POMME, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «fruit du pommier» [ici, sert de symb.] (
Roland, éd. J. Bédier, 386: En sa main tint [Roland] une vermeille
pume: Tenez, bel sire, dist Rollant a sun uncle, De trestuz reis vos present les curunes); 1121-34 (
Philippe de Thaon, Bestiaire, 1356 ds T.-L.);
ca 1165
pumes sauvages (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 432);
ca 1210 (
Raoul de Houdenc, Méraugis, 5297 ds T.-L.: [Meraugis] ... si sains com une
pome); 1225-30 (
Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 802: Deduiz fu biaus e lonc e droiz...; la face avoit con une
pome, Vermeille e blanche tot entor);
ca 1270 (
Richard le Beau, 169 ds T.-L.: ...Et la mamielle que ot dure Li sousliewe sa viestëure, Rëonde aussi con une
pomme);
2. p.ext.
a) ca 1200
pume de pin (
Beuve de Hantone, I, 674,
ibid.);
ca 1256
poume de paradis «banane» (
Régime du corps de Aldebrandin de Sienne, 99, 6,
ibid.);
id. pume citrine (
id., 148, 20,
ibid.); 1549
pomme d'amour (
Est.);
pome grenate;
pome d'orange, v.
grenade,
orange;
pomme de terre, v. ce mot;
b) ca 1393 «coeur de chou disposé en boule» (
Ménagier, II, 143 ds T.-L.);
3. fig.
a) 1
remoit.
xiiies. allus. au fruit défendu du paradis terrestre dont la tradition a fait une pomme [
Gen. III, 1-9] (
Robert Grosseteste, Château d'Amour, éd. J. Murray, 120); 1355 (
Miracles de N.-D., éd. G. Paris et U. Robert, XVI, 819);
b) 1626
pomme de discorde, allus. à la pomme jetée par la Discorde parmi les déesses et que le berger Pâris dut attribuer à la plus belle (
D'Aubigné, Hist. universelle, éd. Amsterdam, 1626, t.1-2, col. 1073).
B. Nom donné à divers objets sphériques
1. a) 1260 «boule creuse de cuivre renfermant de la braise pour se chauffer les mains» (
Album de Villard de Honnecourt, ms. Paris B.N. fr. 19093, 17d, éd. H. R. Hahnloser, p.45:
pume de keuvre de .II. moities clozeice);
b) 1269-78
pome d'ambre «objet, bijou en forme de pomme où l'on enfermait du parfum» (
Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 19002);
c) 1694
pomme de pin «élément de décor» (
Corneille t.2, p.256);
2. 1680
pomme d'arrosoir (
Rich.);
3. 1730 mar.
pommes de raque (
Savary Suppl. d'apr.
FEW t.9, p.156b; éd. 1741, t.3, col. 938); 1773
pomme de tournevire «gros bourrelet de fil fait sur le cordage de tournevire pour l'empêcher de riper ou de glisser sur le cabestan» (
Bourdé de Villehuet, Manuel des marins, t.2, p.159).
C. 1. av. 1519 «sein d'une femme» (Cl.
Marot, Epistre de Maguelonne à P. de Prov., 43 ds
OEuvres, éd. C. A. Mayer, t.3, p.116); 1640
pomme d'Adam (
Oudin Curiositez, s.v. pomme).
D. 1. 1867 pop. «tête» (
Delvau); 1881
se sucer la pomme (lang. pop. d'apr.
Esn.);
2. 1890
ma pomme «moi» (arg. des voyous,
ibid.), v.
Renson, pp.470-471;
3. 1895 empl. adj. pop. «sot» (
Esn.). Du lat.
poma, plur. neutre coll., pris comme subst. fém. sing., de
pomum «fruit d'un arbre, fruit à pépins ou à noyau», qui, en lat. tardif (Italie du Nord, partie du domaine rhéto-rom. et majeure partie du domaine ibéro-rom.), a pris le sens de «pomme» (dep. Marcellus Empiricus, déb.
ves.) entrant en concurrence avec le class.
malum (sur les rapports entre les deux mots, v.
FEW t.9, p.157b); pour le procédé de formation,
cf. pêche (et esp.
prisco,
ibid., t.8, p.267b),
poire* (et rhéto-rom.
pair, per, ibid., t.8, p.576a),
prune* (et calabrais
prunu,
ibid., t.9, p.496a).
Pomum est demeuré au sens de «fruit» en roum., ital., a. cat., a. esp. (
ibid., t.9, p.157b); dans le domaine gallo-rom., il est représenté par le subst. masc. a. fr.
pon,
pom (
ca 1100 «pommeau de l'épée»
Roland, 684;
ca 1140 «boule en forme de pomme surmontant un toit, une tente»
Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 263;
ca 1200 «pomme»
Sermo de Sapientia ds
Dialogue Grégoire, 295, 1 ds T.-L.; demeuré en pic. et en wallon; v. aussi
pomeau) et l'a. prov.
pom (
ca 1180 «boule de métal surmontant une tente»
Girart de Roussillon, éd. W.M. Hackett, 170 et 928,
cf. fin
xiies.
Bertran de Born, éd. C. Appel, 28, 5; fin
xiie-déb.
xiiies. «pomme»
Raimbaud de Vaqueiras ds
Rayn., 1195-1200
Guiraud de Calançon,
ibid.;
ca 1330 «pommeau de l'épée»
Pseudo-Turpin ds
Levy Prov.).