BAROQUE, adj.
Étymol. ET HIST.
I.− Adj. 1. 1531 joaill. se dit de perles de forme irrégulière (
Inv. de Charles-Quint, f
o786 à 788 dans
Gay,
s.v. ajorffe : 97 Gros ajorffes dictz
barroques enfillez en 7 filletz pes. ens. 1 onc. 12 grains);
2. 1718 p. ext. fig. « bizarre, choquant » (
Autreau,
Port à l'Anglais, prologue, Œuvres, éd. 1749, I, 6 dans
Barb. Misc. 1, n
o5 : Il est vrai qu'il a l'accent un peu
baroque), attesté dans les dict. dep.
Ac. 1740; spéc. 1749 B.-A. d'un style architectural et décoratif qui s'écarte des règles de la Renaissance classique (
Courajod,
Livre-journal de Lazare Duvaux, marchand-bijoutier ordinaire du Roy [1748-58], 1873, t. 2, p. 19 : Une terrasse
baroque en bronze doré d'or moulu, [...], pour une dormeuse, 175 1.).
II.− Subst. p. ell. 1788 archit. « style architectural très orné et tourmenté » (
Quatremère de Quincy,
Encyclop. méthod., Archit., t. 1 cité par
B. Migliorini,
Manierismo, baròcco, rococò, Rome, 1962, p. 46 : Le
baroque, en architecture, est une nuance du bizarre. Il en est, si on veut, le rafinement, ou, s'il étoit possible de le dire, l'abus [...] Barromini a donné les plus grands modèles de bizarrerie, Guarini peut passer pour le modèle du
baroque).
I 1 est empr. au port.
barroco « rocher granitique » et « perle irrégulière », attesté dep. le
xiiies. sous la forme
barroca (
Inquisitiones, p. 99,
Portugaliae Monumenta Historica, 1856 sqq. dans
Mach.), d'orig. obsc., prob. préromane en raison du suff.
-ǒccu très répandu sur le territoire ibérique (
Cor. t. 1,
s.v. barroco et
berrueco;
FEW t. 21, 1, pp. 541-543,
s.v. perle;
Mach. t. 1,
s.v. barroco; sur le suff. préroman
-ǒccu, v.
J. Hubschmied,
Mél. Jud, 1943, p. 252). L'esp.
barrueco ne peut être à l'orig. du mot fr. (
Kohlm., p. 15;
Brunot t. 3, p. 223;
Nyrop t. 1, p. 90;
Schmidt, p. 183;
Rupp., p. 101;
Wind, p. 58), étant donné que le mot esp. n'a le sens « perle irrégulière » que dep. 1605 (d'apr.
Cor. s.v.). I 2 est issu de I 1 prob. croisé pour le sens avec le lat. médiév.
baroco, créé artificiellement au
xiiies. par les scolastiques pour désigner une forme de syllogisme (v. en 1210-20, P. Ispano, cité par
B. Migliorini,
op. cit., p. 40) et qui, empl. ensuite par moquerie par les adversaires de la scolastique (v.
Montaigne,
Essais, éd. de Bordeaux, livre I, ch. 26, p. 209, cité par B. Migliorini,
loc. cit. p. 41 : C'est
Barroco et Baralipton qui rendent leurs supposts [de la sagesse] ainsi crotez et enfumez) contribua à donner à
baroque le sens de « bizarre, inutilement compliqué ». Il n'est pas nécessaire, comme le fait H. Lüdtke (
Rom. Forsch. t. 77, pp. 353-358) de faire appel à l'all. pour expliquer le sens II, celui-ci étant moins tardif qu'il ne le pensait comme terme d'hist. de l'art, et l'évolution sém. s'expliquant à l'intérieur du fr. : l'all. a empr. le mot au fr. (
cf. la 1
regraphie all.
Baroque, 1759 et 1766, citée par
B. Migliorini,
loc. cit., p. 46; v. aussi
Kluge20), d'où procède aussi l'ital.
barocco (v.
B. Migliorini,
loc. cit., pp. 46-47). V. aussi
O. Kurz,
Lettere Italiane, t. 12, 1960, pp. 414-444.