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notices corrigéescatégorie :
CHENAL, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. 1erquart du xiiies. « lit d'un fleuve » (Florence de Rome, éd. A. Wallensköld, 2603); ca 1483 « passage étroit balisé pour entrer dans un port » (P. Garcie, Grant routier et pilotage avec les dãgers des portz, hawres, riuieres et chenalz des parties et regions dessus dictes ds Jal1); 2. 1475 « chéneau, gouttière » (J. Aubrion, Journ. ds Gdf. Compl.). Réfection d'apr. canal, de l'a. fr. chanel, chenel (début xiies. St Brandan ds T.-L.), issu du lat. canalis (canal*).

Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :

Histoire :
0. « lit d'un cours d'eau ou de la mer ». Attesté du 1er quart 13e siècle [en tant que variante rare de chanel, chenel] (FlorenceW, volume 2, page 107, vers 2604 : Au trespacer de l'eue, que cort par son chenal, Les ataignent Romain, li chevellier laial) à 1360/1399 (HemricourtPatronTempB, page 55 = DocDMF : en la fien, revinent toutes aiwes en leur chenaulz). Remarque : la datation du 12e siècle que propose Jal2 pour CroisBaudriM est erronée (cf. DEAFBiblEl), de sorte que ce récit en vers ne fournit pas la première attestation ; en outre, le texte porte chanal et non pas chenal. - 
A. « passage resserré entre des écueils, des hauts fonds, des terres et donnant accès à un port ou permettant la navigation près de côtes, entre des îles ». Attesté depuis 1250 [dans l'Ouest de la France] (Archives Saintonge, volume 1, page 45 = Rézeau, Ouest : lor avom baillé et otréé ceu que nos aviom defors le davant dit mur [de la ville de La Rochelle] jusqu'au bacious qui sunt de l'autre part de la dite chenau à tenir et à espleiter et à charger et descharger granz vaisseas et petiz en la chenau dessus dite et les portes de la dite chenau nos ne poiriom pas mermer ou temps qui est à venir). Durant tout le Moyen Âge, le lexème est resté confiné au français régional de l'Ouest (Doc. Poitou G. 1, pages 413 et 415 ; Doc. Poitou G. 3, page 17 ; Doc. Poitou G. 10, page 266 ; cf. DMF2). Au courant du 16e siècle, il semble être passé au français général ; sa dérégionalisation paraît achevée dès 1609 (Marquis, Dictionnaire : chenaux, aucuns disent achenaux pierres cauees [« creusées »] en façon de chenaux). La tradition lexicographique est continue à partir de 1687 (Desroches, Marine, in Jal2). - 
B. 1. « conduit servant au passage, à l'écoulement de l'eau courante ou de l'eau de pluie ». Attesté depuis 1391 [à Champigneulles (Lorraine), dans l'acception « conduit amenant l'eau sur la roue à aubes d'une forge »] (Annales Est, volume 28, page 284 : Et y doient ancor faire et metre une bonne ruee [« roue »] […] et tout ceu qui appartient a forge faxant fer, Et veudier [« vider »] la cluse [« écluse »] et metre en boin astait de chenalz et de ventalz [« vannes »], et de tout ceu quil y affiert). Au moins jusqu'à la fin du 15e siècle, le lexème fonctionne, au sein du français, comme un diatopisme lorrain (cf. Aubrion, Journal L., page 81 = GdfC ; JugMetzS, volume 1, page 503 = DocDMF), malgré une attestation isolée dans le Poitou (Lettres Louis XI, V, volume 6, page 174, note 2 = DocDMF). Première attestation en français général : 1798 (Ac5 : chenal sub. mas. […] Il se dit aussi d'Un courant d'eau pratiqué pour l'usage d'un moulin ou d'une forge. Il se dit encore, en parlant de toiture, De l'espèce de canal pratiqué le long d'un toit pour l'écoulement et la décharge des eaux de pluie). Remarque : la référence que FEW 2, 168b cite comme première attestation du sens « conduit d'eau » (‘Wace’ = RouH) est à corriger : cette première attestation de chenel (RouH, vers 237 = NCA) doit être comprise dans le sens de « lit d'une fontaine ». - 
B. 2. « conduit servant dans une installation industrielle au passage, à l'écoulement de matériaux liquides ou en fusion ». Attesté depuis 1768 (Encyclopédie, Planches, volume 6, extraction du vitriol : la chaudiere d a un bout de tuyau ou robinet que l'on ouvre lorsque la lessive est suffisamment concentrée, pour laisser écouler la liqueur au moyen d'un chenal ou canal de bois dans l'auge à clarifier k qui est de même matiere). En tant que terme de sidérugie, le lexème est attesté depuis 1934 [et non pas 1394 comme indiqué par erreur supra] (Barnerias, Aciéries, page 127, cf. supra). - 

Origine :
A. Transfert linguistique : emprunt à l'ancien poitevin *chenal/*chenau subst. masc./fém. « passage ouvert à la navigation », continuateur régulier (avec maintien de /a/ accentué devant /l/, cf. PignonPoitou 169‑175 et note 1) du protoroman */ka'nale/ subst. masc./fém. « conduit d'eau ; canal », dont on trouve des représentants héréditaires dans toutes les langues romanes sauf en roumain (REW3 1568 ; FEW 2, 168a) et dont le corrélat en latin écrit de l'Antiquité est canalis subst. masc./fém. « id. » (attesté depuis Plaute, TLL 3, 224). L'emprunt s'est fait en français médiéval de la côte Atlantique du Poitou et de l'Aunis, d'où il est passé, au plus tard au 17e siècle, dans la langue commune. L'intégration du lexème au français général a été marquée par la régularisation morphologique en -al (singulier)/-aux (pluriel), et par la fixation du genre masculin, celui de canal* (les formes féminines et/ou à consonne finale vocalisée, parfois avec mécoupure de l'article défini féminin, ont été, de ce fait, déclassées comme régionales et populaires). Cf. von Wartburg in FEW 2, 168ab, canālis I 1.
B. Transfert linguistique : emprunt à l'ancien lorrain *chenal/*chenau subst. masc. « gouttière », continuateur régulier (avec maintien de /a/ accentué devant /l/, cf. Wüest, Dialectalisation 170‑171, avec carte page 2) du protoroman */ka'nale/ (cf. ci‑dessus A.). L'emprunt peut être assigné au moyen français de Lorraine (cf. l'implantation orientale du diatopisme français chéneau subst. masc. « gouttière », Chambon/Rézeau in DRF). Au plus tard au 18e siècle, le lexème a été adopté par la langue commune. Par ailleurs, il est vraisemblable que c'est en Lorraine, région de forte tradition sidérurgique (où, dès 1391, chenal est appliqué au conduit d'eau d'une forge, cf. ci‑dessus B. 1.), que s'est développé le sens technique B. 2. Cf. von Wartburg in FEW 2, 168b‑169a, canālis I 2/3.En conclusion, le français général chenal est le produit de la fusion de deux diatopismes indépendants dérégionalisés, qui tirent leur origine respective d'emprunts à des parlers dialectaux. Par conséquent, il faut renoncer à postuler une réfection de l'ancien français central chenel sous l'influence de l'emprunt savant canal*, hypothèse avancée par Bloch/Wartburg5 et reprise par toute la littérature postérieure. Ce double régionalisme diachronique et l'emprunt savant canal* (attesté depuis la 2e moitié du 12e siècle [date à corriger s.v. canal*], PelCharlK = PelCharlP, vers 792 = TL) sont parvenus à concurrencer et à évincer la forme héréditaire centrale chenel (attestée de ca 1170 [et non pas du début du 12e siècle, comme le prétend le TLF, car TL ne cite pas BrendanW mais BrendanPr1W, texte picard en prose du 3e quart du 13e siècle ; RouH, volume 2, vers 237 = NCA] au 15e siècle, FEW 2, 168a). Quant à chenal « lit d'un cours d'eau » (0.), il s'agit d'une variante dialectale d'ancien français central chenel « id. », due au fait que le copiste du manuscrit était originaire de l'Est de la France (FlorenceW, volume 1, page 2).


Rédaction TLF 1977 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2006 : Jean-Paul Chauveau ; Hélène Carles. - Relecture mise à jour 2006 : Jean-Pierre Chambon ; Éva Buchi.