servait autrefois à élever les dames et les demoiselles à la hauteur de la selle du cheval ou du mulet, seul véhicule des femmes avant que les voitures pussent circuler dans les gorges de nos vallées (Lamart., Nouv. Confid., 1851, p. 115). C. − Engin flottant, différent des bateaux, pouvant transporter des personnes ou des charges. Il fallait un véhicule solide, dirigeable, et capable de résister à la mer pendant une navigation de neuf milles (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 68). D. − Engin pouvant transporter des personnes ou des charges dans les airs ou dans l'espace. [Quelques personnes ont eu l'idée] de remplacer le ballon par un véhicule plus lourd que l'air et par conséquent de dimensions beaucoup plus restreintes (Radoult de La Fosse,1869ds Guilb. Aviat. 1965, p. 691).La constitution d'une force de frappe (ou de dissuasion) atomique comprenant à la fois les armes nucléaires et leurs véhicules porteurs, avions supersoniques comme le Mirage IV ou missiles (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 145). ♦ Véhicule aérien. Quand même les ballons pourraient être dirigés dans les airs et suivre une course assignée d'avance, il n'est personne qui ne convienne que ces véhicules aériens n'attireraient pas encore beaucoup de voyageurs (Blerzy,1863ds Guilb. Aviat. 1965, p. 691). ♦ Véhicule spatial. Enfin, les fusées, satellites, et véhicules spatiaux ont été, dès leur mise en service, largement utilisés pour étudier soit le rayonnement solaire arrêté par l'atmosphère terrestre, soit les propriétés du milieu interplanétaire (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 530). Prononc. et Orth.: [veikyl]. Ac. 1694, 1718: vehicule; dep. 1740: véhi-. Étymol. et Hist. 1. a) 1538 pharm. « substance dans laquelle un médicament est en dissolution » (J. Canappe, Guidon en fr. d'apr. Fr. mod. t. 19, p. 20); b) 1561 « ce qui sert à transporter quelque chose, à le faire passer d'un point à un autre » le vehicule du sang (Paré, Intr. à la Chir., ch. V ds
Œuvres compl., éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 1, p. 44); c) 1808 peint. « liant; dissolvant » (Boiste); 2. 1551 « moyen de transport terrestre » (L. Hébreu, Philosophie d'amour, Dict. pour exposition des plus difficiles mots [Lyon, Rouille] ds Quem. DDL t. 7); 1898 véhicule hippomobile (La France automobile, Paris, 1896-1914, p. 158 ds Fr. mod. t. 43, pp. 57-58); 3. a) 1701 « ce qui sert à porter, à communiquer » (Boss., 2einstruct. pastor., 30 ds Littré); b) 1849 « voie du salut dans le bouddhisme » Grand Véhicule... Petit Véhicule (S. Julien, Concordance sinico-samskrite d'un nombre considérable de titres d'ouvrages bouddhiques... ds J. asiatique, 4esérie, t. 14, pp. 368-369). Empr. au lat. class.vĕhĭcŭlum « moyen de transport, voiture, chariot » (dér. de vĕhere « transporter »). Fréq. abs. littér.: 370. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 199, b) 476; xxes.: a) 374, b) 923. Bbg. Goug. Mots t. 1 1962, p. 203. |