NOYER1, verbe trans.
Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 trans.
neier «faire périr dans l'eau» (
Roland, éd. J. Bédier, 2798: Ne
seit ocis o en Sebre
neiet); 1176-84
noiier (
Gautier d'Arras, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 4847);
b) ca 1165 réfl. «se donner la mort par immersion» (
Troie, 7328 ds T.-L.);
c) 1174-76
id. «couler, périr accidentellement par immersion» (
Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 378: si
se neia);
2. 1174-78 intrans. «disparaître sous les eaux» (
Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 18: terre
neent, eives sorondent); 1500 trans. «faire disparaître sous les eaux» (
Coutume du pays et duché de Bourbonnais, titre VIII, VI ds
Nouv. Coutumier gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t. III, 1198);
3. «recouvrir d'une quantité d'eau, de liquide assez grande pour éteindre, étouffer, faire disparaître»
a) ca 1220
el sanc noiés (
Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 10289 ds T.-L.); 1673
noyer dans le sang (ici une ville) (
Racine, Mithridate, III, I);
b) 1240-80
noier dans le vin ici pronom. (
Baudouin de Condé, Li contes des Hiraus, 139-40 ds
Dits et Contes, éd. A. Scheler, p.157: tous
se noient De vin);
4. 1605 [éd.] trans. «envelopper complètement dans une maçonnerie un objet de bois ou de fer» (
O. de Serres, [Théâtre d'agric.], 766 ds
Littré);
5. 1607 [éd.]
id. «mouiller abondamment» [
se]
noyer de pleurs le visage (
Malherbe, Consolation a Caritée sur la mort de son mari, 3 ds
OEuvres compl., éd. L. Lalanne, t.1, p.32 [fin
xiiies.
noyer en plours (
Dits âme, A. 29 i ds T.-L.)]); 1694
noyer son vin d'eau (
Ac.);
6. av. 1628 pronom. «se laisser submerger par quelque chose, perdre pied» (
Malherbe, Lettres, Paris, 1645, livre I, lettre 30, p.195: on
se noye en amour aussi bien qu'en une rivière); 1831
se noyer dans les détails (
Balzac, OEuvres div., t. 2, p.365);
7. a) 1676 peint. trans.
noyer les couleurs les unes avec les autres (
Félibien);
b) 1680 «fondre les contours» (
Rich.);
c) 1803 fig. «recouvrir entièrement, envelopper jusqu'à rendre indiscernable» (
Chateaubr., Génie, t.2, p.145); 1823 pronom. (
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, p.470);
8.1680
id. «ruiner le crédit, la position de quelqu'un» (
Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, VI, 400);
9. 1733 «rendre sa pensée confuse, insaisissable par un langage prolixe] (
Voltaire, Le Temple du goût, p.70); 1867
noyer [
un juge]
sous un flot de raisonnements (
Taine, loc. cit.). Du lat. class.
necare «faire périr, tuer (avec ou sans effusion de sang)», en partic. «sans se servir d'une arme», qui a pris en lat. pop. le sens de «noyer», att. en lat. médiév.: 590 (
Gregor. Turon., Glor. mart., c. 104,
SRM., I, p.559 ds
Nierm.); la disparition du subst.
nex, necis «mort violente» a favorisé la perte du sens propre qui a été exprimé par d'autres mots, v.
occire, tuer; la forme du rad. aux formes inaccentuées a été étendue à tout le verbe, ce qui a permis de le distinguer de
nier*.