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TÊTE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. « Partie supérieure du corps de l'homme » 1. tête comme partie du corps, considérée d'un point de vue global a) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 264: Li serf sum pedre [...], Lur lavadures li getent sur la teste); b) ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1956: Trenchet la teste; 2101: En la teste ad e dulor e grant mal; 3727: Desur les espalles ad la teste clinee); c) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5674: ne tint mie la teste basse, ne fist pas sanblant de coart); d) 1341 à propos de la représentation d'un être humain (Guillaume de Machaut, Remède de Fortune, éd. E. Hoepffner, t. 2, p. 37; Nabugodonosor figure Qu'il vit en songe une estature Grande et haute qui la figure Horrible avoit, Et la teste d'or riche et pure); 2. cette partie du corps, considérée comme siège de la pensée, de la raison, des sentiments, de la mémoire, des organes des sens a) ca 1100 (Roland, 2011: Ansdouz les oilz en la teste li turnent, L'oïe pert e la veüe tute); b) 1160-74 perdre la teste « s'embrouiller » (Wace, Rou, éd. A.-J. Holden, 6241); c) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 2581: Li quex est ce, savoir le vuel, qui tant a folie et orguel, et de cervel la teste vuide, qu'an cest païs vient...?); d) 1176-81 (Id., Yvain, éd. M. Roques, 2945: La dame dist: Or n'aiez soing, que certes [...] li osterons nos de la teste tote la rage et la tempeste); e) 1249 (Rutebeuf, Cordeliers, 80, éd. E. Faral, t. 1, p. 236: Nos ressemblons la taupe, qui erre soz la mote: Nos avons euz es testes, et si n'en veons gote); f) 1263-65 teste fole (Id., Jacobins, p. 325); g) 1376 ouvrer de sa teste « faire ce qu'on veut » (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 1, 15); puis 1461 faire à sa teste (Jean du Bueil, Jouvencel, éd. Lecestre, t. 1, p. 70); h) 1376 avoir en teste (qqc.) « s'en souvenir » (Modus et Ratio, 74, 75); i) fin xives. avoir trop chaude teste « s'emporter facilement » (Froissart, Chron., éd. L. et A. Mirot, t. 13, p. 111); j) fin xives. (Id., ibid., éd. G. T. Diller, p. 189: [les Englés] n'entendent point bien tous les termes dou langage de France; ne on ne lor scet conment bouter en la teste); k) fin xves. laver la teste (à qqn) « réprimander fortement » (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 3, p. 253); l) mil. xvies. chanter a plaine teste (Mellin de Sainct-Gellais, Œuvres, éd. P. Blanchemain, t. 1, p. 274), v. tue-tête; m) α) 1580 teste bien faicte (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 150); β) 1751 examiner (qqc.) à tête reposée (Prévost, Lettres anglaises, t. 1, p. 124); n) α) 1756 (Batteux, Les Beaux-Arts, p. 23: [La Poësie] n'est tenue qu'au vraisemblable; elle invente, elle imagine à son gré; elle peint de tête); β) 1766 (Voltaire, Le Philosophe ignorant, p. 883: faire de tête et sans papier une division de quinze chiffres); o) 1763 avec toute sa tête (en parlant d'un vieillard) (Barbier, Journal, t. 8, p. 107); 3. en réf. aux cheveux, au visage, au crâne a) ca 1100 (Roland, 2931: Sa barbe blanche cumencet [Charles] a detraire, Ad ambes mains les chevels de sa teste); b) 1176-81 la teste nue (Chrétien de Troyes, Yvain, 5648); c) 1385 à propos de l'expression du visage (E. Deschamps, Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, t. 9, p. 109: sa teste faire et atourner); d) α) 1400 (Nicolas de Baye, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 292: et [...] estoit si elevé que [...] n'ostast son chaperon de sa teste, non pas devent le Roy); β) 1585 se tenir teste decouverte en presence de (qqn) (Montaigne, op. cit., I, 36, p. 227); 4. tête pris pour vie de quelqu'un a) ca 1100 (Roland, 935: Se trois Rollant, n'en porterat la teste); b) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5863: par ma teste); c) ca 1170 (Id., ibid., 5468: onques nus [...] n'i leissast la teste an gage); d) 1174-76 (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2725: Pur les dreiz sa mere [la sainte mere iglise] a li fiz sa teste mise); e) fin xives. (Froissart, Chron., éd. S. Luce, t. 5, p. 57: leur commandèrent, de par le prince et sus le teste, que...); f) 1659 mettre la teste (de qqn) à prix (Boisrobert, Epistres, éd. M. Cauchie, t. 2, p. 127); 5. en réf. à la mesure d'une tête 1176-81 (Chrétien de Troyes, Yvain, 522: Li chevaliers [...] fu sanz dote plus granz de moi la teste tote); 6. en réf. aux extrémités du corps a) 1176-81 (Id., Chevalier Charrette, 2570: Cil [un chevalier] des les piez jusqu'a la teste, sist toz armez, sor son destrier); b) 1507-08 plonger la teste premiere (D'Amerval, Diablerie, éd. Ch.-Fr. Ward, 146b); 7. tête pris pour la personne entière a) ca 1275 (Adenet le Roi, Buevon de Conmarchis, éd. A. Henry, 1239: Secorre nous venront a mainte teste armee); b) 1283 (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 226: il se departent par testes autant a l'un comme a l'autre); c) fin xives. (Froissart, Chron., éd. G. Raynaud, t. 10, p. 217: et il i a tels trente mille testes en ceste ville qui ne mengièrent de pain, passet a quinse jours); d) 1461 (Jean du Bueil, Jouvencel, t. 2, p. 233: Et aussi est-il à penser que plusieurs testes congnoissent plus que une ou que deux); e) 1644 testes couronnees (G. de Scudéry, Arminius, p. 44); f) 1686 (Dangeau, Journal, p. 209: elle a feit mettre sur la tête du Duc de Richemond, son fils, les 3000 pieces de rente qu'elle avoit); g) 1789 têtes exaltées (Le Moniteur, t. 2, p. 401); 8. en réf. à la position de la tête par rapport à l'ensemble du corps, notion de position première, avec, éventuellement surajoutée, notion de commandement ou de supériorité a) 1580 loc. (Montaigne, op. cit., II, 17, p. 640: voir à la teste d'un trouppe marcher un chef de belle et riche taille), v. chef; b) 1790 « personne qui dirige un groupe, un mouvement ou un corps constitué » (Le Moniteur, t. 3, p. 27); c) 1885 tête de liste (L'Illustration, 22 août, p. 119c ds Quem. DDL t. 17); d) 1905 sports tête de série (L'Auto, 17 févr. ds Petiot 1982); e) 1941 tête d'affiche (L'Œuvre, 7 mars); 9. en loc. a) α) 1remoit. xiiies. teste a teste « l'un près de l'autre » (Guillaume de Palerme, 4905 ds T.-L.), rare en a. m. fr.; β) 1549 id. « seul à seul (dans un affrontement) » (Amyot, Vies, Alex. le Grand ds Gdf. Compl.); γ) 1549 parler teste a teste ou priveement (Est.); b) α) 1424 rompre sa teste (A. Chartier, Poetical works, éd. J. C. Laidlaw, p. 308); β) 1549 rompre la teste, avoir la teste rompue (Est.); γ) 1606 casser et rompre la teste à qqn (Nicot); c) 1611 ne savoir ou donner de la teste (Cotgr.); d) α) 1666 jeter (qqc.) à la tête de (qqn) (Molière, Misanthrope, III, 5); β) 1671 en parlant d'une femme se jeter à la tête (d'un homme) (Id., Psyché, I, 1). B. P. anal. empl. à propos d'animaux ou de non-animés « partie antérieure ou supérieure » 1. a) ca 1100 (Roland, 2490: A lur chevals unt toleites les seles, Les freins a or e metent jus des testes); b) ca 1180 « ramure d'un cerf » (Hue de Rotelande, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 716); c) déb. xves. fromage de teste de sanglier (Taillevent, Viandier, p. 63); 2. a) xiiies. (Li establissement des mestiers de Paris ds E. Boileau, Métiers, éd. Lespinasse et Bonnardot, p. 272: aigrun [désigne l'ensemble des aux, oignons, cives, échalottes...] sans teste); b) 1560 « couronne d'un arbre » (v. Poppe, p. 201); c) 1636 (Monet: le chou fait Téte); 3. a) 1327 (Palgrave, The Antient kalendars and inventories..., t. 3, comptes français, p. 191: une teste d'une croice pour Evesque d'argent surorre); b) xves. teste de clou (Ordonnances relatives aux Métiers de Paris ds Reglemens sur les arts et metiers de Paris, éd. G. B. Depping, p. 371); c) 1489 (Mém. Archeol. Touraine, t. 23, p. 198: chevilles de fert a teste et a goupille); d) 1560 « sommet d'une montagne » (Ronsard, Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 3, p. 70 [var. de feste]); e) 1563 (B. Palissy, Recepte, éd. K. Cameron, p. 129: testes des chapiteaux de colomne); f) 1579 (Larivey, Advertissement ds Anc. Théâtre fr., éd. Viollet Le Duc, t. 5, p. 5: en teste de quelques lignes); g) 1575 « extrémité d'un os » (Paré, Œuvres, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 325); h) 1694 mar. « le ou les premier(s) vaisseau(x) d'une ligne de bataille » (Rapport de J. Bart ds Jal1); i) 1740 (Ac.: on appelle Têtes de vin les premières cuvées des meilleurs vins de Champagne et de Bourgogne); j) 1751 tête à perruque (Crebillon fils, Quel conte, p. 290); k) 1782 jeux « cartes à jouer, représentant les dames, valets et rois » (Encyclop. méthod. Mécan. t. 1, p. 480); 4. loc. 1855 (en parlant d'un cheval) gagner d'une tête (Le Sport, 12 avr. ds Petiot 1982). Du lat. testa littéral. « objet en terre cuite; pot, vase; brique, tuile » d'où « coquille, carapace (des crustacés), v. têt1» (v. OLD), qui a pris à basse époque le sens de « crâne » (att. aux ive-ves., v. Souter Later Latin) d'où le sens de « tête » att. seulement au xes. (dans les gl., mais prob. ant., v. FEW t. 13, 1, p. 281). On admet gén. que testa a été employé dans la lang. pop. à côté de caput, réservé à un niveau de lang. plus élevé, mais le manque d'attest. de testa ne permet pas de trancher la question. Les représentants des 2 mots ont vécu, parallèlement, en France et en Italie pendant plusieurs s. (v. FEW, loc. cit.). Th. D. Crevens (Cross-Language Evidence in Etymology ds Neuphilol. Mitt. t. 83, 1, pp. 53-61) examine les différentes explications justifiant le recours à testa et son passage au sens de « tête »: elles n'apportent pas d'élément décisif pour rejeter l'hyp. de la métaph. (anal. de forme), de laquelle on peut rapprocher l'utilisation dans de nombreuses lang., de noms d'objets usuels, de forme arrondie et gén. creux, pour désigner la tête (parallèles au fr. pop. balle1ou cafetière). Chef et tête étant en partie synon. au Moy. Age, on a cherché à préciser leurs aires d'empl. respectives: P. Le Gentil a conclu à une différence styl. dans la Chanson de Roland (chef serait un mot de valeur gén., dénotant un caractère de « noblesse et grandeur » ou empl. pour désigner la partie supérieure de la tête, tandis que tête, gardant qqc. de sa lointaine orig. pop., aurait une valeur expr., pittoresque), v. Romania t. 71, pp. 49-65; A. Stefenelli reprend en partie les distinctions établies par P. Le Gentil et met en évidence des faits de stéréotypie (p. ex. pour tenir le chief enclin, ou embrunc) ou de prosodie dans qq. textes poét. des xiie-xiiies. (v. A. Stefenelli, Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache, pp. 104-109). L'analyse des attest. a. et m. fr. de la docum. permet de préciser: chef et tête fonctionnent comme quasi-synon. dans des cont. où est exprimée une notion de « tête » soit: - au sens global, comme partie du corps (douleur de tête/de chef), qui est à une position extrême (de la tête/du chef aux pieds) et porte les organes de la vue et de l'ouïe (les yeux du chef/de la tête); - au sens de « partie supérieure de la tête, celle qui porte des cheveux » (tête hérissée, blonde... un cheveu de sa tête/son chef) qui peut recevoir une coiffure (heaume, chapeau, couronne...); - soit en réf. à l'attitude (hocher, baisser le chef ou la tête); - soit comme « partie vitale, vie » (fendre, trancher, perdre le chef ou la tête; jurer sur sa tête, cf. les formules de serments par mon chef, par ma tête; également avec métaph. comme dans tête/chef et membres du corps de l'Église); - soit pour les animaux. Mais dans les cont. où l'on réfère à des notions telles que l'intelligence et la raison, l'affectivité ou la mémoire (supra A 2 c, d, e, f, g, h, i, j) c'est le mot tête qui est empl., et ce, de manière régulière, indépendamment du genre des textes ou des particularités styl. individuelles.