AULNE, subst. masc.
ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1200
ausne « bois d'aune » (
Escoufle, éd. H. Michelant et P. Meyer, 5222 ds T.-L. : un hanepel d'
ausne C'on ot por un denier ëu); 1268-71
aune, arbre (
E. Boileau,
Métiers, éd. G.-B. Depping, 284,
ibid. : escorce d'
aune ne doit noient);
ca 1314
aulne (
G. du Bus,
Fauvel, éd. A. Pey, 1618,
ibid. : Tremble y avoit qui sambloit
aulne).
L'examen de la carte ling. de « aune » pour le domaine gallo-rom. c.-à-d. au sud d'une ligne Loire-Vosges, domaine des formes issues du gaul. *
verno-, au nord, domaine du fr.
aune (v. carte ds
Arch. St. n. Spr., t. 121, 1910, p. 240) a conduit Th. Frings ds
Etymologica Wartburg, 1958, pp. 239-259 à proposer l'hyp. suiv. :
aune est issu du lat.
alnus, de même sens (dep.
Catulle, 17, 18 ds
TLL s.v., 1705, 30), qui, tandis qu'il se heurtait au sud au domaine du substrat gaul. *
verno-, s'implantait au nord grâce à son homophonie avec le superstrat a.b.frq. *
alisa; v. aussi M. Pfister ds
Z. rom. Philol., t. 88, 1972, pp. 189-190; Frings a démontré que le vocab. frq. du nord de la France, ayant été essentiellement apporté par les Francs du nord-ouest,
alnus est entré en contact non avec le frq. *
alira (comme le propose Jud ds
Arch. St. n. Spr., t. 121, 1910, pp. 76-96), forme en usage chez les Francs du sud-est dans les régions de la Moselle et du Main, mais avec *
alisa, en usage dans les régions de la Meuse, de l'Escaut et du cours supérieur du Rhin (
cf. m.b.all., m. néerl.
else), ce qui expliquerait la forme d'a. fr.
ausne, si celle-ci n'est pas seulement une graphie; le maintien du substrat *
verno- dans le domaine d'oc s'explique peut-être par le fait que l'
aune, plus fréquent en ce domaine souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive.
L'hyp. d'un croisement entre l'a.b.frq. *
alira et les noms d'arbres en
-inus tels que
fraxinus, carpinus (Jud,
loc. cit.) est moins vraisemblable, d'autant que
aune a de nombreux correspondants en Italie du Nord (
REW3, n
o376); v. aussi la critique des thèses de Jud, formulée par Meyer-Lübke ds
Z. rom. Philol., t. 33, 1909, pp. 431-438 et la réponse de Jud qui maintient sa position ds
Arch. St. n. Spr., t. 124, 1910, pp. 83-108. D'autre part il semble difficile de faire dériver
aune du lat.
alnus sans aucune influence étrangère (
REW3,
EWFS2, v. aussi Feller ds
B. de la Commission royale de topon. et de dialectol., t. 7, 1933, pp. 23-115, hyp. soutenue à nouveau récemment par L. Remacle ds
R. Ling. rom., t. 36, 1972, pp. 305-310) : c.-à-d. sans tenir compte de son homophonie partielle avec le frq. *
alisa qui n'a pu que favoriser son implantation.