MONSTRE, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. 1
remoitié
xiies. «prodige, miracle» (
Psautier Oxford, éd. F. Michel, 104, 4, p.154: Remembrez des merveilles de lui [du Seigneur], les queles il fist, ses
monstres, e les jugemenz de la buche de lui! [
Recordamini mirabilium ejus quae fecit, signorum et judiciorum oris ejus]);
id. (
ibid., 45, 8, p.62: Venez e vedez les ovres del seigneur, les queles il posat
monstres sur terre [
quae posuit prodigia super terram]), bien att. au
xvies.,
Hug.;
2. 1541 «action monstrueuse, criminelle» (
Calvin, Instit., III, p.125 ds
Hug.); 1661
faire un monstre (d'une chose) «la représenter de manière monstrueuse, périlleuse» (
Molière, Don Garcie, IV, 6);
3. 1580 «chose prodigieuse, incroyable» (
Montaigne, Essais, II, XI, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p.407: je diray un
monstre);
4. 1690 «ce qui est mal fait, mal ordonné» (
Fur.: Ce bâtiment ... est un
monstre ... il n'y a aucune symétrie; ... Ce livre est fort sçavant, mais il n'y a point d'ordre, c'est un
monstre).
B. 1. 1160 «être fantastique de la mythologie, des légendes» (
Eneas, 4638 ds T.-L.: Il ne manjot se homes non; Cacus [monstre à demi homme, fils de Vulcain] aveit li
mostres nom); 1188 (
Aimon de Varennes, Florimont, 1967,
ibid.: Joste la meir en Albanie En une terre enhermie S'estoit li
moustres herbergiés: chief de leupart, le cors de guivre volant; Entor les cusses environ Fut de serpent et de poisson); début
xiiies. (
Merlin, I, 91,
ibid.: ... li
mostres lor aparut en l'air; ... il virent venir volant un dragon vermoil, et coroit par l'air et getoit feu et flamme parmi lou nés et parmi la boche); 1562
monstre marin (
Du Pinet, Hist. du monde de C. Pline Second, t.1, table non foliotée,
s.v. Monstre); 1677 p. ext. «bête féroce» (
Racine, Phèdre, II, 2); 1678 «poisson de très grande taille» (
La Fontaine, Fables, VIII, 8);
2. appliqué à des hommes
a) ca 1165 en raison de leur aspect physique et de leurs moeurs étranges (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, éd. L. Constans, 13379);
ca 1223 appliqué à un homme défiguré par la lèpre (
Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, II Ch 9, 2548);
ca 1225 à un être contrefait (
Pean Gatineau, St Martin, 5607 ds T.-L.: Une fame un filz enfanta Qui mainte genz espöanta. Tex ert, si resemblout un
monstre);
ca 1380 à un castrat (
Jean Lefèvre, La Vieille, 108,
ibid.); 1690 à une personne extrêmement laide (
Fur.: ... un
monstre, une femme laide à faire peur);
b) ca 1223 p. anal. morale, appliqué à un païen (
Gautier de Coinci, op. cit., II Mir 11, 414: Seignor, fait il [sainz Basiles] ou cors le
moustre [l'empereur Julien] Qui noz avoit tant maneciez...);
id. à des impies (
Id., ibid., II Mir 13, 558); 1562
monstre de femme [Messaline] (
Du Pinet, op. cit., t.1, p.409);
c) p. ext. 1636
ce jeune homme est un monstre de mémoire «il a une mémoire extraordinaire» (
Monet, p.570a); 1690
un monstre de cruauté, d'avarice (
Fur.); 1727 par antiphrase (
N. Destouches, Philosophe marié, III, 5, éd. Paris, 1742, p.45: Une femme constante est un
monstre nouveau Que le Ciel a produit pour être mon bourreau); 1779
id. c'est un monstre! «il est adorable! [en parlant d'un pouf]» (
Genlis, Les dangers du monde, I, 1 ds
Brunot t.6, p.1083).
C. Emploi adj. 1841
ça fera un effet monstre (
Dumersan et
Dupeuty, La descente de la Courtille, I, 1 ds
Quem. DDL t.6). Empr. au lat.
monstrum (de
monere «avertir, éclairer, inspirer»), terme du vocab. relig. «prodige qui avertit de la volonté des dieux», par suite «objet de caractère exceptionnel; être de caractère surnaturel» (spéc.: les démons, dans la lang. chrét.); monstre (p. ext.
monstrum hominis Terence, Eun., 696;
monstrum mulieris Plaute, Poen., 273); acte monstrueux, contre nature».