PAYSAN, -ANNE, subst. et adj.
Étymol. et Hist.I. Masc.
A. 1. Ca 1140
païsant «celui qui habite la campagne et cultive la terre» (
Geoffroi Gaimar,
Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 2419); 1160-74 (
Wace,
Rou, éd. A.J. Holden, II, 2679: La terre est plenteïve et li homme manant, La sont li bon villain et li bon
païssant);
ca 1245 empl. adj. qualifiant un subst. fém. (
Philippe Mousket,
Chron., 18204 ds T.-L.: De frankes femes
päisans Ot li rois Henris ces enfans); 1306
uns homs gentis ou païsant (
Guillaume Guiart,
Royaux lignages, éd. N. de Wailly et L. Delisle, 10486); 1568 [éd. 1585]
paisan (
Garnier,
Porcie, éd. R. Lebègue, 1044); 1573
id. (
A. de Baif,
Poèmes, III ds
OEuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.2, p.129);
2. «nigaud, imbécile; rustre»
a) 1
remoitié
xiiies. empl. adj.
tenir por païsant (
Durant,
Des trois boçus menestrels, 242 ds
Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.1, p.21 [ms. Bibl. nat. fr. 837]; fin
xiiies.
gent rude et päysant (
Chastelain de Couci, 33 ds T.-L.);
b) 1269-78 subst. «personne rustre» (
Jean de Meun,
Rose, éd. F. Lecoy, 3653).
B. 1155 «celui qui habite le pays, autochtone» (
Wace,
Brut, 2626 ds T.-L.),
cf. av. 1188
nobles païsans (
Partonopeus de Blois, éd. M. Gildea, 362) et
ca 1280 (
Jehan,
Merveilles de Rigomer, 14572 ds T.-L.: Li
päisant et li lontain).
II. Fém.
a) 1559
paisante subst. (
Marguerite de Navarre,
Heptaméron, XXIX
enouvelle, éd. M. François, p.229); 1573
une simple païsante (A.
de Baif,
op.cit. ds
OEuvres, t.2, p.230);
b) 1580 [date éd.]
paysande id. (
Bèze,
Hist. ecclés., III, 204 ds
Gdf.);
c)
α) 1666 adj.
chanson paysanne (
D'Espeisse,
Oeuvres, t.2, p.227 ds
Littré); 1671
a la païsane «more rustico» (
Pomey); 1697
race paysanne (
Dancourt,
Vacances, scène 2 ds
Rép.théâtre second ordre. Comédies en prose, t.3, Paris, 1821, p.67);
β) 1680 subst.
païsanne (
Rich.). L'a. fr.
païsant est une altér. d'une forme ant.
*païsenc, dér., à l'aide du suff.
-enc (germ.
-ing, v.
-an), du b. lat.
pagensis quand celui-ci prit le sens de «pays», v. ce dernier mot. La substitution de
-ant est peut-être due à
païsens (nomin.) -
païsenc (acc.) devenu
païsanz - païsant d'apr. le type fréquent
-anz -ant (
granz - grant),
Pope, § 755, 815;
Thomas (A.).
Essais, pp.269-74. D'autre part, le
-z final (notation du
-s de flexion précédé d'une dentale) s'étant au cours du
xiiies. réduit à
-s, païsans a pu être considéré comme le cas suj. sing. et régime plur. à la fois de
païsant ou de
païsan, d'où l'apparition de cette dernière forme puis de son fém.
paysanne succédant aux formes en
-ante et
-ande, dér. de
païsant. Dans le domaine d'oc, le terme désignant le «paysan» est directement issu de
pagensis: a. prov.
pagés (1150 Rouergue ds
Brunel t.1, n
o58). V. aussi
A. Stefenelli,
Geschichte des frz. Kernwortschatzes, 150 et 287.