| VIE, subst. fém. I. A. − 1. Fait de vivre; ensemble des phénomènes et des fonctions essentielles se manifestant de la naissance à la mort et caractérisant les êtres vivants. Synon. existence: 1. Et la vie continue. Et la vie recommence. Et la vie entraîne tout. Je voudrais savoir qui je suis?... Perdu en mer, je me demandais souvent: Et si je mets la mer en bouteille, continue-t-elle à être la mer ou n'est-ce qu'une bouteille d'eau sale et salée? Mettez la vie en cercueil, est-ce la mort?
Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 204. ♦ Loc. à valeur adj. En vie. Vivant, vivante. Être en vie, encore en vie. Dans une halte sibérienne un écrivain fait les cent pas en attendant le train. Pas une masure à l'horizon, pas une âme en vie (Sartre, Mots, 1964, p. 159). − Locutions ♦ Avoir la vie chevillée au corps; avoir la vie dure. Résister à tout. J'ai servi pendant une année sir Williams et ses combinaisons. Ses combinaisons ont échoué; j'y ai gagné un coup de poignard et un coup d'épée, et si j'en suis revenu c'est que probablement j'ai la vie chevillée au corps (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 555).V. la lettre s A 2 a ex. de Hamp. ♦ Être, demeurer, rester sans vie. Être mort. [La Convention] supplicie ceux qui sont sans vie. Le comte a été traîné sans connaissance à l'échafaud, et avait cessé de vivre avant que la hache l'ait atteint (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1850).P. exagér. Être évanoui, sans connaissance. (Dict. xxes.). ♦ Devoir la vie à qqn. Être né de quelqu'un; en partic., être sauvé par quelqu'un. Quand il a eu sa grande blessure, c'est son amie qui l'a soigné et sauvé. Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 451). ♦ Donner la vie à qqn. Engendrer, donner naissance à quelqu'un. César: (...) Et toi, qu'est-ce que tu as donné? Marius: La vie. César: Oui, la vie. Les chiens aussi donnent la vie... Les taureaux aussi donnent la vie à leurs petits. Et d'ailleurs cet enfant, tu ne le voulais pas. Ce que tu voulais, c'était ton plaisir (Pagnol, Fanny, 1932, iii, 10, p. 205). ♦ Donner, laisser la vie à qqn; accorder la vie sauve à qqn. Ne pas tuer quelqu'un, ne pas punir de mort. Ils demandaient pardon. Pardon dans l'honneur, bien entendu, tout est perdu fors l'honneur, prenez tout dans l'honneur: voilà mon cul, bottez-le dans l'honneur, je vous lécherai le vôtre si vous me laissez la vie (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 81).En partic. Ne pas appliquer la peine de mort. La garnison, épuisée par un siège de cinq mois, ne tarda pas à se rendre. On accorda la vie sauve aux hommes d'armes, hormis ceux (...) soupçonnés d'être complices de la mort du duc de Bourgogne (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1824, p. 320). ♦ Donner sa vie pour qqn, pour qqc. Être prêt à mourir pour aider, sauver quelqu'un, pour défendre une idée. C'est encore beau de donner sa vie pour un être humain, et de conserver ainsi l'espérance que tous les hommes ne sont pas méchants (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 167).Je donne ma vie pour que Fonteneilles revive. J'accepte ma mort (R. Bazin, Blé, 1907, p. 228). ♦ (Ne pas) donner signe de vie; (ne pas) avoir signe de vie (de qqn). (Ne pas) donner des nouvelles; (ne pas) avoir des nouvelles de quelqu'un. Cher ami, tu dois être marié, tu es peut-être en route? J'aurais voulu te donner quelque signe de vie à cette occasion mais je ne sais plus où j'en suis. Je suis tout dissipé. Manœuvres, départ, tant de villes traversées m'ahurissent (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1895, p. 248).Que j'aie de temps à autre un signe de vie, la preuve que tu existes et que tu as pensé à moi! (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1371). ♦ Perdre la vie. Mourir. Tous les malheurs nous assaillent à la fois (...) ou le Corfiote est mourant, ou le jeune Spiro, sur qui je comptais, a perdu la vie (About, Roi mont., 1857, p. 223). ♦ Rappeler qqn à la vie. Employer des moyens qui permettent à quelqu'un de recouvrer ses sens. Des sels violents, de l'eau fraîche, tous les moyens ordinaires prodigués rappelèrent la baronne à la vie, ou, si l'on veut, au sentiment de ses douleurs (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 348). ♦ Rendre la vie à qqn; redonner la vie à qqn. Ranimer quelqu'un, rassurer quelqu'un, sortir quelqu'un d'un état physique ou psychique pouvant entraîner la mort; redonner des raisons d'espérer, de vivre. Le prêtre, en lui rendant ce fauteuil, ambition de vingt ans, lui avait rendu la vie (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 737). ♦ Revenir à la vie. Retrouver ses sens, reprendre conscience, connaissance. (Dict. xxes.). ♦ À la vie à la mort. Pour toujours. Nous ne sommes plus que deux, mais nous sommes de bons garçons. Voyons, veux-tu de moi pour ami, à la vie à la mort? Le Dancaïre me tendit la main (Mérimée, Carmen, 1845, p. 63).Il n'y a qu'une solution (...) leur écrire où nous sommes, poser nos conditions, déclarer que nous voulons rester amis et être libres, parce que c'est entre nous à la vie à la mort! (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 633). ♦ À vie. Jusqu'à la mort. Pension à vie; être condamné à une peine à vie; être nommé à vie; propriétaire à vie; acheter à vie. D'ailleurs il est évident que ces trois actes de la politique de Bonaparte, la paix, le concordat, le consulat à vie, sont les trois aspects d'une même pensée, d'une volonté toute personnelle (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 2). ♦ Duel à la vie à la mort. Au dernier vivant. Ceux que des circonstances particulières ont amenés à soutenir sur ce terrain un duel à la vie à la mort, ont des raisons pour n'être pas si commodes (Renan, Avenir sc., 1890, p. 485). ♦ Question de vie ou de mort; il y va de la vie de qqn. Question, situation qui risque d'entraîner, de causer la mort de quelqu'un. Voici la liste des cheminots visés, il faut qu'ils filent immédiatement, sans prendre le temps de ramasser leurs affaires, d'embrasser leur femme, ça peut être une question de minutes, et ça peut être une question de vie ou de mort... (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 44). ♦ (Être) (suspendu) entre la vie et la mort. (Être) en danger de mort immédiate, dans un état de santé critique. Il ne fut plus question [dans les articles de revues et de journaux] désormais, et pendant huit jours environ, que de la comtesse Tonska, suspendue (...) entre la vie et la mort. Enfin, l'énergique sollicitude de ses amis l'emporta (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 180). ♦ N'avoir qu'un filet, un souffle de vie. Être très affaibli, proche de la mort. Je te contais ce matin que je n'avais plus qu'un souffle de vie, je mentais. J'ai une santé de fer (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 298).Moi, je me suis éteinte. Quand je pense, hélas! à mon ardeur d'autrefois (...) c'était le bon temps alors, j'étais bien malheureuse! À présent, je n'ai plus assez de force pour l'être. Je n'ai qu'un filet de vie (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1459). ♦ Vie qui ne tient qu'à un fil. [En parlant de qqn] Vie extrêmement faible, près de la mort, dans une situation qui présente un danger mortel. Le pauvre François regardait la rivière en s'approchant si près qu'on voyait bien que sa vie ne tenait qu'à un fil, et qu'il n'eût fallu qu'un mot de refus pour le faire noyer (Sand, Fr. le Champi, Paris, Garnier, 1981 [1848], p. 246). ♦ Sur la vie; sur ma vie. [Pour marquer l'importance qui est portée à ce qui est recommandé] Rafaele: Il est libre?... Albe: Oui! Rafaele: Tu me le jures? Albe: Sur ta vie!... (Sardou, Patrie!1869, 4, 6etabl., iv, p. 146). ♦ Mort de ma vie! au nom de ma vie! (vieilli). [Pour marquer l'importance, de ce qui vient d'être énoncé] Mon père, au nom de tous les Saints et de la Vierge, au nom du Christ, qui est mort sur la croix; au nom de votre salut éternel, mon père, au nom de ma vie, ne touchez pas à ceci! Cette toilette n'est ni à vous ni à moi (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 214).Mort de ma vie! C'est la première fois qu'une femme ose porter la main sur moi... (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, 2, xiv, p. 55). ♦ La bourse ou la vie. [P. allus. à l'injonction du voleur qui assaille un passant] Je verrais un mouvement populaire du plus odieux caractère, une vraie jacquerie, l'égoïsme disant à l'égoïsme: La bourse ou la vie, que je m'écrierais: Vive l'humanité! Voilà de belles choses qui se fondent pour l'avenir (Renan, Avenir sc., 1890, p. 457). − DROIT ♦ Assurance vie, assurance sur la vie. Contrat d'assurance qui prévoit, moyennant le paiement d'une prime par l'assuré, le paiement d'une somme aux ayants droits après le décès de l'assuré. (Dict. xxes.). ♦ Certificat de vie. Certificat établi par un notaire, par le service compétent d'une mairie attestant qu'une personne est toujours vivante. Chacun sait que les semestres des pensions ne sont acquittés que par la présentation d'un certificat de vie, et, comme on ignorait la demeure du baron Hulot, les semestres frappés d'opposition au profit de Vauvinet restaient accumulés au Trésor (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 390). − Proverbes ♦ Petit poisson deviendra grand pourvu que Dieu lui prête vie. V. poisson1A 5 a.[P. allus. au proverbe rendu célèbre par La Fontaine, Fables, V, 3] Je dois prévenir messieurs les souscripteurs (...) qu'ils recevront gratis, avec la gravure, une explication en vaudevilles, que j'aurai l'honneur de leur chanter au dessert, si Dieu me prête vie jusque là; car on m'a prédit que je mourrais avant la fin d'un dîner (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 230). ♦ Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Quelles que soient les circonstances, il faut toujours espérer. On s'attend d'un moment à l'autre à ce que M. le marquis ne passe. − Ah! il est vivant, s'écria le duc avec un soupir de soulagement. (...). Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir, nous dit le duc d'un air joyeux (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 588). SYNT. Vie des bêtes; vie humaine; avoir, tenir la vie de qqn entre ses mains; promettre la vie sauve à qqn; mettre sa vie en danger, en péril, en jeu; risquer sa vie; coûter la vie à qqn; quitter la vie; sauver la vie à qqn; craindre pour la vie de qqn; être fatigué de la vie; jouer sa vie; payer de sa vie; être las de la vie; tenir à la vie; droit de vie et de mort; lutte pour la vie; avoir droit de vie et de mort sur qqn; consacrer, passer sa vie à. ♦ Passer de vie à trépas*. 2. P. anal. a) Qui donne l'impression de vivre; qui donne par son animation, sa vivacité, son réalisme l'impression d'être réel, naturel. Personnage, récit, style plein de vie, qui manque de vie; vie d'un dialogue, d'un discours, d'une histoire, d'un récit, d'un roman. J'ai lu tout d'une haleine. Puis je l'ai relu. C'est, selon moi, une chose exquise, (...) ce qui m'a charmé surtout, c'est un sentiment profond de la vie. On sent que cela est vrai (Flaub., Corresp., 1861, p. 414).Un des meilleurs romanciers anglais actuels, Henry Green, fait observer que le centre de gravité du roman se déplace: le dialogue y occupe une place chaque jour plus grande. « C'est aujourd'hui, écrit-il, le meilleur moyen de fournir de la vie au lecteur... » (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 90). b) Existence de quelque chose qui se transforme, évolue. Vie d'une société, d'une civilisation; vie des mots. Son rôle [de l'Académie de la beauté verbale] serait, non pas d'entraver la vie de la langue, mais de la nourrir au contraire, de la fortifier et de la préserver contre tout ce qui tend à diminuer sa forme expansive (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 103): 2. ... le lecteur était le fantôme de l'écrivain. Du moins, le lecteur participe à cette joie de création que Bergson donne comme le signe de la création. Ici, la création se produit sur le fil ténu de la phrase, dans la vie éphémère d'une expression. Mais cette expression poétique, tout en n'ayant pas une nécessité vitale, est tout de même une tonification de la vie. Le bien dire est un élément du bien vivre.
Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 10. B. − BIOL. Ensemble des phénomènes énergétiques (assimilation, croissance, homéostasie, reproduction, etc.), évoluant de la naissance à la mort, que manifestent les organismes unicellulaires ou pluricellulaires. Sciences de la vie; organes de la vie; vie animale, cellulaire, humaine, physiologique, végétative; vie d'une cellule, des tissus; vie latente; nature, origine de la vie. Le développement de la vie végétale à la surface du globe est le fait antérieur, dominant, auquel la nature a subordonné la construction de certains types d'animaux, organisés pour puiser leurs aliments dans le règne végétal (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 96).Les documents anatomiques relatifs à tous les animaux que l'œil de l'homme ait pu connaître ou reconstituer depuis l'apparition de la vie sur la planète, (...) ont été accumulés au Jardin des Plantes (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 124). ♦ Vie organique*. C. − Énergie, vigueur, dynamisme qui caractérise quelqu'un. Déborder de vie; être plein de vie; enfant, personne plein(e) de vie. Entre ces deux prosopopées, une partita, élément de transition, (...) une valse, ouvrent les portes sur un univers grouillant de vie humaine, où valsent des voix, brouillées à dessein, car le rythme des voix, leur présence pure suffit à leur musique (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 65). − P. anal. Vie d'un quartier, d'une ville; redonner vie à des coutumes, à des institutions. Ces idoles médiocres trônaient sous un ciel épais, dans les carrefours sans vie (Camus, Peste, 1947, p. 1357). D. − [Dans un cont. relig.] Vie céleste, éternelle, future. Vie au delà de la mort à laquelle a droit tout homme qui obéit à la loi divine pendant sa vie terrestre. Si nous mourions tout de suite? lui dit-elle enfin. − Qui sait ce que l'on trouve dans l'autre vie? répondit Julien; peut-être des tourments, peut-être rien du tout. Ne pouvons-nous pas passer deux mois ensemble d'une manière délicieuse? (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 492).Un instant, par routine, sa pensée chercha, pour y trouver refuge, à évoquer l'idée de Dieu; mais cet élan se brisa au départ. La vie éternelle, la grâce, Dieu, − langage devenu inintelligible: vocables vides, sans mesure avec la terrifiante réalité! (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1257).Vie véritable*. Vraie* vie. ♦ Pain de vie. Eucharistie. Ô maison maudite de la fornication sans amour! Ici le pain de vie est plein de nielle et de vermine et le vin d'amour a l'odeur d'un lendemain de beuverie (Milosz, Amour. init., 1910, p. 150). II. − Période allant de la naissance à la mort d'un être vivant. A. − 1. a) Existence envisagée dans sa durée totale. Âges, brièveté, commencement, durée, fin, période, terme de la vie; chemin, cours de la vie; achever sa vie; vie courte, éphémère, longue. Le jour où tu dirais ,,je t'aime moins,`` sera le dernier de mon amour ou le dernier de ma vie (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1796, p. 22).La maturation des fruits (...) régulière pendant de nombreuses années − quelquefois attendue en vain durant toute la vie de l'arbre et ne se produisant jamais (Faure, Espr. formes, 1927, p. 93). ♦ Élixir de (longue) vie. Élixir qui est censé prolonger la vie de quelqu'un. Bientôt je fis prendre à mon malade une forte tasse de mon élixir de vie (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 252).Un tas de fumier, au bout du jardin, fumier que Kammerer fut chargé d'arroser d'une liqueur inconnue, un élixir de vie (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 142). − De la vie, de ma vie. Jamais. Isotta: (...) Quand je songe qu'il a eu les larmes aux yeux devant vous: il me l'a écrit! Moi qui de ma vie ne l'ai vu pleurer à cause de moi (Montherl., Malatesta, 1946, iii, 5, p. 500). ♦ [Pour marquer la surprise et/ou la réprobation] Madame m'a arraché des mains l'assiette de pruneaux. − Monsieur en a mangé cinq ce matin... Il y en avait trente-deux... Il n'y en a plus que vingt-cinq... Vous en avez donc dérobé deux... Que cela ne vous arrive plus!... C'était vrai... J'en avais mangé deux... Elle les avait comptés!... Non!... de ma vie! (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 93).Interj. Jamais de la vie! − Jette ce cigare! − Jamais de la vie! Elle vint à lui, lui prit violemment son cigare, le jeta dans la cheminée (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 156). ♦ [En fonction de déterm., déterminé par un poss.] Qui est le plus important, qui compte le plus. Folcoche surveilla, enquêta, insinua, espéra la preuve ou le semblant de preuve qui lui permettrait de condamner les coupables à la maison de correction, le rêve de sa vie (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 77). − DÉMOGRAPHIE ♦ Durée de vie moyenne; durée moyenne de vie. Temps égal à la moyenne de la durée de vie de tous les individus d'un groupe donné. Nous devons croire que cette durée moyenne de la vie humaine doit croître sans cesse, si des révolutions physiques ne s'y opposent pas (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 238). ♦ Espérance de vie. Durée moyenne de vie dans un groupe donné, établie statistiquement sur la base des taux de mortalité. L'une des conséquences de cette diminution de la mortalité est d'accroître l'espérance de vie, c'est-à-dire la moyenne d'âge à laquelle meurent les êtres humains: elle est toujours un peu plus élevée pour les femmes que pour les hommes (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1966, p. 490). b) En partic. Durée partielle de l'existence d'une personne considérée par rapport à sa durée totale, ou par rapport à la durée passée ou à venir de l'existence au moment de l'énonciation. Durer autant que la vie; la vie durant; pour la vie. Deux âges de la vie ne doivent pas avoir de sexe; l'enfant et le vieillard doivent être modestes comme des femmes. La vieillesse aime le peu, et la jeunesse aime le trop. Les quatre amours correspondant aux quatre âges de la vie humaine bien ordonnée, sont l'amour de tout, l'amour des femmes, l'amour de l'ordre, et l'amour de Dieu (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 216).C'est dans ces parages que j'ai fait, tout au long de ma vie parisienne, les rencontres les plus insolites, les plongées par hasard dans les milieux les plus éloignés de ceux que je hante habituellement (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 233). 2. P. anal. Période de temps pendant laquelle dure l'activité de quelque chose; période d'utilisation de quelque chose. Vie d'un atome, d'un radio-élément, d'un produit, d'un modèle de voiture; vie d'un volcan, d'un glacier, d'une étoile. L'ensemble de la vie de la terre y est subdivisé en cinq ères: précambrien, primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 377). B. − BIOL. [Chez l'être humain] Vie fœtale, intra-utérine, utérine. Période qui s'étend de la neuvième semaine après la conception à la naissance. Nous retrouvons encore ici la production temporaire de fentes branchiales (bien distinctes chez l'embryon humain à la fin du premier mois de la vie fœtale) sur les côtés du cou (Caullery, Embryol., 1942, p. 104). III. A. − 1. Ensemble des faits, des événements, des activités qui remplissent l'existence de chaque individu. Vie aventureuse, exemplaire, extraordinaire; vie heureuse, malheureuse; vie manquée, ratée; gâcher sa vie; partager la vie de qqn; écrire l'histoire de sa vie; voilà toute ma vie. Elle ne causait que des autres, racontait leur vie jusqu'à dire le nombre de chemises qu'ils faisaient blanchir par mois (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 668).Quel misérable spectacle qu'une vie humaine! Toujours et toujours recommencer les mêmes efforts, dans un champ d'action ridiculement étroit! D'illusoires agitations, des joies médiocres, une soif de bonheur qui se renouvelle en vain et ne peut jamais être désaltérée! (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1263). ♦ Cadre de vie. V. cadre ex. de Belorgey. − Avoir qqn/qqc. dans sa vie.Avoir une liaison amoureuse; avoir quelque chose qui donne un sens à sa vie. Si au moins, j'avais quelque chose dans la vie!... Mais pas d'enfants, pas de gaîté, un tel manque de joies!... C'est bien dur!... (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 45).Il y a quelqu'un dans ta vie? Olga de temps en temps. (Sur un geste d'Hugo.) Pas en ce moment (Sartre, Mains sales, 1948, 1ertabl., 1, p. 18). − Être toute la vie de qqn. Si tu savais... Ce qu'elle l'aimait! C'était toute sa vie, cet homme (Achard, J. de la Lune, 1929, II, 8, p. 21). 2. P. méton. Biographie. La vie et l'œuvre d'un écrivain; écrire la vie de qqn. Il avait lu et relu une courte Vie de Benjamin Franklin, qui se terminait par ces mots: « Il a tiré tout le parti possible de lui-même » (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 56). B. − 1. Manière de vivre, de comprendre l'existence, orientation morale de l'existence. Il y a une sonnette, j'ai des clefs; pourtant je ne me sers jamais de tout cela. J'ai une façon à moi de frapper. Ça simplifie la vie (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 38).Je ne connaissais rien; il allait me montrer Paris, le luxe, la vie facile (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 32). ♦ Femme de mauvaise vie. Femme de mœurs très libres; en partic., prostituée. Officiers, femmes de mauvaise vie, commerçants en rapport avec l'ennemi, trafiquants, changeurs d'or, on allait les supplier, on s'humiliait devant ces puissances (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 229). − Locutions ♦ Ce n'est pas une vie. C'est insupportable. Tu ne peux donc pas mettre ton chapeau droit? demandait à Juliette MmeDonnot, en sortant de la messe. C'est vrai qu'avec tes cheveux... Ah! on peut dire que ce n'est pas une vie, des cheveux comme les tiens... (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 118). ♦ (C'est) la belle, bonne vie. Existence facile, sans soucis; p. ext., noce. Et s'il est heureux! Pis alors, il dit qu'c'est bath la guerre, et l'a pas tort, parce que maintenant, pour lui, c'est la bonne vie (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 152).Elle craignait pour lui la caserne. M. Colombin rigolait: « Oh! ça, c'est la belle vie, pour sûr. Et qu'est-ce qu'il y a comme gonzesses! (...) » (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 234). ♦ Faire la vie. Faire la noce, mener une vie de plaisir. Un matin que Renée descendait à dix heures, Lecouvreur, exaspéré, lui cria: − Renée, faudra vous chercher autre chose! Elle balbutia: « J'étais malade, patron... » Mais Lecouvreur l'interrompit: − Non! je vous crois pas. J'en ai marre. Allez faire la vie ailleurs que chez nous! (Dabit, Hôtel, 1929, p. 141). ♦ Faire, mener, rendre la vie dure, impossible, difficile à qqn; faire une vie d'enfer à qqn. Traiter durement, rendre malheureux, harceler continuellement quelqu'un. Comme madame n'était pas contente d'avoir épousé monsieur qu'elle n'aimait pas, elle lui a fait la vie dure, si dure que j'en avais le cœur cassé (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 592).La connaissance journalière de propos hostiles sur mon compte de tout le monde de la littérature, la réception de lettres injurieuses, tous ces embêtements moraux, entremêlés de cauchemars épouvantant mon sommeil, me font une vie d'enfer (Goncourt, Journal, 1894, p. 584).À croire que ses enfants la martyrisaient, lui menaient une vie impossible! (Queffélec, Recteur, 1944, p. 184). ♦ Faire la vie (à qqn) (fam.). Quereller quelqu'un, récriminer sans cesse. Quelle vie il m'a fait ce matin! (Raymond1932). ♦ Refaire sa vie. Se remarier; changer sa manière de vivre. J'ai cru que je pouvais refaire ma vie en m'appuyant sur elle (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 87). ♦ (Avoir une) double vie. Je ne sais qui de nous deux était le plus ému, le jour où il me fit confidence du secret de sa double vie (Gide, Si le grain, 1924, p. 511). SYNT. Vie agréable, agitée, casanière, dangereuse, déréglée, douce, errante, humble, modeste, mondaine, mouvementée, obscure, rangée, réglée, saine, simple, sédentaire, solitaire, tumultueuse; vie d'artiste, de bohème, de bâton de chaise, de château, de chien, de cocagne, de débauche, de fou, de patachon, de polichinelle; vie d'étude, d'ordre, de sacrifice; vie de garçon; genre, mode, train, style de vie; attestation, certificat de bonne vie et mœurs; commencer une nouvelle vie; changer de vie; mener joyeuse vie, grande vie; mener la vie à grandes guides. 2. P. ext. Manière de vivre d'une collectivité, d'un groupe social à une époque donnée. Vie citadine, rurale, urbaine; vie pastorale; vie bourgeoise, moderne, parisienne, provinciale; vie ouvrière; vie monastique; vie des champs, de province; vie des paysans, des marins, des montagnards. Juliette se leva. Il fallait refaire le feu. L'horreur de la vie paysanne! Elle regarda ses mains incrustées de noir (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 23). − P. anal. [En parlant des animaux] Vie animale; vie des termites, des abeilles. Divers critiques avaient parlé de livres récents: (...) de la Vie des fourmis de Maeterlinck (Arts et litt., 1936, p. 40-10). C. − 1. [Constr. avec un adj. ou un compl. prép.] Part de l'activité humaine, de l'existence d'une personne ou d'une collectivité envisagée du point de vue de l'activité exercée, des occupations. Vie courante, quotidienne, de tous les jours; vie domestique, familiale, de famille; vie conjugale, en commun, à deux; vie civile, militaire; vie personnelle, privée, professionnelle, publique; vie sociale, en société; vie économique, politique; vie littéraire, théâtrale; vie d'artiste, d'étudiant. Ce soir, elle était de nouveau nouée... C'était le drame de sa vie intime que cette inaptitude au contact, cette condamnation à demeurer incommunicable! (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 880): 3. Il me souvient encore des premières sensations de ma vie scolaire: l'odeur spécifique des cahiers vierges et des moleskines cirées des cartables, le mystère des livres tout neufs, roides et presque impénétrables d'abord dans leur armure de colle et de carton; mais qui deviennent assez vite des albums où la vie s'inscrit sous forme de taches, de figures étranges, de notes, de marques et de repères...
Valéry, Variété IV, 1938, p. 193. − P. ext. Domaine où s'exerce une activité psychique.Vie affective, intellectuelle, intérieure, mentale, psychique, sentimentale, spirituelle; vie de l'âme, de l'esprit. Entre la couleur grise et douce d'une campagne matinale et le goût d'une tasse de chocolat, je faisais tenir toute l'originalité de la vie physique, intellectuelle et morale (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 346). 2. Loc. À vie. Jusqu'au terme de l'activité professionnelle. O. S. à vie. Un Conseil de l'Université qui comprend dix conseillers à vie et vingt conseillers ordinaires nommés pour un an (Encyclop. éduc., 1960, p. 126). D. − Ensemble des moyens matériels permettant d'assurer la subsistance d'un être. Vie large, précaire; cherté, prix de la vie; niveau de vie. Pourquoi parler du prix de la viande? Je le savais bien que la viande était chère. Était-ce vraiment le moment de me parler du coût de la vie, alors que je venais de perdre ma place? (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 39). − Gagner sa vie. V. gagner I A 1 a ex. de Dabit. − Au fig. Trouver sa vie. Trouver ce que l'on cherche, ce dont on a besoin. Vous trouverez peut-être votre vie là-dedans (Rob.1985). E. − Absol. Condition humaine, cours des choses humaines dans le monde et dans la société. La vie est une farce, une comédie, une tragédie universelle, et le sort qui brasse tous les personnages du drame à leur insu, qui les secoue comme dans un gobelet et les jette pêle-mêle sur le tapis comme des dés au poker d'as (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 124). ♦ Les choses de la vie. Madame de Mortsauf voulait habituer ses enfants aux choses de la vie, et leur donner connaissance des pénibles labeurs par lesquels s'obtient l'argent (Balzac, Lys, 1836, p. 128). − Loc. C'est la vie! [En parlant d'un fait ou d'un événement auquel on doit se résigner] Les choses sont comme ça, c'est ainsi. Peut-être que si t'étais venu plus tôt... ou alors si tu m'avais laissé filer à Biribi, dans le temps, (...)!... Enfin, c'est la vie, comme tu dis, cette pauvre vieille putain de vie!... (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 254). SYNT. Banalité, tristesse de la vie; connaissance, expérience de la vie; dégoût, haine, horreur, peur de la vie; plaisirs, misères de la vie; difficultés de la vie; avoir des hauts et des bas dans la vie; aimer la vie; jouir de la vie; connaître la vie; entrer, faire ses débuts dans la vie; tout ignorer de la vie; prendre la vie comme elle vient; regarder la vie en face; se réconcilier avec la vie; voir la vie en rose, telle qu'elle est; chienne de vie. Prononc. et Orth.: [vi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. « Fait d'être en vie » 1. a) fin xes. vida perdoner « accorder la vie sauve » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 223: Vida perdonent al ladrun; 225: Barrabant perdonent la vide); b) ca 1100 perdre sa vie (Roland, éd. J. Bédier, 1408); c) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrete, éd. M. Roques, 6292: se Lancelot n'est an vie); d) fin xives. aler de vie à trespas (Froissart, Chron., éd. A. Mirot, t. 14, p. 150); e) 1548 par ma vie (N. Du Fail, Baliverneries, éd. G. Milin, p. 62); f) 1580 à peine de la vie (R. Garnier, Antigone, Argument, éd. W. Foerster, t. 3 p. 4); 2. vie + déterm., avec notion de « principe vital » ou « vitalité » a) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 69: la vithe est fraisle); b) 1370 (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 142: une de celles puissances ou vertus [de l'ame irraisonable] est semblable a la vie des plantes et est commune a toutes choses qui ont vie en euls; p. 154: car delectacion est commune a toutes choses qui ont ame ou vie sensible; p. 273: le cuer est le siege et la fontaine de la vie); c) 1375 (Id., Ciel et Monde, éd. A. D. Menut et J. Denomy, p. 314: Il samble que l'opinion d'Averroïz, et d'Aristote selon Averroïz, estoit que, ausi comme les plantes ont vie et ame vegetative et les bestes vegetative et sensitive et les honmes vegetative et sensitive et intellective); d) 1442 (A. de La Sale, Salade, éd. F. Desonay, p. 31: les Persans adoroient le soleil; car ilz tenoient que du soleil venoit vie et tous biens); e) 1480 (G. Coquillart, Droitz nouveaulx ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 152: Que sa femme est seiche et tarie, Et n'a pas de vie plein poing); f) 1610 (H. d'Urfé, L'Astrée, éd. H. Vaganay, t. 2, p. 378: la maladie est signe de vie); g) 1619 être plein de vie (Id., ibid., t. 3, p. 245); h) 1645 (Tristan L'Hermite, Folie du Sage, éd. J. Madeleine, p. 70: l'origine d'où sort le soufle de la vie et celuy de la mort); i) 1681 (J.-F. Regnard, Voyage de Laponie, éd. M. Garnier, t. 1, p. 99: il se trouve un principe de vie caché dans l'un et l'autre sexe); j) 1684 (F. Bernier, Philos. de Gassendi, t. 5, p. 663: jamais l'on n'explique bien la notion de la Vie, qui d'ailleurs est claire et evidente); k) 1751 (Encyclop. t. 1, p. 474b, s.v. animal: Les animaux prennent de l'accroissement, ont de la vie et sont doués de sentiment: par cette définition M. Linnœus les distingue des végétaux qui croissent et vivent sans avoir de sentiment, et des minéraux qui croissent sans vie ni sentiment); 3. vie empl. à propos d'inanimés a) 1370 (Oresme, Ethiques, p. 439: un instrument est un serf senz vie et senz ame); b) 1375 (Id., Ciel et Monde, p. 314: choses qui n'ont vie fors par similitude ou en relacion); c) av. 1615 (E. Pasquier, Recherches de la France, p. 814: l'Imprimerie qui baille vie aux bonnes lettres); d) 1630 (A. d'Aubigné, Printemps, Hécatombe à Diane, XXII ds
Œuvres, éd. Réaume et de Caussade, t. 3, p. 26: le peinctre qui voudroit animer un tableau [...] Qu'il voye prendre vie à ce qu'il aura peint); e) 1646 (J. Du Lorens, Satires, éd. D. Jonaust, p. 182: ces travaux qui [...] à coups de ciseau donnent la vie au marbre); 4. 1561 terme d'affection (J. GrÉvin, Esbahis ds Comédies, éd. E. Lapeyre, p. 97: Et bien, Marion, ma succrée, Mon bien, ma vie et mieux aimée, Mon tout). B. « En référence aux croyances religieuses en une autre vie après la mort, à la vie de l'âme » 1. a) ca 1050 (Alexis, 63: la mortel vithe li prist mult a blasmer, De la celeste li mostret veritét); b) ca 1145 pardurable vie « vie éternelle » (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1501), trad. de vitam aeternam dans les Bibles du xiiies.(v. Trénel, p. 427), cf. vitam eterne (1174-78, Etienne de Fougères, Livre des Manières, éd. R. Anthony Lodge, 188); c) 1416-18 vie eternele (Christine de Pisan, Prison de vie humaine, éd. A. J. Kennedy, 1175); 2. a) ca 1220 pain de vie (Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, II Mir 17, 239); b) 1353 fruit de vie « Jésus Christ » (Mir. enfant ressuscité, éd. G. A. Runnalls, 101); c) 1385-1403 vie de l'ame (Eustache Deschamps, Miroir de Mariage, 9980, éd. G. Raynaud, t. 9, p. 321). C. « Existence humaine, considérée du point de vue de l'ensemble des activités, événements qui la remplissent » 1. a) α) ca 1050 vie + adj. qualifiant la manière de mener sa vie (Alexis, 619: dreite vide);
β) ca 1150 (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 208: Sa vie en grant dolur usont);
γ) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 3387: Trop ai menee ceste vie);
δ) ca 1170 (Marie de France, Lais, Milun, éd. J. Lods, 279: Vint anz menerent cele vie Milun entre lui e s'amie);
ε) fin xiies. (Sermons St Grégoire sur Ezechiel, éd. K. Hofmann, 23, 25: dous vies sunt ke li saint proicheor unt, c'est li active et li contemplatiue);
ζ) ca 1130 (Guillaume de Digulleville, Pelerinage de vie humaine [titre], éd J. Stürzinger);
η) ca 1370 (Oresme, Ethiques, p. 110: vie civile; p. 471: vie politique); b) ca 1432-65 à propos d'une collectivité (J. Régnier, Fortunes et Adversitez, éd. E. Droz, p. 178, 6: ce monde, son estat, sa vie); c) 1601 (Charron, De la Sagesse, éd. B. de Negroni, p. 44: le mediter et entretenir ses pensées est [...] la posture, l'entretien et la vie de l'esprit); d) 1601 (Id., ibid., p. 372: le choix du genre de vie propre et commode au naturel d'un chascun); 2. 1130-40 spéc. « récit de la vie d'une personne » (Wace, Sainte Marguerite, éd. E. A. Francis, p. 1: A l'onor Deu et a s'aïe Dirai d'une virge la vie); 3. en réf. à une période, une durée a) ca 1100 (Roland, 212: a tute vostre vie; 595: en tute vostre vie); b) α) 1288 a vie « pour la durée de la vie de quelqu'un » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 348);
β) 1417-20 rente à vie (Clément de Fauquemberge, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 24); 4. a) 1561 (J. Grévin, Brief discours pour l'intelligence de ce théatre ds Théâtre, éd. L. Pinvert, p. 9: Car comme disoit Andronique, la Comédie est le mirouer de la vie journalière); b) 1648 (Voiture, Lettres, A. Courbé, 1654, p. 685: Voiez, s'il vous plaist, quelle vie doit estre la mienne et ce que j'en dois attendre). D. « Existence considérée du point de vue des moyens de subsistance » 1. a) 1395 avoir sa vie « avoir le vivre et le couvert » (Griseldis, éd. M. Roques, 1588: des or en nostre maison Arez, s'il vous plaist, vostre vie); b) 1507-08 (D'Amerval, Le Livre de la Deablerie, éd. Ch. Fr. Ward, p. 846: l'autre avoit sa vie des buees qu'elle lavoit); c) 1498-1515 chercher sa vie, gagner sa vie (Gringore, Vie Ms. S. Loys ds
Œuvres, éd. Ch. d'Hericault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 114, p. 113: Hélas, mon povre ours, tu es mort; [...] Ne sçay de quoy je gaigneray Ma vie doresnavant); 2. a) 1640 (Oudin Curiositez: homme de grande ou petite Vie, qui mange beaucoup ou peu); b) 1676 (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 300: c'est la mode du pays, où d'ailleurs la vie ne coûte rien); c) 1784 (Genlis, Veill. du chât., t. 1, p. 111 ds Littré: La vie est à bon marché à Saint Germain). Du lat. vita (dér. de vivere « vivre, être en vie »), « vie (p. oppos. à mors « mort », ce qui anime, principe de vie », « moyen ou façon de vivre », et, à l'imitation du gr. « vie humaine, humanité » (en poésie et prose de l'époque impériale) v. Ern.-Meillet, empl. également à l'égard d'une pers. comme terme hypocoristique). Fréq. abs. littér.: 81 821. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 120 657, b) 92 325; xxes.: a) 118 806, b) 124 098. Bbg. Quem. DDL t. 5, 8, 19, 34, 40. − Teysseire (D.). De la Vie ds les Rapports du physique et du moral de l'homme de Cabanis. Saint-Cloud, 1982, passim. |