PAROLE, subst. fém.
Étymol. et Hist.I. Faculté d'exprimer la pensée par le langage articulé A. Ca 1100 «expression verbale de la pensée» (
Roland, éd. J. Bédier, 140: De sa
parole ne fut mie hastifs, Sa custume est qu'il parolet a leisir); spéc. 1916 ling. distingué de
langue* (
Sauss., p.30).
B. 1130-40 «action de parler»
metre a parole «faire parler» (
Wace,
Conception N.-D., éd. W.R. Ashford, 651).
C. Le langage oral considéré par rapport à l'élocution, au ton de la voix
ca 1140
de sa pleine parole «à haute voix» (
Pèlerinage de Charlemagne, éd. G. Favati, 8);
ca 1165
parole basse (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 5299 ds T.-L.); 1160-74 (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, III, 1669: Sa voiz e sa
parole mue).
D. ca 1165 «faculté d'exprimer sa pensée par le langage articulé» (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 3068: De joie li faut la
parole).
E. 1606 «art de parler, éloquence»
employer sa parole à gagner argent (
Nicot); 1674 (
Boileau,
Art poétique, chant IV ds
OEuvre, éd. F. Escal, p.184); 1740
avoir le don de la parole (
Ac.).
F. 1688 «droit de parler» (
La Bruyère,
Caractères,
De la Cour, 17 ds
OEuvre, éd. J. Benda, p.218: Ils ont la
parole, président au cercle).
II. Son articulé exprimant la pensée
A. Suite de mots, message, discours, propos exprimant une pensée
ca 1100 (
Roland, 145: De cez
paroles que vous avez ci dit...; 1097: Bon sunt li cunte e lur
paroles haltes); 1160-74 (
Wace,
Rou, II, 867: [Li evesque] Ne fist pas grant
parole ne ne fist grant sermon).
B. spéc. 1155 «discussion, dispute» (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 4359); 1531
avoir des paroles ensemble (
Perceforest, t.3, f
och. 3 ds
Littré).
C. ca 1165 «promesse»
doner parole (
Benoît de Ste-
Maure,
op.cit., 13621,
ibid.); 1560
prisonniers pour la parole (
E. Pasquier, lettre 21 août, ds
Lettres hist., éd. D. Thickett, p.45); 1628
(croire) sur vostre parole (
Guez de Balzac, lettre 11 déc. ds
OEuvres, éd. 1665, p.284); 1633
homme de parole (
Id., lettre 4 juill.,
ibid., p.202).
D. ca 1180 «expression verbale d'une pensée remarquable» (
Thomas,
Tristan, éd. B. H. Wind, fragm. Douce, 373: Oïstes uncs la parole).
E. 1. ca 1180 «belle, vague promesse» (
Proverbe au vilain, 181 ds T.-L.: De bele
parole [var. promesse] se fait fous tout lié); 1377
paroles sourdes «paroles en l'air, mensonges» (
Gace de La Buigne,
Deduis, 10526,
ibid.);
2. ca 1470 «phrase creuse, vide»
paroles pleines de vent (
Georges Chastellain,
Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.5, p.143).
F. 1. 1188 «enseignement» (
Aimon de Varennes,
Florimont, 1001 ds T.-L.); spéc. 1
ertiers
xiiies. (
Vie de St Jean l'Évangéliste, 567,
ibid.: avint ke li ewangelistes en une chité vint, Où il dist la
parole [
Luc III, 2]); 1670
la parole de Dieu «l'Écriture sainte» (
Pascal,
Pensées, § 555 ds
OEuvres, éd. J. Chevalier, p.1260: Quand la
parole de Dieu... est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement);
2. fin
xiies.
la parole «le Verbe, la Parole faite chair» (
Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.98, 22: cil [li troi roi el staule] reconurent la
parole de deu lai ou il estoit enfes). Issu du lat. chrét.
parabola (devenu
*paraula par chute de la constrictive bilabiale issue de
-b- devant voy. homorgane) «comparaison, similitude», terme de rhét. (Sénèque, Quintillien); puis, chez les aut. chrét.: 1. «parabole» (Tertullien, St Jérôme); 2. «discours grave, inspiré; parole», ce double sens étant dû à l'hébreu
pārehāl (
Job XXVII, 1:
assumens parabolam suam «reprenant son discours»;
Num. XXIII 7:
assumptaque parabola sua, dixit; par la suite:
Gloss. Remigianae: in rustica parabola «en lang. vulg.»), v.
Ern.-
Meillet, Blaise, Vaan., § 166,
E. Löfstedt,
Late Latin, pp.81
sqq. Le lat. est empr. au gr. π
α
ρ
α
β
ο
λ
η
́ «comparaison [par juxtaposition], illustration» empl. dans les
Septante au sens de «parabole» (
Marc XII, 1).
Parabola a supplanté
verbum dans l'ensemble des lang. rom. (sauf le roum.) grâce à la fréq. de son empl. dans la lang. relig.,
verbum étant spéc. utilisé dans cette même lang. pour traduire le gr. λ
ο
́
γ
ο
ς , v.
verbe.