TROU, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. 1176-81
tro « ouverture au travers d'un corps ou qui y pénètre à une certaine profondeur »
tex tros i font (
Chrétien de Troyes,
Chevalier Lion, éd. M. Roques, 5578);
ca 1274
trou de tarere (
Adenet le Roi,
Berte, éd. A. Henry, 2255); en partic.
a) ca 1220
un trou d'aguille trespasser (
Gui de Cambrai,
Barlaam et Josaphat, 3303 ds T.-L.);
ca 1225
treu d'aguille (
Gautier de Coinci,
Mir. Vierge, éd. V.-Fr. Koenig, II Dout. 34);
b) 1547
le trou de l'huys (M.
de Navarre,
Nativité, 750 ds
IGLF M.-A.); 1732
le trou de la serrure (
Lesage,
Aventures du chevalier de Beau chesne, p. 282);
c) α) 1558
le trou au chat « chatière » (B.
Des Periers,
Nouvelles Récréations et joyeux devis, éd. Kr. Kasprzyk, 68, p. 251); 1890
trou du chat «
id. » (
Havard);
β) 1831
trou du chat mar. (
Will.);
d) 1800
trou du souffleur (C. G..., D. T... et
Bonnin,
Deux et deux font quatre, p. 23 [Huguelet] ds
Quem. DDL t. 21);
2. a) ca 1225 « déchirure accidentelle de la peau et des tissus, plaie béante et profonde »
plainne de treuz et de plaies (
Gautier de Coinci,
op. cit., II
Mir. 25, 55);
xiiies. [ms.]
trous (
La Chevalerie Vivien, éd. A. L. Terracher, 1668);
b) ca 1279
tro « solution de continuité produite involontairement (du fait de l'usure, d'une brûlure, etc) » (
Adenet le Roi,
op. cit., 830);
3. a) 1314 anat.
trou du cul (
Henri de Mondeville,
Chirurgie, 517 ds T.-L.: Anus est le
trou du cul); 1867 arg.
trou du cul « imbécile » (
Delvau, p. 487);
b) 1861 arg.
trou de balle « anus » (
Larch., p. 260);
c) 1922 anat.
les trous de son nez (
Duhamel,
Notaire Havre, p. 76); 1839
le trou des naseaux (
Toepffer,
Nouv. genev., p. 474);
4. a) 1862 « percée »
faire un trou dans l'ennemi (
Hugo,
Misér., t. 1, p. 376); d'où 1905 sports « défaut de la défense qui livre un passage à l'adversaire »
un trou dans la défense (
L'Auto, 6 nov. ds
Petiot 1982);
b) 1936
id. faire le trou « (d'un coureur) s'échapper du peloton et creuser rapidement l'écart entre soi et ses poursuivants » (
ibid., 4 déc.,
ibid.).
B. 1. Déb.
xiiies.
trau « cavité naturelle ou creusée servant d'abri à l'homme ou à l'animal » ici proverbe (
Ignaure, éd. R. Lejeune, 373: Soris ki n'a c'un
trau poi dure); 1532
trou de taulpe (
Rabelais,
Pantagruel, IX bis, éd. V.-L. Saulnier, p. 68, ligne 348); d'où 1833 fig.
faire son trou « se faire une situation tranquille et aisée » (
Balzac,
Méd. camp., p. 92);
2. ca 1210 « cavité creusée dans un corps ou une surface » (
Dolopathos, 191 ds T.-L.); d'où expr.
a) 1640
avoir un trou sous le nez « être gourmand » (
Oudin Ital.-Fr.); 1844 « boire énormément, être grand buveur » (
Catéchisme poissard ds
Larch. 1872, p. 230);
b) 1651
boire en trou «
id. » (
Scarron,
Virgile, VI, 253b ds
Richardson, p. 271); 1650-86
boire comme un trou (
Chapelle et
Bachaumont,
Œuvres, publ. par Lefebvre de Saint-Marc, La Haye-Paris, 1755, p. 191);
c) 1880
trou d'eau (
Zola,
Nana, p. 1235);
d) 1914
trou d'air (
Lar. mens., août, III, p. 498a ds
Quem. DDL t. 16);
3. a) 1592 « demeure dont on veut indiquer la petitesse, l'étroitesse »
des petits trous et chambrettes (
Du bonheur de la Cour et vraye félicité de l'homme, p. 22 ds
Havard);
b) 1680 « petite ville » (
Rich.);
4. 1725 « prison » (
Grandval,
Le Vice puni, chant XII, Paris, Pierre Prault, 1726, p. 96: Tu me laisses pourrir dans cet infâme
trou); 1849 «
id. » (
Jargon de l'arg. réformé ds
Sain. Sources Arg. t. 1, p. 217);
5. 1831 « fosse creusée pour enterrer un mort »
le trou des pauvres (
Balzac,
Peau chagr., p. 111) [1783
un trou à mettre les morts (
Marivaux,
Arlequin poli par amour, p. 70)];
6. 1895 golf (
Le Vélo, 5 nov. ds
Petiot 1982: l'ensemble des
trous ou holes).
C. 1. 1640 « dette, perte d'argent, déficit financier »
desboucher un Trou pour en boucher un autre (
Oudin Ital.-Fr.);
2. a) 1757 peint. « parties sombres d'un tableau »
faire trou (
Pernety,
Dict. portatif de peint., p. 545);
b) 1767
id. « vide laissé mal à propos dans une composition » (
Diderot,
Le Salon de 1767 ds
Œuvres, éd. J. A. Naigeon, t. 14, p. 128);
3. a) 1862 « lacune préjudiciable, manque » (
Hugo,
Misér., t. 2, p. 620: il y avait dans sa mémoire un
trou); 1936
des trous de mémoire (
Montherl.,
Pitié femmes, p. 1206);
b) 1871 « élément qui manque dans un ensemble »
cet énorme trou dans notre correspondance (
Flaub.,
Corresp., p. 230);
4. 1872 « (dans une œuvre théâtrale...) moment où l'intérêt fléchit » (
Littré);
5. 1973 astron.
trou noir (
Astron. [1868,
Verne,
Enf. cap. Grant, t. 1, p. 237: Ce «
trou noir » où semble manquer absolument la matière stellaire]). D'un lat. pop. *
traucum « trou » att. dans la
Lex Ripuaria (
viiies.) sous la forme
traugum; mots qui appartiennent au gallo-rom. et cat. (
cf. a. prov.
trauc « trou, ouverture », fin
xiie-déb.
xiiies.,
Lemoine de Montaudon,
Autra vetz ds
Rayn.;
traucar « trouer » 1194
traucar escutz « percer les boucliers »,
Bertran de Born,
Œuvres, éd. G. Gouiran, 36, 22; cat.
trauc « trou, boutonnière » ds
Alc.-
Moll.); prob. d'orig. gaul. Mais les autres lang. celt. n'offrent pas de forme analogue et l'on peut supposer que les Gaulois ont reçu ce mot d'une lang. parlée en Gaule avant leur arrivée. Dans l'Est et le Sud-Est, le type
pertuis (v.
percer) est plus largement utilisé, v.
FEW t. 13, 2, p. 232a.