| TOILETTE, subst. fém. A. − [Servant à envelopper un objet] 1. Pièce de toile et, en partic., toile dans laquelle certains artisans et marchands ambulants enveloppent leur marchandise. Au milieu des groupes, des ouvriers à façon s'en retournaient, leurs toilettes pliées sous le bras (Zola, Assommoir, 1877, p. 766).Il portait sous son bras une toilette verte qu'il posa sur une chaise; puis, défaisant les quatre oreilles de la toilette, il découvrit un tas de petits livres jaunes (A. France, Bonnard, 1881, p. 269). ♦ Marchand*(e), revendeuse* à la toilette. En partic. Entremetteur, -euse. Quelques revendeurs attendaient, deux ou trois hommes à barbes sales et une grosse femme ventrue, une de ces marchandes dites à la toilette, conseillères et protectrices d'amours prohibées, qui brocantent sur la chair humaine jeune et vieille autant que sur les jeunes et vieilles nippes (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Lit, 1881, p. 633). 2. Crépine qui sert à envelopper certains morceaux en charcuterie et boucherie. Foie de veau à la broche. (...) tirez-le de sa marinade, enveloppez-le d'une voile ou toilette de porc ou d'un papier beurré (Audot, Cuisin. campagne et ville, 1896, p. 207). B. − [En rapport avec la parure] 1. Ensemble des accessoires, produits, objets qui servent à se parer. Pour corriger la sévérité de ces vieilleries magnifiques, il avait amalgamé à ce bric-à-brac tous les petits meubles gais et gracieux des jeunes filles, l'étagère, (...) la table à ouvrage incrustée de nacre, le nécessaire de vermeil, la toilette en porcelaine du Japon (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 75).Là on voit (...) des boîtes de fard vert, des nécessaires de toilette (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 188). − P. méton. Meuble sur lequel on dispose tout ce qui est nécessaire pour se parer. Synon. usuel coiffeuse.Dessus de toilette; garniture de toilette. Assise devant sa toilette illuminée par des bougies, l'inconnue défaisait ses atours de l'air le plus tranquille du monde (Balzac, Massimilla Doni, 1839, p. 392).L'accès de la fenêtre est obstrué par une vieille toilette de marbre surchargée de livres (Martin du G., Notes Gide, 1951, p. 1385). 2. Action de s'apprêter pour paraître en public (en se coiffant, maquillant, habillant, etc.). Être à sa toilette; faire toilette. Des dents d'un émail distingué, des cheveux noirs abondants, le tout ficelé d'indienne à soixante-quinze centimes le mètre, orné d'une collerette brodée, monté sur des souliers de peau sans clous, et décoré de gants à vingt-neuf sous. L'enfant, qui ne connaissait pas sa valeur, avait fait sa plus belle toilette pour venir chez la grande dame (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 325). ♦ Toilette mortuaire, dernière toilette. Denise est morte depuis cinq ou six heures. André n'a pas voulu se laisser emmener. Il assiste, impassible, à la dernière toilette (Martin du G., Devenir, 1909, p. 200).En partic. Toilette des condamnés. Celle à laquelle on soumettait les condamnés avant de les conduire à l'échafaud. Comme je parlais à Detaille du récit des toilettes de condamnés à mort que m'avait fait l'autre jour Méténier, il me disait avoir assisté à deux exécutions (Goncourt, Journal, 1890, p. 1134). 3. a) Soin que l'on apporte dans la manière de se vêtir, de se parer. Aimer la toilette; avoir le goût de la toilette. Elle se mettait en frais de toilette pour lui; elle avait des rubans d'une nuance exquise; elle faisait à Christophe des sourires et des yeux langoureux, qui lui déplaisaient, qui l'irritaient, qui le remuaient jusqu'au fond de l'âme (Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 195): C'est qu'en effet on avait vu le goût de la toilette pénétrer dans les classes inférieures de la société, et des témoins de la seconde moitié du XIIesiècle le constatent déjà; mais les bourgeois surtout commencent alors à faire parler de leur faste; leurs fils, comme ceux des nobles, commencent à recevoir le nom de damoiseau, et leur costume accroche l'œil du public.
Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 183. ♦ Loc. Faire toilette. S'habiller de façon plus élégante que d'habitude. V. peinturer B 2 ex. de Morand. b) Moment pendant lequel les grandes dames recevaient en s'apprêtant. Lui, Jean-Jacques, le citoyen de Genève, continuait de mendier la gloire parmi les esclaves, à la toilette des dames de Paris (Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p. 114). 4. Ensemble des vêtements et accessoires qui servent à la parure et notamment à l'habillement féminin. Être en grande toilette; toilette de bal, de mariée, de soirée, de ville; étrenner une toilette; changer de toilette. À ce souper sardanapalesque, Rarahu était déjà méconnaissable; elle portait une toilette nouvelle, une belle tapa de mousseline blanche à traîne qui lui donnait fort grand air (Loti, Mariage, 1882, p. 116).Ils prenaient tous leurs repas à l'hôtel et se montraient chaque soir, lui en habit, elle en toilette de soirée, dans une attitude noblement voûtée, chargée, ténébreuse (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 214). ♦ Loc., vieilli. Se mettre en toilette. S'habiller de façon recherchée. Elle continuait de se mettre en toilette, un peu comme une insensée, toujours par peur de ressembler à une femme de naufragé, s'exaspérant quand les autres prenaient avec elle un air de compassion et de mystère, détournant les yeux pour ne pas croiser en route de ces regards qui la glaçaient (Loti, Pêch. Isl., 1886, p. 305). C. − [En rapport avec la propreté] 1. Action de procéder aux divers soins de propreté du corps. Faire sa toilette; procéder à sa toilette; toilette soignée, sommaire; eau, éponge, gant, nécessaire, savon, serviette, table, trousse de toilette; toilette de nuit. C'était d'habitude à huit heures qu'elle descendait faire le premier déjeuner, en commun avec le docteur, dans la salle à manger. Et, en attendant, elle se livra à des soins de toilette minutieux, se coiffa, se chaussa, passa une robe, de toile blanche à pois rouges (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 31).Blanche m'emmène dans sa chambre, pour le distraire tandis qu'il se rase et achève sa toilette. Il s'éponge le visage avec des tampons de coton hydrophile qu'il sort d'un grand fourreau de métal (Gide, Journal, 1917, p. 633). ♦ Fam. Faire un bout, un brin de toilette. Se laver rapidement. On doit arriver d'assez bon matin; juste le temps de faire un brin de toilette avant de quitter le train (Gide, Ainsi soit-il, 1951, p. 1189). ♦ P. anal. [Le suj. désigne un animal] Faire sa toilette. Lustrer son poil, ses plumes. Il n'avait guère pour compagnon que le chat du surveillant, faisant sa toilette au soleil (Zola, L'Œuvre, 1886, p. 254). ♦ Cabinet de toilette. [P. oppos. à salle de bain] Petite pièce aménagée pour procéder aux soins de propreté et ne comportant pas de baignoire. Il jeta un dernier regard dans la grande glace qui tenait un panneau entier de son cabinet de toilette et sourit (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Fini, 1885, p. 1015).Il s'arrêta dans le vestibule, écoutant du côté de la chambre, et entendit du bruit dans le cabinet de toilette. − Vous avez ce qu'il vous faut? − Merci, fit Natte en s'essuyant les mains (Chardonne, Épithal., 1929, p. 283). 2. Au plur., p. euphém. Les toilettes. Lieux d'aisance. Synon. cabinet, lavabo, w.c.Papier (de) toilette(s); seau de toilette. Il gagna le petit couloir qui desservait la salle de douches, les toilettes et la cuisine (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1648). 3. P. anal. [À propos d'une chose] Faire la toilette de qqc. Fait de nettoyer, d'apprêter, de préparer quelque chose. Les matelots, en chantant, faisaient la toilette du navire (Maupass., Une Vie, 1883, p. 71). − P. anal. (Faire) la toilette d'un texte. ,,Le revoir et y apporter les dernières corrections de détail`` (Ac. 1935); procéder à la préparation d'un manuscrit en vue de son édition. (Dict. xxes.). Prononc. et Orth.: [twalεt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1352 « morceau de toile servant à envelopper des vêtements » tellettes a envelopper (Comptes d'Etienne de la Fontaine, argentier du roi Jean ds Havard); 1709 revendeuse à la toilette (Lesage, Turcaret, IV, 13 ds Littré); 1723 marchande à la toilette (Savary); b) 1555 « membrane graisseuse et claire dont on se sert dans la boucherie et charcuterie pour envelopper certaines pièces » (B. Aneau, Tresor de Evonime, 173 ds Barb. Misc. I, p. 27); 2. 1460 « toile de batiste » (Compte de l'hôpital Saint-Jean des trouvés ds Gay); 3. 1599 thoilette « toile qu'on étend sur une table pour y mettre ce qui sert à l'ornement des hommes et des femmes » (Inventaire de Gabrielle d'Estrees ds Laborde, Emaux, t. 2, p. 516); 1625 ployer la toilette « emporter les objets volés » (Le Ballet des Dames d'Amour ds Variétés hist. et littér., t. 5, p. 327); 4. 1661 « ensemble des objets et des accessoires nécessaires pour s'apprêter » (Inventaire de Mazarin, no2150 ds Gay); 5. 1690 coffre de toilette « meuble garni de tout ce qui est nécessaire pour s'apprêter » (Fur.); 1705 table de toilette (L'État des meubles apportés en mariage par Delle Molière au sieur Montalent ds Havard t. 4); 6. 1740 cabinet de toilette (J. de La Varenne, Mémoires du chevalier de Ravanne,t. 1, p. 299); 7. 1858 « meuble permettant de se laver » (Chesn. t. 2). B. 1. a) 1679 « action de s'apprêter pour paraître en public » (Cardinal de Retz, Mémoires, t. 2, p. 487); spéc. 1690, 2 juill. « moment où une grande dame recevait certaines personnes en public » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 902); 1800 faire un petit brin de toilette (Philibert et Marty, Arlequin portier, 6 ds Quem. DDL t. 30); b) 1829 la toilette d'un condamné (Hugo, Dern. jour condamné, p. 146); 1853 la toilette des morts (Du Camp, Mém. suic., p. 198); 2. 1776 « ensemble des vêtements et accessoires servant à la parure d'une femme » (Restif de La Bret., Le Paysan perverti, t. 2, p. 19); 3. 1789 « vêtement » toilette à la constitution (d'apr. Brunot t. 10, p. 894); 4. a) 1819 serviette de toilette « linge servant aux soins du corps » (Balzac, Corresp., p. 32); b) 1842 « ensemble des soins de propreté du corps » (Reybaud, J. Paturot, p. 417); c) 1902 papier de toilette (R. mens. Touring-Club de France, nov., p. 486a ds Quem. DDL t. 17); 5. 1836 « fait de nettoyer, d'apprêter une chose » (Gozlan, Notaire, p. 100); 6. 1881 « préparation d'un manuscrit en vue de l'édition » (Zola, Romanc. natur., Les Romanc. Contemp., p. 306). Dér. de toile*; suff. -ette*. Fréq. abs. littér.: 3 672. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 787, b) 9 335; xxes.: a) 7 096, b) 3 114. Bbg. Blochw.-Runk. 1971, p. 461. − Quem. DDL t. 25, 31, 33. |