ALLEU, ALEU, subst. masc.
Étymol. ET HIST. − 1085-1110 dr. féod.
aloe « domaine héréditaire possédé en pleine propriété, exempt de toute redevance » (
Fragment de Gormund et Isembard, éd. Heiligbrodt, 166 ds T.-L. : tint Pontif E les
aloez saint Valerin); 1131
id. alloeuf «
id. » (
Ch. ann. 1131
inter Probat. tom. 2
Hist. Lothar., col. 295 ds
Du Cange s.v. alodis, t. 1, 196 a : Ont aussi donné leurs pescheurs avec toute la pescherie de leurdit
Allœuf, comme aussi l'
Allœuf de Moranges... Item l'
Alœuf de Luringe);
ca 1150
id. alue «
id. » (
La Vie de saint Alexis, rédaction interpolée du
xiies., éd. Paris et Pannier, S 104 : Quant çou fu cose que il l'ot espousée, De ses
alues moult gentement douée) [et non
ca 1050,
Vie de St Alexis, selon
FEW t. 15
1,
s.v. *
alôd, version où l'on trouve aux vers 78 et 545 un part. passé au sens de « logé, placé »];
xiies.
id. alot «
id. » (
Glossaire de Tours, éd. Delisle, 330 ds T.-L. : fundus :
alot);
ca 1180
id. aleu «
id. » (
G. de Saint-Pair,
Roman du Mont-Saint-Michel, éd. Michel, 1672,
ibid. : Toz cels qu'il a fait baptizier A lor
aleuz fist reparier); 1252
id. aluef «
id. » (
Ch. ann. 1252, ex
Chartul. Campan., f
o394 col. 2 ds
Du Cange,
loc. cit.), forme ayant subi l'influence de
fief.
De l'a. bas frq. *
alôd « pleine propriété », composé de
al « plein, entier » et *
ōd, corresp. frq. du germ. *
auda- « bien, propriété » attesté dans les formes de même sens got.
auda-, a. nord.
auodr, ags.
ēad, a. sax.
ōd, a. haut all.
ōt (
Kluge 1967). Cet a. bas frq. est transcrit
alodis dans la Loi Salique, rédigée entre 507 et 596 (
Lex. Sal. Merov. titre 59 ds
Mittellat. W. s.v. alodis, 495, 7 : de alodis). Le mot est aussi attesté dans les lois barbares et dans les formulaires francs du
vieau
xes. dont le
Formulaire de Marculf (vers 650) (Alf
Uddholm,
Formulae Marculfi, 1953, p. 199), etc. Les formes lat. sont variées :
alodus, alodum, al(l)odium, alotis, alotus (
K.-J. Hollyman,
Le Développement du vocab. féod. en France pendant le Haut Moy. Âge, Paris, Minard, 1957, p. 51);
cf. aussi
Du Cange,
loc. cit.; selon
Mittellat. W., loc. cit., 494, 71 l'on rencontre
alodis (-us) jusqu'au
xies.,
alodium dep. le
ixes.,
allodium dep. le
xies. Le sens premier de « propriété entière, bien héréditaire » est bien attesté (1088,
Hariulf.,
Chron., 1, 15, p. 25, 6 ds
Mittellat. W., loc. cit., 495, 53 : paternae haereditati, quam nostrates alodium vel patrimonium vocant, sese contulit). En lat. médiév. le mot a signifié « bien possédé en propre », ces biens étant « meubles » puis « meubles et immeubles » et enfin uniquement « immeubles » (
Mittellat. W. et
FEW, loc. cit.). En fr. avec le développement de la féod. apr. l'époque franque,
alleu a pris le sens de « bien exempt de tout droit féodal ». −
Alleu a été concurrencé par
franc-alleu dès la fin du
xiies. (1177,
Chrétien de Troyes,
Chevalier au Lion, éd.
W. Foerster, 1404 var. ds T.-L., emploi par image : Amors... Logiee s'est an franc
alue Dont nus ne li puet feire tort).