AVEC, prép.
ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Prép. 1. a) mil.
xies. marque la concomitance d'égalité (
Alexis, éd. Meunier, 53 ds
G. Löfgren,
Etude sur les prépositions françaises Od, Atout, Avec..., Uppsala, 1944, p. 119 : Ço dist li pedres : « Filz quar t en vas colcer
avoc ta spuse »); début
xiiies. (
Amadas et Ydoine, éd. J. R. Reinhard, 3880,
ibid. : Qu'a Roume
avoec sa compaignie Ne voist
avoec le droit voiage); fin
xiies. nuance comitative (
Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, 55, 4,
ibid., p. 124 : Si despitat ia alsi com sec lo mont
avoc sa flor);
b) fin
xiies. marque la simultanéité dans le temps (
Chatelain de Coucy,
Chansons, éd. F. Fath, X, 8,
ibid., p. 120 : Et quant ioie me faut Bien est raisons K'
auec ma ioie faillent mes canchons);
c) 1383 « et de plus » « et en outre » (
J. Froissart,
Meliador, éd. Longnon, 9041,
ibid., p. 151 : Et voit de son brach .I. quartier
Avoec le poing dessus l'erbier);
d) 1150-70 « indique la relation » (
Adam, éd. K. Gross, 70,
ibid., p. 123 : Tun seignor aime e
ovec lui le tien); d'où 1376 « à l'égard de, envers » (
H. de Ferrières,
Roi Modus, éd. Tilander, 202, 26,
ibid., p. 150 : Comment ... sont les gens des trois estas
avecques le roy de Visses); 1422 « contre » (
A. Chartier,
Le Quadrilogue invectif, éd. Droz, 11, 6,
ibid., p. 149 : La guerre qu'il eut
avecques le roi Daire);
2. xiies. « malgré » (
Dame de Faiel, dans
Couci ds
Littré : [Je] Chanterai pour mon courage, que je veuil reconforter; Car
avec mon grant domage [je] Ne veuil mourir n'afoler);
3. a) début
xiies. indique la manière (
Moniage Guillaume, éd. Cloetta ds
G. Löfgren,
op. cit., p. 126 :
Avoec l'aïe le roi de maïsté, Dis mil paiens lor ont le jour tüé);
cf. 1422 (
A. Chartier,
op. cit., 23, 16,
ibid., p. 153 : N'estores tu pas raemply lors de richesses, environné de delices
avecques toute franchise d'en user);
b) 1160 70 le moyen (
Thomas,
Tristan, éd. J. Bédier, 2589,
ibid., p. 126 : Trenche la mer
ove sa nef); 1225 (Colleg. de Metz, A. Mos. ds
Gdf. Compl. :
Ovoec la [lo] sael ...); 1284 (
J. de Meun,
Art. de Chev., éd. Robert, 154, 1 ds
G. Löfgren,
op. cit., p. 126 : Et les enversent
avec les limaçons).
B.− Adv. milieu
xies. « en même temps » (
Alexis, éd. G. Paris et L. Pannier, 42c ds T.-L. : mes pedre me desirret, Si faït ma medre...,
Avoc ma spose que jo lor ai guerpide);
cf. ca 1100 (
Roland, éd. Bédier, 3626 : Encalcent Franc e l'emperere
avoec); actuell. l'emploi adverbial est familier.
Du lat. *
apud-hŏque devenu *
apu-hŏque, dans lequel l'[u] s'est fermé en [w], lequel est ensuite tombé devant l'accent; d'où *
apŏque qui a donné régulièrement en a.fr.
avuec (exemples ds T.-.L. et
Gdf. Compl.).
Cf. l'a.fr.
o(d) « avec », lui aussi issu du lat.
apud. L'hyp. d'une formation à partir de *
ab hoc, *
abhŏque (
Bl.-W.5,
EWFS2,
Bourc. 1967, § 317c) fait difficulté sur le plan phonét. car le
b intervocalique se serait amuï au contact de l'élément vocalique suivant (
Fouché, p. 639); en outre l'étymol. *
ab hoc >
avec ne trouve aucun appui, ni dans le lat. de la Gaule, ni en a.fr. : aucun exemple où
ab marque la concomitance d'égalité ou signifie « outre », « de plus »; il y a lieu de douter que
ab ait eu en Gaule assez de force pour donner naissance à une combinaison nouvelle et aussi vigoureuse. Le sort de
ab dans les lang. rom. s'oppose à cette supposition (
G. Löfgren,
op. cit., p. 140).