| MADAME, subst. fém.;MESDAMES, subst. fém. plur. [S'écrit en abrégé Mmeet au plur. Mmes] I. A. − 1. Vx. [Titre qui était employé pour désigner des femmes de haute naissance ou pour s'adresser à elles] Madame la marquise. On demande au marquis, par quel hasard cette dame, qu'il appelle madame la duchesse, attend dans la cour sans entrer. Il s'approche d'elle, lui parle à mi-voix, et revient nous dire: c'est une de ces aventures de roman que produit la révolution; madame la duchesse de Montjustin vend des fleurs, voilà le mystère (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1625): 1. − J'ai peur de votre mère, dis-je à la comtesse pour reprendre l'entretien. − Et moi aussi, répondit-elle en faisant un geste plein d'enfantillage, mais n'oubliez pas de toujours la nommer madame la duchesse et de lui parler à la troisième personne. La jeunesse actuelle a perdu l'habitude de ces formes polies, reprenez-les, faites cela pour moi.
Balzac, Lys, 1836, p. 102. 2. P. anal. [Appellation employée pour désigner des femmes de la (haute) bourgeoisie, de la noblesse, d'une classe supérieure ou pour s'adresser à elles] Au premier étage, il y avait d'abord la chambre de «madame», très grande, tendue d'un papier à fleurs pâles, et contenant le portrait de «monsieur» en costume de muscadin (Flaub., Coeur simple, 1877, p. 4).Je la regardai attentivement. «Elle avait l'air d'une petite guenon habillée en madame (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 213).Il y avait, en face [dans la patache], une madame potelée, douillette, dans un manteau avec de la fourrure au col et aux manches (Giono, Solit. pitié, 1932, p. 10): 2. Elle disait: «Cela ne peut pas fatiguer madame Amédée, que je la peigne; si faible qu'on soit on peut toujours être peignée.» C'est-à-dire, on n'est jamais trop faible pour qu'une autre personne ne puisse, en ce qui la concerne, vous peigner.
Proust, Guermantes 2, 1921, p. 333. − Fam. ou plais. Ce monsieur était parti pour aller dîner avec madame son épouse (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 435).(Mongicourt lève sur lui des yeux ahuris). Je ne me doutais pas que j'avais affaire à madame votre femme! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 15, p. 20). − P. anal. C'est pourtant bien Vénus, madame Vénus, comme disent les Minnesingers, qui, profitant de ce que le bon chevalier Tanhauser fait un somme, se hasarde hors de la montagne (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 120). ♦ Loc. verb. Faire la madame. Affecter un air supérieur, une noblesse de manières habituelle aux dames. Elle fait la madame (Ac.). Jouer à la madame. Contrefaire le comportement, les manières distinguées des dames. Je ne veux pas parler de ces petites filles qui jouent à la madame... Les pauvres petites préludent déjà à leur immortelle puérilité future (Baudel., Curios. esthét., 1867, p. 138). B. − HISTOIRE 1. [Titre employé pour désigner les filles du roi, ses soeurs ou la fille aînée du dauphin, ou pour s'adresser à elles] Mesdames de France; Madame Élizabeth (Ac.1835-1935).Madame la princesse de Conti, fille de Louis XIV, ayant vu madame la dauphine de Bavière qui dormait, ou faisait semblant de dormir, dit (...). Madame la Dauphine, prenant la parole sans faire le moindre mouvement, lui répondit: «Madame, tout le monde n'est pas enfant de l'amour» (Chamfort, Caract. et anecd., 1794, p. 179). − En partic. Madame royale. Titre donné aux filles du roi de France. Il se peut que Robespierre épouse Madame Royale et se fasse nommer protecteur du royaume pendant la minorité de Louis XVII (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 166). 2. Emploi abs. [Titre employé pour désigner la reine, la fille aînée du roi ou la femme de Monsieur, frère du roi, ou pour s'adresser à elles] La Reine: Grand dieu!... ils ont parlé!... Ce pauvre Koller sera compromis! Rantzau: Non, Madame; ce pauvre Koller est le premier qui vous ait abandonnée, qui vous ait trahie (Scribe,Bertrand,1833, p. 201).Trois ans après la mort de Madame, Louis XIV, cédant aux instances de Monsieur, rendit sa faveur au chevalier de Lorraine, qui eut permission de revenir à la cour, y fut admirablement accueilli, et y fit une fortune inouïe (Historia, 1956, no114, p. 453). II. − Usuel A. − 1. [Appellation employée pour désigner toute femme qui est ou a été mariée, ou pour s'adresser à elle] Bonjour madame. Présentez, je vous prie, mes respects à madame votre mère (Flaub., Corresp., 1864, p. 9): 3. − Comment, monsieur, vous dites arriver de Rio et vous ne connaissez pas mon mari? (...). On ne parle que de lui. C'est un pilier de cabaret et il fréquente toutes les boîtes de nuit. C'est une honte. J'ai pris mes renseignements, vous savez, depuis dix ans que je l'attends. − Je le regrette, madame...
Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 50. − Madame veuve. À madame veuve Virginie Héricourt chez Messieurs Lyrisse, au château des ducs, par Varangéville-lez-Nancy, en Lorraine (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 174). − Fam. [Précédé d'un adj.] Gentille (petite) madame. Je vous demande pardon, chère madame, il faut que j'aille porter ce verre d'orangeade (Feydeau, Dame Maxim's1914, II, 2, p. 33). 2. P. ext. [Appellation employée pour désigner une femme en âge d'être mariée lorsqu'on ignore si elle l'est, ou pour s'adresser à elle] − Est-ce que madame demande quelqu'un? cria la concierge, intriguée, en paraissant à la porte de la loge. Mais la jeune femme expliqua qu'elle attendait une personne (Zola, Assommoir, 1877, p. 415).V. mademoiselle ex. de Roy: 4.
jean: Vous devez connaître aussi Edmond Rostand... elle: Naturellement... jean: Et l'Arc de Triomphe... et la place de la Concorde et la ville de Dieppe... elle: Mais oui... jean: Oh! madame, quelle joie de se retrouver... Oh! permettez-moi de vous baiser la main... jean: Eh bien, voilà... nous sommes beaucoup plus intimes qu'il y a cinq minutes!
Guitry, Veilleur, 1911, I, p. 6. B. − Madame la + subst.[Appellation employée pour désigner une femme en témoignant qu'on lui marque du respect, ou pour s'adresser à elle] 1. [La pers. exerce une fonction conférant une certaine autorité ou occupe un certain rang dans la hiérarchie soc.] Madame la directrice; madame le/la ministre. Dans dix jours d'ici, j'irai faire une visite à madame la préfète, et je te rendrai la tienne (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 670): 5. Je demanderai à votre Altesse Royale la permission de me retirer. − Fais ce qui te plaît, chère petite, et ne manque pas de transmettre mes amitiés à madame la docteur Lanze.
Gobineau, Pléiades, 1874, p. 122. Rem. Sur Madame suivi d'un nom masc. ou fém. désignant une fonction: ,,Pour les postes de l'Administration et de la Politique, et pour les professions libérales, il y a une forte tendance à employer le masculin, surtout dans la langue officielle. À l'inverse, l'industrie et le commerce acceptent plus facilement l'usage du féminin (...). Il existe une tendance à rester dans le masculin quand il s'agit de professions supérieures, bien rémunérées ou autrement prestigieuses. Inversement, on emploie le féminin pour désigner des occupations inférieures et moins bien payées`` (E. Boel, Le Genre des noms désignant les professions et les situations féminines en fr. mod. ds R. rom. t. 11 1976, pp. 70-71) 2. [Dans la hiérarchie relig.] Madame l'abbesse de Château-Châlons, mesdames les chanoinesses de Remiremont (Ac.1835-1935).− La supérieure leva les bras, affligée... − Eh bien! mon brave, qu'est-ce que vous avez? − L'autre jambe cassée, madame la bonne soeur (Maupass., Contes et nouv., t. 1, 25 francs de la Supérieure, 1888, p. 256). 3. Emploi abs. − [Appellation employée par les gens de maison lorsqu'ils désignent la maîtresse de maison ou lorsqu'ils s'adressent à elle] Clothilde: Vous avez fait chercher le gérant, Eugénie? La Bonne: Oui, madame. On sort d'y monter (T. Bernard, M. Codomat, 1907, i, 2, p. 139).Le valet de pied: M. Le Guenn est au salon. Il m'a dit que madame l'attendait. Gabrielle: Oui je vais le recevoir (Bernstein,Secret, 1913, i, 5, p. 8): 6. ... je vais chercher le bouton blanc, numéro 4... Vous pensez si je maugrée, si je rage, si j'invective madame dans le fond de moi-même?... Durant ces allées et venues, ces montées et ces descentes, madame a changé d'idée...
Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 75. − [Appellation employée par les invités ou les visiteurs lorsqu'ils se font annoncer à la maîtresse de maison] Il aborda un commissionnaire, lui mit dans la main cinq francs, et le chargea d'aller rue Paradis, chez Jacques Arnoux, pour s'enquérir près du portier «si madame était chez elle» (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 99). − Tenancière de maison publique. «Pendant que Madame est en noce avec le garçon, c'est la sous-maîtresse qui prend (...) soin de la maison (Bruant1901). C. − Madame + subst.[Appellation employée pour désigner une femme dont le travail ou la fonction est liée à la réalité à laquelle réfère le subst., ou (plus rarement) pour s'adresser à elle] Madame santé; madame bons offices. La même année, MmeMonique Pelletier est devenue «MmeAntidrogue» chargée de la coordination de la lutte contre la drogue, et une demoiselle, membre de la direction technique du ministère de l'industrie, MlleAouidad, a été nommée... MmeMétiers d'art» (Le Monde, 5 mars 1981, p. 12). − En partic. 1. Madame pipi. Femme préposée au bon fonctionnement des toilettes publiques. Synon. dame pipi.Une femme mystérieuse, vêtue de drap noir, la tête couverte d'un châle, était assise dans un coin, tricotant avec application comme n'importe quelle «madame Pipi» avec une assiette pour les pourboires, placée bien en évidence devant elle (M. de Cossart, Une Américaine à Paris, trad. de l'angl. par J.-C. Eger, Paris, Plon, 1979, p. 176). 2. Pop., vx. Madame tire-monde. Sage-femme. (Ds Carabelli, [Lang. pop.], s.d., France 1907). D. − Poét. ou fam. Madame + subst. fém.[S'emploie pour personnifier la réalité désignée par le subst.] Et le désir me talonne et me mord, Car je vous aime, ô Madame la Mort (Verlaine, Prem. vers, 1858-66, p. 6).Mais, dit-il à voix basse, il en est encore un [engin de mort], le meilleur et le pire, que vous enseigneront pour un prix modéré Mademoiselle Pieuvre et Madame Vampire (Rollinat, Névroses, 1883, p. 114). − P. ell., arg., vx. La guillotine. Synon. la veuve, mademoiselle.[Un quidam à Sanson le bourreau:] Oh! je t'ai vu monter sur Madame [sur l'échafaud de la guillotine] (L'Héritier, Mém. Révol. fr., t. 1, 1830, p. 90). REM. Mame, subst. fém.a) [Abrév. pop. de madame] . Mon beau-père, M. Crevel... − Ancien parfumeur, un maire; je suis dans son arrondissement sous le nom de mame Nourrisson, répondit-elle (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 351).Lorsque Javert revint (...) il ne trouva que mame Bougon qui lui répondit: déménagé! (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 48).Il appela: − M'ame Bayard, m'ame Bayard, vous me devez quinze sous de l'autre fois (A. France, Crainquebille, t. 6, 1904, p. 43).b) Vx. [Appellation employée par les nobles lorsqu'ils s'adressaient à des femmes n'appartenant pas à l'aristocratie] −«Mame» de Courtrai! s'écria M. de Brécé en entrant derrière le général, Comment va, chère «Mame»? (A. France, Anneau améth., 1899, p. 64). Prononc. et Orth.: [madam], plur. [me-]. Att. ds Ac. dep. 1694. ,,[Forme son] pluriel en faisant varier chacun des éléments composants comme s'il était isolé: mesdames (...) Dans l'usage familier, par ironie ou par badinage, on dit parfois: des madames (...) les belles madames ministérielles ``(Vogüé, Morts, 1899, p. 45)`` (Grev. 1964, § 291). Étymol. et Hist. 1. a) 1170 «titre donné aux dames nobles, épouses ou filles de grands seigneurs» (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4141, 4145, 4146); spéc. 1670 «sous Louis XIV, titre donné à la femme de Monsieur, frère du roi» (Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre); b) ca 1274 «titre donné à une femme mariée (ici une serve)» (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 659); c)1568 «titre donné aux femmes nobles dans la tragédie» (R. Garnier, Porcie, p. 35 ds IGLF); d) 1576 «titre (précédant la charge du mari) donné aux femmes de la bourgeoisie» (H. Estienne, Deux Dialogues du nouv. lang. françois-italianizé, éd. P. Ristelhuber, I, 275); e) 1644 «titre donné aux religieuses» (Voiture, Lettre à Madame l'abbesse [d'Yeres] ds
Œuvres, éd. M. A. Ubicini, I, 423); f) 1668 «la maîtresse de maison pour les domestiques» (La Fontaine, Fables, IV, 3); g) 1671 joüer à la Madame (Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, acte III, scène 12); 2.1660 «titre donné à toute femme qui est mariée ou a été mariée» (Id., Les Précieuses Ridicules, scène IX). Composé de ma (v. mon) et de dame*. Fréq. abs. littér.: 13991. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)23262, b) 28713; xxes.: a) 22144, b) 10946. Bbg. Darm. 1877, pp.125-126. _ Lew. 1968, pp. 117-118. _ Mack. t.2 1939, p.125. _ Quem. DDL t.5. _ Sain. Arg. 1972 [1907], p.130. |