VACHE, subst. fém. et adj.
Étymol. et Hist. I. A. 1. Ca 1130 « femelle reproductrice de l'espèce bovine » (
Lois de Guillaume le Conquérant, éd. J. E. Matzke, p. 6,5);
ca 1290
vake laitiere, v.
laitier; 1606 au fig.
vaches a laict (
Du Villars,
Mém., II, an 1551 ds
Gdf. Compl.); d'où
a) loc.
α) xves.
pleurer comme une vache (
Le Grant garde derriere, X, 3 ds
IGLF); 1610
manger de la vache enragée (
Béroalde de Verville,
Le Moyen de parvenir, éd. H. Moreau et A. Tournon, p. 186); 1640
parler François comme une Vache Espagnolle (
Oudin Curiositez);
id. sorcier comme une vache, v.
sorcier [
cf. 1736,
Marivaux,
Le Télémaque travesti, p. 344: il n'y a point d'autres sorciers au monde que les
vaches espagnoles]; 1690
quand chacun se mesle de son mestier, les vaches sont bien gardees (
Fur.); 1833
aller comme un tablier à une vache (
Vidal,
Delmart,
Caserne, p. 250); 1876
il pleut comme vache qui pisse, v.
pisser; id. une vache n'y retrouverait pas son veau (
Lar. 19e);
β) 1690 allusion biblique (
Fur.: le songe de Joseph fut la vision de sept
vaches grasses, et de sept
vaches maigres); 1897
connaître les sept vaches maigres et les sept vaches grasses (
France,
Mannequin, p. 236);
b) 1534
poil de vache « couleur rousse » (
Rabelais,
Gargantua, XI, éd. R. Calder, p. 83); 1694
roux comme une vache, roux de vache (
Ac.);
c) 1548
plancher des vaches, v.
plancher; 1902
montagne à vache (
Écho des Alpes, n
o1, p. 38 ds
Quem.
DDL t. 27); d'où 1928
à vache « ridiculement facile (en parlant d'une course en montagne) » (
La Montagne, n
o212, mai, p. 166,
ibid.);
d) α) bot. 1557
blé de vache (L'Escluse d'apr.
Roll. Flore t. 8, p. 161); 1732
herbe aux vaches (
Nouv. maison rustique t. 1, p. 309); 1801
chou-vache (
Annales de l'agriculture fr., IX, p. 96 ds
Quem. DDL t. 21); 1840
arbre-vache (A.
Joanne et
Old Nick, trad.:
Cooley,
Hist. gén. des voy., p. 225,
ibid., t. 15);
β
) zool. 1558
vache de mer (L.
Joubert, trad. de G.
Rondelet,
Histoire entière des poissons d'apr.
FEW t. 14, p. 102a); 1615
vache marine (A.
de Montchrestien,
Traicté Œconomie politique, p. 325);
2. a) 1285 « cuir fait avec la peau de la vache » (
Rutebeuf,
Les Plaies du monde ds
Œuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 380, 72: vint paire de sollers de
vache);
b) 1781 « panier revêtu de cuir, qu'on plaçait sur les voitures de voyage » (
Carmontelle,
L'Uniforme de campagne, in
Recueil gén. des proverbes dramatiques, VI, p. 250 ds
Quem. DDL t. 25);
3. empl. techn.
a) 1491
vacque « sorte de grue » (
Compte des fortifications,
16eSomme de mises, Arch. Tournai ds
Gdf.); 1590 « nom d'une pièce du canon » (
Brantôme,
Cap. fr., 144 [éd. 1666] ds
La Curne); 1690 terme d'imprimeur « cordes qui arrêtent le train de la presse » (
Fur.); 1751 terme de chasse
vache artificielle « machine de la forme d'une vache qui sert à la chasse aux perdrix » (
Dict. universel d'agriculture et de jardinage d'apr.
FEW t. 14, p. 102b); 1872 terme de métall. « branloire d'un soufflet » (
Littré); d'où 1878
tirer la vache (
Rigaud,
Dict. jargon paris., p. 340); 1933 « déchet provenant d'un morceau de bois » (
Lar. 20e);
b) 1859 terme de mar.
joues ou demi-joues de vache « demi-caisses de poulies »
(
Bonn.-
Paris);
id. nœuds de vache « nœud plat que l'on utilise pour réunir deux filins qui doivent être facilement dénoués » (
ibid.); 1867
côtes de vache « travaux que l'on place sous les entretoises pour faciliter le hourdis du plancher » (Ch.
Garnier,
Monit. univ., 10 août, p. 1093, 2
ecol. ds
Littré); 1881
corne de vache « voussure employée pour évaser l'ouverture d'un tunnel ou d'une arche de pont » (
Chabat);
4. a) 1589 terme de danse
ru de vache (
Tabourot,
Orchesographie, f
o46c ds
Gdf.,
s.v. ru);
b) 1694 terme de manège
ruer en vache (
Ac.);
5. 1605
vache à colas « protestant » (L'
Estoile,
Journal, éd. A. Martin, sept., p. 172).
B. 1. a) 1619 « femme grasse et laide » (Claude
d'Esternod,
L'Espadon satyrique, p. 73);
b) 1866 « femme ou fille de mauvaises mœurs » (
Delvau, p. 391);
2. a) 1690 « personne lâche, fainéante, poltronne » (
Fur.);
b) 1866 « homme sans courage, avachi » (
Delvau, p. 391); 1877
faire la vache « paresser » (
Zola,
Assommoir, p. 489);
3. 1844 « agent de police »
mort aux vaches (
Documents litt., II, 203 d'apr.
Sain. Sources Arg. t. 2, p. 464);
4. 1891 exclam.
la vache (
Méténier,
Lutte pour amour, p. 187);
5. 1900 « personne méchante » (
Mirbeau,
Journal femme ch., p. 90); 1901
agir en vache (
Bruant, p. 312).
II. Empl. adj.
1. 1866 « mou, sans consistance » (
Flaub.,
Corresp., p. 231); d'où 1887
faire vache « faire chaud » (
Hogier-
Grison,
Monde où l'on vole, p. 296);
2. 1880 « méchant, sévère » (d'apr.
Esn. 1966); 1881 (
Méténier,
op. cit., p. 92);
3. 1925 « admirable » (Arts d'apr.
Esn. 1966). Du lat.
vacca « vache ». Pour l'orig. de I A 5 c
vache à colas, on se réfère habituellement à l'anecdote rapportée par L'Estoile dans son
Journal, loc. cit., selon laquelle les Huguenots avaient tué et mangé une vache d'un nommé Colas Panier, égarée dans un temple protestant; ce qui donna naissance à la
Chanson de Colas, et au sobriquet
vache à Colas que catholiques et protestants s'appliquèrent mutuellement, mais qui, en définitive qualifia ces derniers (v.
Littré,
s.v. vache;
FEW t. 7, p. 111,
s.v. Nicolaus). La loc.
parler comme une vache espagnole est peut-être favorisée par le bétacisme gasc. et esp. (
b et
v sont prononcés
v entre voy. et
b à l'init. après cons.) d'où corruption de
basque* (du lat.
vasco): le fait que les Basques se partagent entre l'Espagne et la France et la présence à Paris au
xviies. de valets basques aurait entraîné la loc.
parler français comme un ou une Basque espagnol(e) (v.
Littré,
s.v. vache;
FEW t. 14, p. 105, note 4; K.
Baldinger,
Influence de la langue sur la pensée ds
R. Ling. rom. t. 37, p. 251).