SAUTER, verbe
Étymol. et Hist. I. Verbe intrans.
A. 1. a) 1181-90 « s'élancer en l'air, soit pour retomber au même endroit, soit pour franchir un espace » (
Chrétien de Troyes,
Graal, éd. F. Lecoy, 8261);
b) ca 1480 « exécuter une certaine sorte de saut comme exercice acrobatique » (
G. Coquillart,
Monologue du Puys, 70, éd. M. J. Freeman, p. 304);
c) 1538 « danser » (
Est.);
d) 1678 man.
sauter de ferme à ferme (
Guillet, 1
repart., p. 115,
s.v. ferme); 1765
sauter entre les piliers (
Encyclop.); 1855
sauter un obstacle (
Le Sport, 29 mars ds
Petiot 1982);
e) 1909 gymn.
sauter en longueur (
L'Auto-vélo, 29 mars,
ibid.);
2. a) fin
xives. « s'élancer vivement d'un endroit à un autre » (
Froissart,
Chroniques, éd. L. Mirot, t. 12, pp. 178-179);
b) av. 1506
sauter sur qqn « attaquer » (
Fenin, 1417 ds
Littré); 1538
sauter au col à qqn (
Est.); 1549
sauter au col de qqn (
ibid.); 1548
sauter au colet de qqn (
N. Du Fail,
Baliverneries d'Eutrapel, éd. G. Milin, 24, 331); 1604
sauter à la gorge de qqn (
Montchrestien,
Les Lacènes, p. 183 ds
IGLF); 1651
sauter aux yeux de qqn (
Scarron,
Roman comique, II, 7 ds
Littré);
3. a) α) xves. « passer sans transition d'un sujet à un autre »
sauter du coq à l'asne, v.
coq*;
β) 1660 « passer brusquement d'un endroit à un autre » (
Molière,
Les Précieuses, préf.); spéc. 1694 « passer d'une place inférieure à une place plus élevée sans passer par celle du milieu » (
Ac.);
b) mus.
α) 1705 chant (
Brossart, p. 100: en
Sautant. C'est quand le Chant ne va point par
degrez conjoints, ou quand entre chaque Notte il y a Intervalle);
β) 1768 instrument à vent (
Rousseau, p. 423: On fait
sauter le Ton);
4. 1579 « manifester de façon apparente ce qu'on éprouve »
sauter d'allegresse (
R. Garnier,
La Troade, 329, II, p. 93 ds
IGLF); 1784
sauter aux solives (
Diderot,
Est-il bon? Est-il méchant? p. 255); 1808
sauter au plancher (
Hautel); 1851
sauter au plafond (
Dumas père,
Ctede Morcerf, I, 2, p. 25);
5. a) 1732 « détruire, tuer par une explosion » (
Lesage,
Aventures du Chevalier de Beauchêne, p. 125: allions mettre devant lui le feu à notre prise, et faire
sauter avec elle soixante hommes);
b) 1800 « perdre sa place » (
Lemercier,
Pinto, II, 12, p. 70: Les Bragance, les Villarial, les Aveiro
sauteront et leurs partisans iront travailler aux mines); 1876 « faire faillite » (
Zola,
E. Rougon, p. 17);
c) empl. pronom. 1833
se faire sauter (
Musset,
Rolla, p. 7);
6. 1839 fig. « saisir avec empressement ce qui se présente » (
Balzac,
Corresp., p. 584: je
saute sur votre offre).
B. 1. a) 1530 « être animé par un mouvement brusque, saccadé » (
Marot, IV, 65 ds
Littré); 1579 fig. (
Larivey,
Morfondu, I, 2 ds
IGLF: le cœur me
saute d'allegresse);
b) 1870 mar.
sauter sur la lame (
Littré);
2. a) 1580 « voler en éclats; exploser » (
B. Palissy,
Disc. adm., p. 188 ds
IGLF: le feu, l'aër et l'eau n'eussent ils pas [...] fait
sauter a dextre et a senestre les canaux et voutes, par lesquelles lesdites eaux passent); 1587
faire sauter (
Lanoue,
Disc., p. 602 ds
Gdf. Compl.);
b) 1680
faire sauter la cervelle à qqn (
Rich.,
s.v. cervelle); 1833
faire sauter le caisson (
Borel,
Champavert, p. 217);
3. a) 1580 « être projeté avec plus ou moins de force hors de son emplacement » (
B. Palissy,
op. cit., p. 386: les esclats desdits cailloux
sautoient contre ma besongne, l'esmail [...] print lesdits cailloux);
b) 1614
faire sauter la teste a qqn (
Brantome,
Grant capit., I, XXVII, Œuvres, II, 161 ds
Gdf. Compl.); 1694
faire sauter un œil (
Ac.);
c) jeu 1721 billard
faire sauter une bille (
Trév.); 1834 cartes
faire sauter la coupe (
Land.);
d) 1735
faire sauter la serrure (
Mouhy,
La Paysanne parvenue, t. 2, p. 310); 1824
faire sauter la porte (
Balzac,
Annette, t. 3, p. 32);
4. a) 1663
sauter aux yeux « être manifeste » (
Molière,
L'Impromptu, 1);
b) 1690, 5 févr.
id. « frapper la vue tout à coup » (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 830);
5. 1678 mar. « changer brusquement de direction en parlant du vent » (
Guillet, 3
epart.);
6. 1690
faire sauter un mauvais lieu « fermer » (
Fur.);
7. 1740 jeu
faire sauter la banque (
J. de Varenne,
Mémoires du Chevalier de Ravanne, t. 1, p. 203);
8. 1767 cuis.
faire sauter un mets (
Dict. portatif de cuis.);
9. 1912
et que cela saute! (d'apr.
Esn. 1966).
C. 1617
faire sauter « voler, dérober » (
D'Aubigné,
Faeneste, III, 1 ds
Gdf. Compl.).
II. Verbe trans.
1. fin
xves. « franchir en se lançant en l'air »
sauter ung sault (
Galien rethoré,
Koschwitz,
Sechs Bearbeit. von Karls des Grossen Reise, p. 122,
ibid.); 1622
sauter les murailles (
Caquets de l'Accouchée, 2ejournée, II, 90 ds
IGLF); 1694
sauter les fenêtres (
Ac.); au fig.
a) 1611
saulter le baston (
Cotgr.);
b) 1716 « prendre un parti hasardeux après avoir beaucoup hésité » (
Destouches,
Triple Mariage, 578 ds
IGLF);
c) 1789
sauter le pas « mourir » (
Harangue des dames de la Halle, aux citoyens du fauxbourg Saint-Antoine, p. 4 ds
Quem. DDL t. 32);
2. a) 1636 « omettre quelque chose en lisant » (
Monet);
b) 1690 « passer un degré dans une série » (
Fur.);
c) 1916
la sauter « se passer de nourriture » (
Fantasio, 15, 10 ds
Esn. Poilu 1919, p. 315);
3. a) 1765 « couvrir une jument (en parlant d'un étalon) » (
Encyclop.);
b) 1922
sauter une femme (
A. Dauzat ds
R. Philol. fr., p. 169);
4. 1772 pêche
sauter un baril de morues, de harengs (
Duhamel du Monceau,
Traité gén. des pêches);
5. 1812 cuis. (
Boiste). Du lat.
saltare « danser », puis « sauter », sens pris à
salire, dont il est dérivé.