VENT, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1050 « force du déplacement de l'air dans la navigation sur mer » (
Alexis, éd. Chr. Storey, 192); 1155
aval vent « sous le vent » (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 11236);
b) 1174-76
Deus li dona boen vent (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 4717);
ca 1225
avoir bon vent (
Histoire de Guillaume le maréchal, éd. P. Meyer, 1530); 1538
bon vent « faveur du peuple » (
Est.,
s.v. aura);
c) 1376
vent d'aval, vent d'amont (
Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 135, 9, 135, 13, t. 1, p. 301);
id. souz le vent (
ibid., 85, 22, t. 1, p. 164); dernier quart
xives.
venir au vent (
Froissart,
Chroniques, éd. S. Luce, t. II, p. 35);
d) ca 1445 fig.
avoir le vent en main de « être à même de choisir de » (
Pierre de Hauteville,
Confession et Testament de l'amant trespassé de deuil, éd. Bidler, 1543);
ca 1460
avoir le vent contraire « connaître l'infortune » (
L'Abuzé en court, éd. Dubuis, 68, 9); 1486
estre au-dessus du vent « être en bonne situation » (J.
Michel,
Passion, éd. O. Jodogne, 10647); 1492
avoir le vent en poupe « la fortune favorable » (
Martial d'Auvergne ds
La Curne);
e) 1529
vent en poupe (
Journal du voy. de J. Parmentier ds
Jal); 1636
vent en proue (
Monet); 1660
vent de terre (
Oudin Fr.-Esp.); 1718
vent debout (
Ac.); 1812
être vent dessus, vent dedans (
Mozin-
Biber);
f) 1828
id. « être en état d'ivresse » (ds
Esn.); 1883
avoir du vent dans les voiles «
id. » (
Delvau Suppl.);
2. a) 1176-81
ne savoir ne vent ne voie « odeur que le gibier laisse sur son passage » (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, éd. M. Roques, 3423); 1176-81 fig.
ne savoir ne vant ne voie (de qqn) « n'en avoir aucune trace » (
Id.,
Chevalier Charrete, 6383); 1316
n'oïr vent ne nouvelle (de qqn) « ne pas avoir de nouvelles de quelqu'un » (
Jehan Maillart,
Comte d'Anjou, éd. M. Roques, 6387);
ca 1382
oïr le vent (de qqc.) « en entendre parler » (
Cuvelier,
Chronique de Bertrand Du Gesclin, éd. E. Charrière, 15410); 1461
sentir le vent de, avoir vent de (qqc.). « avoir des nouvelles de quelque chose » (G.
Chastellain,
Chroniques, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 3, p. 170, ligne 14, et t. 4, p. 187, ligne 5);
b) 1858
vent du boulet (
Littré-
Robin); 1885
sentir le vent (de la balle) (
Maupass.,
Bel-Ami, p. 161); 1956
il a senti le vent du boulet (
Vialar,
Tournez, p. 17);
3. a) déb.
xiiies.
faire le vent (à qqn) « l'éventer » (
Prise d'Orange, éd. C. Régnier, AB 665);
xiiies.
li abat la ventaille pour le vent recueillir (
Merlin, éd. G. Paris et J. Ulrich, I, 183); 1306
avoir le vent « se rafraîchir » (
Joinville,
St Louis, éd. N. L. Corbett, 243, p. 133); 1530
se donner vent « s'éventer » (
Gay,
s.v. éventail);
b) ca 1215
herbergier au vent « loger à la belle étoile » (
Aymeri de Narbonne, éd. L. Demaison, 2040, t. 2, p. 87); 1690 (arbres)
à plein vent (
Fur.); 1834
théâtre en plein vent (
Béranger,
Turlupin ds
Littré);
c) 1306
quatre mestres venz (
Joinville,
op. cit., 39, p. 90);
ca 1480
les quatre ventz du ciel « les quatre points cardinaux » (
Guillaume Alexis,
Le passe-temps, 5054, éd. Piaget-Picot, II, 282); 1668
Les Vents « divinités subalternes de la mythologie, obéissant à Eole » (
La Fontaine,
Fables, L. IV, 2,
Le Berger et la mer ds
Œuvres, éd. J. Marnier, L'Intégrale, 1965, p. 96); 1685
être aux quatre vents (
Fur.); 1690
être logé aux quatre vents (
ibid., s.v. loger); 1721
ouvert aux quatre vents (
Montesquieu,
Lettres persanes, 45 ds
Œuvres, éd. D. Oster, L'Intégrale, 1964, p. 84);
d) ca 1340
cueillir vent « reprendre haleine » (
Roman de Perceforest, éd. Taylor, 9650); déb.
xves.
getter alaine et vent « respirer » (
Coudrette,
Roman de Melusine, éd. Roach, 4112);
e) ca 1393
traire une queue de vin sans luy donner vent (
Ménagier, II, 69 ds T.-L.);
ca 1459
donner vent à une bouteille trop plainne « la vider un peu » (A.
Greban,
Myst. de la passion, éd. O. Jodogne, 14316); 1549
bailler vent au vin (
Est.); 1690
bailler vent à un tonneau (
Fur.); 1701
donner vent à un tonneau (
ibid.);
f) 1510
Le vent coulys (P.
Gringore,
La Coqueluche, éd. A. de Montaiglon et Ch. d'Héricault, t. 1, p. 193); 1680
vent-coulis (
Rich.);
4. a) ca 1178
quel vent vous maine? « quel vent vous amène? » (
Renart, éd. Martin, XV, 516); 1448
Quel vent te mayne? « qu'est-ce qui te fait agir ainsi? » (G
. Chastellain,
Temps perdu, éd. Deschaux, 18); 1579
Quel vent vous pousse en ce quartier? (
Larivey,
Le Morfondu, éd. Viollet-le-Duc, I, 2); 1593
luy demande quel bon vent le menoit (R.
de Lucinge,
Dialogue du Français et du Savoysien, 107 ds
Quem. DDL t. 38); 1613
Quel bon vent vous amène? (S.
Bernard,
Tableau des actions du jeune gentilhomme, II, 24,
ibid., t. 19);
b) ca 1280
poi de plueve abat grand vent « se dit pour illustrer l'alternance rapide dans la vie humaine de la tristesse et de la joie » (
Rigomer, éd. Foerster et Breuer, 2524); 1694
petite pluye abbat grand vent (
Ac. : Une petite pluye fait cesser un grand
vent. Et fig. et prov. Un peu de douceur appaise souvent un grand emportement).
B. 1. a) Ca 1200
c'est uns venz « vanité, inanité » (
Poème moral, éd. W. Cloetta, 16);
ca 1225
li vens de mondaine folie (
Renclus de Molliens,
Carité, éd. van Hamel, CXXX, 8);
b) xiiies.
autant en porte le vent « c'est sans importance, sans conséquence » (
Blancandin, éd. H. Michelant, 748);
ca 1270
autant en emporte le vent (
Art d'Amours, éd. Roy, 4780 [ms. du
xves.]);
c) ca 1370
ne pas vivre de vent « ne pas vivre de l'air du temps » (
Jean le Fèvre,
Lamentations Matheolus Leesce, éd. van Hamel, IV, 526); 1680
du vent (
Rich.); 1685
vendre du vent et de la fumée « faire des promesses vaines » (
Fur.); 1888
faire du vent « se donner de l'importance » (
Villatte Parisismen);
d) 1467-1506
en vent de chemise « les plaisirs amoureux » (
Molinet,
Faictz et dictz, éd. N. Dupire, t. 2, p. 617, 25);
e) ca 1316
le vent est mué « la situation a changé » (
Geffroy de Paris,
Chronique métrique, éd. A. Diverrès, 328); 2
emoit.
xves.
tourner à tout vent (
Archives du Nord, B 1723, f
o27 ds
IGLF); 1685
tourner à tous les vents (
Fur.);
f) 1640
sçavoir de quel costé vient le vent (
Oudin Curiositez, p. 564); 1685
regarder de quel côté vient le vent « ne savoir où donner de la tête » (
Fur.); 1718
id. « observer le cours des événements pour y conformer sa conduite » (
Ac.); 1798
le vent tourne (
ibid.);
2. a) déb.
xiies. « le vent en tant que symbole de la rapidité, de la vitesse » (
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 906: Vers eals veint uns marins serpenz chi enchaced plus tost que
venz); 1216 (courir)
comme vent (
Guillaume le Clerc,
Fergus, 169 ds T.-L.); 1552
plus vite que le vent (
Est.); 1594
fendre l'air et le vent (
Satyre Menippee, éd. E. Tricotel, p. 28);
b) av. 1529
coup de vent (J.
Parmentier,
Œuvres poétiques, 106 ds
Quem. DDL t. 21); 1856
partir comme un coup de vent (
Labiche,
loc. cit.); 1872
coiffé en coup de vent (
Littré); 1872
partir en coup de vent (
Journ. amusant, 10 août ds
Littré Suppl. 1877); 1893
entrer en coup de vent (
Zola,
DrPascal, p. 353);
c) 1832
ce vent qui décornerait les bœufs (A.
Jal,
Scènes de la vie maritime, II, p. 90 ds
Quem. DDL t. 19); 1885
un vent à décorner les bœufs (
Le Triboulet, 15 mars, p. 110,
ibid., t. 17);
3. 1896
Du vent! « Dehors! allez-vous en! » (
Courteline,
loc. cit.); 1909
Bon vent! « bon débarras! » (
Musette,
Cagayous lutte, p. 10); 1964
station (de radio) dans le vent (
Le Monde, 25 juin ds
Gilb. 1980); 1964 (en parlant de qqn)
(être) dans le vent « (être) à la mode, dans le coup » (
L'Express, loc. cit.).
C. 1. a) 1680
arquebuse à vent (
Rich.); 1701 « différence de diamètre entre le projectile et l'âme de l'arme qui le lance » (
Fur.); 1743
fusil à vent (ds
Encyclop., 1751,
s.v. arquebuse);
b) 1685
instrument à vent (
Fur.);
2. 1680 « gaz intestinal » (
Rich.). Du lat.
ventus « vent », « flatuosités », « tendances, influences, courant d'opinion », « la bonne ou mauvaise fortune »; pour une hist. détaillée du mot
vent, cf. G.
Roques,
Le Vent dans les locutions et expressions médiévales françaises ds
Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 25 n
o1, p. 181 à 206.