AMOUR, subst. masc. (except. fém.)
Étymol. ET HIST. − 1. a) 842 subst. fém. « sentiment d'affection profonde (pour qqn) » (
Serm. de Strasb., I, 1 ds
Gdf. Compl. : Pro deo
amur); 1271
pour l'amour de Dieu « gratuitement » (
E. Boileau,
Liv. des mest., 2
ep., II, 92,
ibid. : O li preste beste ou charete
pour amor Dieu ou pour son
amor de lui);
b) 1172 spéc. « passion d'un sexe pour l'autre » emploi abs. (
Chrét. de Troyes, éd. M. Roques, IV,
Chevalier au Lion, 140 : Ne por lui ne lessiez a dire Chose qui nos pleise a oïr Se de
m'amor volez joïr);
c) 1623 « sentiment d'attachement (pour qqc.) » (
Coeffeteau,
Hist. romaine, liv. I ds
Dict. hist. Ac. fr. t. 2 1884, p. 565 : Cela fait voir que ce fut une pure
amour de la République ... qui lui fit [à Auguste] conseiller à Tibère et au Sénat de se contenter de l'estendue de leur Empire);
d) loc. diverses, fig. début
xiiies.
terre en amour « terre dans un état de fermentation propre à la végétation » (
Elie de St Gilles, 1372 ds T.-L. : Le blé nous fait sourdre de la
terre en amour); fin
xvies.
faire l'amour à « courtiser » (
L'Estoile,
Mém., 1
rep., p. 114 ds
Gdf. Compl. : Tous deux
faisoient l'amour a la fille du dit seingneur de la chapelle pour l'espouser); 1606
être en amour « être en chaleur (en parlant des animaux) » (
Nicot :
Estre en amour, se dit des oiseaux quand ils sont en chaleur et desirent s'apparier pour faire des petits);
2. fin
xiie-début
xiiies. « objet aimé (en parlant de qqn ou qqc.) » (
Aucassin et Nicolette, 27, 4 ds T.-L. : Entre ses bras ses
amors Devant lui sor son arçon), d'où au fig., loc. proverbiale 1611
Il n'y a point de laides amours, ni de belles prisons (
Cotgr.); 1690
remède d'amour, se dit d'une femme fort laide (
Fur.); 1718
Froides mains, chaudes amours, pour dire que la fraîcheur des mains marque d'ordinaire un tempérament chaud
(Ac.). Rem. : le plus souvent fém. en a. fr.
amour devient masc. aux
xvieet
xviies. sous l'influence du genre lat.;
3. 1680
Amour « nom donné à la divinité fabuleuse qui, selon les poètes, préside à la passion de l'amour » (
Rich. t. 1 :
Amour. Dieu qu'on peint avec des aîles, un carquois, des flèches et un bandeau sur les yeux);
4. technol.
a) 1751 fauconn. (
Encyclop. t. 1 :
Amour a son accept. en Fauconn. : on dit
voler d'amour, des oiseaux qu'on laisse voler en liberté, afin qu'ils soûtiennent les chiens);
b) 1752 bot.
pomme d'amour « tomate » (
Trév. : Pomme d'amour. C'est le fruit d'une espèce de morelle);
c) 1771 peint. (
Trév. : On dit [...] qu'une toile a de l'
amour, pour dire, qu'elle a un petit duvet qui la rend propre à recevoir la colle et à s'attacher fortement à la couleur).
Empr. au lat.
amor, attesté au sens 1 a (l'obj. de l'amour est une pers.) dep. Plaute (
Amph., 841 ds
TLL s.v., 1968, 70 : parentum amorem et cognatum concordiam);
cf. lat. chrét. chez St Augustin (
Ciu., 14, 28 ds
Blaise : fecerunt civitates duas, amores duo, amor sui, amor Dei); 1 b dep. Ennius (
Trag., 213, ds
TLL, ibid., 21 : Medea, animo aegra, amore saevo saucia); 1 c (l'obj. de l'amour est un inanimé) dep. Plaute (
Curc., 357,
ibid., 1970, 10 : invocat Planesium : meosne amores?); au sens 3 (gr. Eros) dep. Plaute (
Bacch., 115,
ibid., 1973, 26 : Amor, Voluptas, Venus); l'évolution phonét. rég. aboutit à
ameur, forme attestée en a. fr. au sens de « rut » (début
xves.,
Martin Le Franc,
Champion des dames, cité par A. Thomas ds
Romania t. 44, p. 322); la forme
amour représente un développement dial. propre à la Champagne orientale, centre comtois de grande importance (
Fouché t. 2 1958, p. 307) − ou est due à une influence de l'a. prov. (dep.
xiies.,
Rayn.) étant donné le rayonnement des troubadours.