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ASCÈSE, subst. fém.
MOR. Discipline que la volonté s'impose afin de tendre vers un idéal soit de perfection morale, soit de création artistique ou intellectuelle.
A.− [Dans le domaine de la vie morale et relig.] :
1. Les jugements que l'on porte sur la vie ascétique partent du même principe : l'ascète se sacrifie à l'inutile; donc il est absurde; ou si l'on essaye d'en faire l'apologie, ce sera uniquement par les services matériels qu'il a pu rendre accidentellement, sans songer que ces services n'étaient nullement son but et que ces travaux dont on lui fait honneur, il n'y attachait de valeur qu'en tant qu'ils servaient son ascèse. Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 86.
2. Mais par la nature même des actes qu'elle nous impose, l'ascèse bérullienne nous subordonne plus expressément, nous soumet plus entièrement, nous lie plus étroitement à la grâce divine, seule puissance qui ait prise sur le fond de notre être. Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3,1921, p. 150.
3. − Le conseil de l'homme est vanité, dit Pujolhac, avec l'aide de Dieu on fait des exploits. − La chose vient de Dieu, dit le notaire, nous ne pouvons te dire ni mal ni bien. Suivit une longue discussion sur les pouvoirs extraordinaires qu'obtiennent par l'ascèse et la concentration les yoghis de l'Inde. Pouvoirs de voyance, de guérison. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 221.
4. La révolution mondiale et les terribles sacrifices qu'elle suppose ne devaient apporter qu'un bienfait : « Empêcher que la précarité tout artificielle de la condition sociale ne voile la précarité réelle de la condition humaine ». Simplement, pour Breton, ce progrès était démesuré. Autant dire que la révolution devait être mise au service de l'ascèse intérieure par laquelle chaque homme peut transfigurer le réel en merveilleux, « revanche éclatante de l'imagination de l'homme ». Camus, L'Homme révolté,1951, p. 124.
B.− [Dans le domaine de la vie intellectuelle ou de la recherche philosophique] :
5. ... en lui-même le mouvement de pensée d'un Bergson n'est ni une ascèse, ni un mysticisme : il est la détente joyeuse et libératrice d'une suprême tension. S'il traduit la solitude la plus complète qui existe ici-bas, je veux dire celle de l'âme en ses profondeurs les plus inaccessibles, elle ne prétend pas et bien au contraire à ce que cette solitude lui constitue un privilège, à ce qu'elle lui soit particulière : Bergson nous redit sans cesse que cette vie est à la portée de chacun de nous à chaque instant : ... Du Bos, Journal,1922, p. 60.
6. III. − La spiritualité de l'esprit : Ainsi se dégage la signification essentielle du doute cartésien. C'est bien une méthode pour nous élever de la nature matérielle à la nature spirituelle ou, suivant la terminologie platonicienne, du monde sensible au monde intelligible; son rôle c'est d'abducere mentem a sensibus, pour reprendre l'expression si souvent employée dans les Lettres. Et telle est la raison profonde pour laquelle le doute est avant tout œuvre de volonté : c'est un exercice, une ascèse. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 86.
Rem. Ascèse est souvent synon. de ascétisme, mais désigne plutôt une disposition intérieure de la volonté, un mouvement de la pensée, l'ascétisme désignant soit la doctrine soit la manifestation de l'ascèse dans le comportement (v. ascétisme).
PRONONC. : [asε:z]. Harrap's 1963 donne la possibilité d'une prononc. avec [ss] géminées : as/s/- (à ce sujet, cf. ascendance1).
ÉTYMOL. ET HIST. − 1890, supra ex. 1. Empr. au gr. α ́ σ κ η σ ι ς « exercice, pratique » au sens gén. (d'un art, etc., Thucydide, 5, 67 ds Bailly) d'où l'emploi dans domaine relig., en lat. ascesis, -eos, Canon. Const., Migne, 56, 790 ds TLL s.v., 762, 7.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 150.
BBG. − Bouyer 1963. − Foi t. 1 1968. − Foulq.-St-Jean 1962. − Fries t. 1 1965. − Julia 1964. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Mar. Lex. 1933. − Miq. 1967. − Sexol. 1970.