RACE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1480
rasse « ensemble des ascendants et des descendants d'une même famille, d'un même peuple » (
Myst. Viel Test., éd. J. de Rothschild, t. 1, p. 162, 4270);
id. race (
ibid., t. 4, p. 311, 34208: Destruyt sera, luy et sa
race);
2. 1549 « rejeton, postérité » (J.
du Bellay,
Vers liriques, IX, A Boviv, 70 ds
Œuvres, éd. H. Chamard, t. 3, p. 123: Ou me guidez vous, Pucelles [les Muses],
Race du Pere des Dieux?);
3. 1552 « durée d'une génération » (
Id.,
Œuvres de l'in-vention de l'auteur, VII, 147,
ibid., t. 4, p. 163);
4. 1558 « origine, extrac-tion » (
Id.,
Les Regrets, LXIV, 11, éd. E. Droz, p. 76: Et combien voyons nous aujourd'huy de bastards [...] Exceller ceulx qui sont de
race legitime?); 1559 (J.
Grévin,
La Trésorière, II, 4, éd. L. Pinvert, p. 80: Autant peut le lay que le prestre, [...] Le pauvre, comme un de grand'
race); 1579 abs. « origine noble » (P.
Larivey,
La Vefve, I, 2, éd. Viollet le Duc, Anc. théâtre fr., t. 5, p. 112: Que me servent les biens, la jeunesse, la
race et les amis, sans Emée?);
5. 1564 « catégorie, classe de gens de même profession, de même caractère, etc. » (
Indice de la Bible, f
o282);
6. 1636 désigne une lignée de rois de France (
Monet:
Race de Pepin).
B. 1. Ca 1500 « subdivision d'une espèce, à caractères héréditaires, représentée par un certain nombre d'individus » (
Philippe de Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, t. 3, p. 80:
races des chevaulx);
2. 1684 « population humaine qui se distingue d'autres populations par la fréquence relative de certains traits héréditaires »; ([Fr.
Bernier],
Nouvelle Division de la terre, par les différentes Espèces ou Races d'hommes qui l'habitent,
in Journal des Sçavans, 24 avr., pp. 85-89); 1733 (Abbé J.-B.
Dubos,
Réflexions crit. sur la poés. et la peint., t. 2, p. 311:
race de Pigmées; 1749 (
Buffon,
Hist. nat., t. 3, p. 379: la
race Lappone et la
race Tartare)). Empr. à l'ital.
razza, att. dep.
ca 1300 sous la forme
razzo (
destrier di grande razzo, poème intitulé
Intelligenza d'apr.
Prati), puis
razza « famille, espèce d'animaux » (dep.
xives.,
Commentaires sur Dante ds
Tomm.-
Bell.), d'orig. controversée. Pour
FEW (t. 10, pp. 111b-112a et 115-116), qui reprend une hyp. déjà proposée par
Canello, L.
Spitzer (ds
Z. rom. Philol. t. 53, pp. 300-301) et
Prati,
razzo (devenu
razza par changement de genre) est issu du nomin. lat.
ratio « calcul, compte; système, procédé » et en lat. chrét. « idée, conception (d'une chose) » (chez St Augustin et St Thomas d'Aquin), d'où « modèle d'une chose, d'un être vivant; race »; cette hyp. est confirmée par le fait que l'ital.
ragione, issu de l'acc.
rationem, a eu le sens de « qualité, espèce, race » du
xiiieau
xviies. (v.
Tomm.-
Bell.). Pour G.
Merk (ds
Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 7, 1, pp. 177-188), qui reprend en la complétant une hyp. déjà formulée par C.
Salvioni (ds
Romania t. 31, p. 287) et
REW3n
o3732, l'ital.
razza est issu avec aphérèse (phénomène fréq. en ital.) du lat.
generatio « génération, reproduction »,
naraccia « race », att. au
xvies. dans le dial. de Belluno en Vénétie, pouvant représenter une forme intermédiaire (v.
Salvioni,
loc. cit.); à l'appui de cette hyp., G. Merk montre que les sens de l'a. ital. et de l'a. prov.
rassa correspondent beaucoup plus à ceux du lat. biblique
generatio « famille, descendance; engeance; espèce, race » qu'à ceux de
ratio dont le sens le plus proche n'est que « caractéristique de ce qui appartient à la famille » (v. aussi E.
Lerch ds
Rom. Jahrb. t. 3, 1950, pp. 198-205); il cite également l'a. fr.
generace qui, issu de l'acc.
generationem, a eu le sens de « famille, race » (2
emoit.
xiiies.,
Blancandin ds T.-L.) et de « bande de gens au service de quelqu'un » (fin
xiies.,
Brut de Munich, ibid.), ce 2
esens étant à rapprocher de l'a. prov.
rassa « bande d'individus qui complotent » (fin
xiies.,
Guiraut de Bornelh) qui s'explique mal à partir de l'étymon.
ratio. Pour G. Merk, l'ital.
razza, l'a. prov.
rassa et l'a. fr.
generace seraient en fait issus d'une contamination sém. et phonét. de
generatio (éventuellement sous une forme avec métathèse
*gerenatio) avec
ratio, aidée par la synon. partielle de
natio (
nation*); il s'agirait de mots pop. (mais influencés par la prononc. du lat. carol.) et la forme ne viendrait pas du nomin. lat. mais d'une substitution de
-atia à
-ationem. Pour d'autres hyp. et leurs critiques, v.
FEW t. 10, p. 115a.