ROUGE, adj., adv. et subst.
Étymol. et Hist. I. Adj.
A. 1. ca 1130 « qui a la couleur caractéristique du sang, de certaines fleurs, etc. » (
Paraphrase Cantique des Cantiques, éd. W. Foerster et E. Koschwitz,
Alt fr. Übungsbuch, p. 165, vers 17); spéc.
2. a) 1228
rouge vin (
Jean Renart, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 494); 1649
verser à rouge bord (
Richer, L'Ovide bouffon, 504 ds
Brunot t. 4, p. 501); 1668
rouge bord « verre ou gobelet de vin rouge » (
Boileau, Satires, III, 136, éd. A. Cahen, p. 54); 1754 p. ell. de
vin, subst. « vin rouge » (
L'Impromptu des harangères, 9 ds
Quem. DDL t. 21);
b) 1464 [éd. 1512]
rouge chapel « chapeau de cardinal, dont la couleur est rouge » (
Continuation des Chron. de Monstrelet, 3
evol., t. II, f
o256a ds
Gdf. Compl.); 1690 (
Fur.: On appelle un Cardinal un chapeau
rouge, ou bonnet
rouge, la calotte
rouge, parce que ce sont les marques de sa dignité);
c) 1690
livre rouge « livre de couverture rouge sur lequel on enregistrait les défauts prononcés à l'audience »
être écrit sur le livre rouge « risquer une condamnation ou quelque mal de personnes puissantes » (
Fur.); 1718
marqué en lettres rouges « signalé à la justice » (
Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 22 ds
Littré); 1971
pétrole rouge « pétrole de vente illégale » (
Combat ds
Giraud-
Pamart Nouv. 1974); 1972 subst. (
Admin.:
Rouge. Écriture comptable négative (perte) ou découvert);
3. qualifiant un objet destiné à attirer l'attention
a) 1731
drapeaux rouges (de signalisation, repérage, etc.) (
Terrasson, Sothos, t. 2, p. 36);
b) 1870
croix rouges des ambulances (v.
croix II C 1);
c) 1879
lanternes rouges du dernier wagon (
Huysmans, Sœurs Vatard, p. 122); d'où 1924
lanterne rouge « dernier » (
Montherl.,
Olymp., p. 311);
d) 1890 pour indiquer l'interdiction du passage
feux rouges (
Zola, Bête hum., p. 285);
4. 1789
drapeau rouge « drapeau de signalisation déployé d'abord pour indiquer la publication de la loi martiale et indiquant donc un état d'insurrection » (
Le Moniteur, 21 oct. 1789, éd. 1863, t. 2, p. 79 d'apr.
A. Geffroy,
infra bbg.); 1792
bonnet rouge « bonnet des révolutionnaires » (
Journal des théâtres, 10 mars d'apr.
Id., infra bbg.); 1830
partis [
...]
rouges « partis révolutionnaires » (
Lamart., Corresp., p. 83); 1835 subst.
les rouges « les révolutionnaires » (
Balzac, Goriot, p. 218)
cf. aussi le
Vieux Cordelier de
C. Desmoulins, n
o7, mars 1794, p. 247 d'apr.
A. Geffroy,
infra bbg.; 1924
armée rouge (
Bainville, Hist. Fr., t. 2, p. 278).
B. 1. a) 1180-1200 d'une couleur vive tirant sur le rouge »
rouge or pour désigner l'or le plus pur (
Alexandre de Paris, Alexandre ds Elliott Monographs, éd. E. C. Armstrong, vol. II, Branche I, 2437, p. 55); 1690
cuivre rouge (
Fur.); 1831
sans un rouge liard (v.
liard);
b) 1368 « roux, tirant sur le roux »
cheval bay royge (
Cartons des rois, A.N. K 49, pièce 37 ds
Gdf. Compl.);
c) 1376 vén.
bêtes rouges p. oppos. aux
bêtes noires (
Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 2, 3);
d) 1501
rouge terre « ocre » (
Régisseur Mons, 515 ds
IGLF);
2. 1611 « dont la peau prend la coloration du sang (p. ex. sous l'effet d'une émotion) » (
Cotgr.);
3. 1755
la race rouge « les Indiens d'Amérique » (
Mirabeau, Ami des hommes, t. 3, p. 394); 1781 subst. p. ell. de
homme (
Barruel, Les Helviennes, t. 1, p. 245).
C. 1
remoit.
xives. « porté à incandescence » (
Recettes méd., ms. Bibl. mun. Evreux, 23, 45, éd. P. Meyer ds
Romania t. 18, p. 576); 1798
tirer à boulets rouges fig. (
Ac.).
D. 1. 1690 « dont certains éléments du corps sont rouges »
perdrix rouge (
Fur.); 1925 subst. fém. p. ell. de
perdrix (
Genevoix, Raboliot, p. 141);
2. 1748
la messe rouge « messe de rentrée du parlement où les magistrats portent leurs robes rouges » (
Diderot, Bijoux indiscrets, p. 112);
3. 1791 « qui se manifeste par des rougeurs »
fièvre rouge (
Staël, Lettres jeun., p. 434).
E. 1855 « vif, excessif » (
Sand, Hist. vie, t. 3, p. 256).
II. A. Subst. masc.
1. a) 1
erquart déb.
xiies. « teinte rouge de quelque chose » (
Lapidaire de Marbode, 272, éd. P. Studer et J. Evans,
Anglo-norman lapidaries, p. 38);
b) ca 1180 avec un art. partitif, comme en parlant d'une matière (
Fierabras, 61 ds T.-L.);
2. xiiies. « tissu de couleur rouge » (
Du valet qui d'aise a malaise se met, 6, éd. W. Foerster ds
Jahrbuch für romanische und englische Sprache und Literatur, t. 13, 1874, p. 295);
3. a) 1579 fard appelé
rouge d'Espagne (
A. Paré,
Œuvres, éd. J.-Fr. Malgaigne,
Médicaments, XXV, 44, t. 3, p. 606); 1606
Rouge à farder (
Crespin, p. 355);
b) 1636 « matière colorante rouge » (
Monet);
4. 1636 « couleur du feu, de l'incandescence » (
ibid.);
5. 1661 « couleur du visage à la suite d'une émotion » (
Molière, Les Fâcheux, I, 1);
6. 1771
pousser le rouge (en parlant de dindonneaux) (
Buffon, Hist. nat. des Oiseaux, t. 2, p. 143);
7. 1796 « maladie qui se manifeste par l'apparition de quelque chose de rouge ou des rougeurs » ici subst. fém. « maladie du ver à soie » (Fr.
Rozier, Cours compl. d'agric. théor., prat., écon. et de méd. rurale et vétér., Paris, t. 9, p. 580); [1817] d'apr.
FEW t. 10, p. 532b] subst. masc. « maladie du pêcher » (
Gérardin de Mirecourt, Dict. raisonné de bot., éd. 1820, p. 493);
8. a) 1843 « sang » (
Sue, Myst. Paris, t. 5, p. 175);
b) 1970
chien de rouge (
Burn.);
9. 1846 désignant un animal
rouge de rivière « souchet » (
Dumas père,
Dame Monsoreau, III, 5, p. 206);
10. [1923 d'apr.
Esn.] 1935
le rouge est mis « les jeux sont faits » p. allus. au disque rouge qui indique que la décision prise concernant une course de chevaux est irrévocable » (
Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! p. 186); 1952 (
O. Uren, Le Vocab. du cin. ds
Fr. mod. t. 20, p. 218: − lampe rouge qui indique qu'on est en train de tourner. « Silence, le
rouge », « demandez le
rouge »).
B. Subst. fém. 1776 « bille rouge (dans les jeux d'argent) » (
Restif de La Bret., Paysan perverti, t. 3, p. 68).
III. Empl. adv. 1784
fâcher tout rouge (
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, II, 2); [1842-43 (
E. Sue, Mystères de Paris d'apr.
Littré)] 1843
voir rouge (
Sainte-
Beuve, Corresp., t. 5, p. 87); 1945
voter rouge (
Sartre,
Surois, p. 181). Du lat.
rubeus, -a, -um « roux, rougeâtre » qui a souvent supplanté
ruber, -bra, -brum « rouge » dans les lang. rom. sans toujours, comme en fr., prendre le sens de ce dernier.