AIGU, UË, adj.
Étymol. ET HIST.
I.− « Qui se termine en pointe ou en tranchant » :
ca 1100 « pointu (d'un heaume, d'un éperon) » (
Rol., 1954-55, éd. Bédier : Fiert Marganices sur l'elme a or,
agut, E flurs e cristaus;
cf. v. 1573 : Brochet le bien des
aguz esperuns); d'où différents emplois
a) 1690 en parlant d'un angle, d'un triangle (
Fur. : en termes de géométrie, on appelle un angle
aigu, celuy qui a moins de 90 degrez, un triangle
aigu ou oxigone, celuy qui a ses trois angles
aigus);
b) 1834 hist. nat., en parlant de feuilles (
Land. :
feuilles aiguës, celles dont l'extrémité opposée au pétiole se termine en pointe). −
Ac. t. 1 1932; 1845 (
Besch. :
coquille aiguë. Celle dont l'ouverture est
aiguë aux deux extrémités;
ibid. : antennes aiguës, se dit dans les insectes quand elles se terminent par un article
aigu et roide);
Lar. 19edit d'une manière plus gén. : hist. nat. : se dit en parlant des animaux et des plantes de toutes les parties qui sont terminées en pointe.
II.− « Qui produit une sensation vive, pénétrante »
1. a) 1180-90 « fin pénétrant (en parlant de l'esprit ou d'une pers.) » (
Chrét. de Troyes,
Le Chevalier à la Charrette, 3143-45, éd. M. Roques; Li rois Bademaguz, qui molt est soutix et
aguz a tote enor et a tot bien);
b) 1548 « spirituel, piquant (d'un vers, d'une répartie) » (
Sébillet,
Art. poet., II, 1 ds
Hug. : Sois en l'epigramme le plus fluide que tu pourras, et estudie à ce que les deuz vers derniers soient
aguz en conclusion : car en ces deuz consiste la louenge de l'epigramme), qualifié de
vieilli ds
DG, encore noté en ce sens fig. ds
Lar. 20e;
2. 1180-90 en parlant d'une fièvre (
Ren., XIX, 18630-31, éd. M. Roques : Sire, fait il, se Diex me saut, bien voi vos avez fievre
ague);
3. 1644, en parlant des sons (
Corneille,
Pompée, II, scène 2, v. 537-38, éd. Marty-Laveaux : La triste Cornélie, à cet affreux spectacle, Par de longs cris
aigus tâche d'y mettre obstacle); d'où
a) 1838 mus., en parlant de sons très élevés de l'échelle musicale (
Ac. Compl. 1842 : notes
aiguës [acutae voces], expression par laquelle on désignait, dans l'ancienne musique, l'étendue des notes comprises depuis le la sur la 5
eligne de la basse, jusqu'au sol, sur la 2
eligne du violon);
b) 1690 gramm. (
Fur. : en grammaire, on appelle accent
aigu, celuy qui marque que la syllabe se doit prononcer d'un ton élevé et avec un son
aigu);
c) 1752
vers aigus (
Trév. : les Espagnols appellent
vers aigus, les vers qui finissent par des mots qui ont l'accent sur la dernière syllabe). − 1866
(Lar. 19e).
Du lat.
ăcūtus attesté dep. Plaute au sens de « coupant, tranchant (d'une charrue) »,
Miles, 1397 ds
TLL s.v., acuo 461, 42; au sens I ds
Lucrèce, 5, 1264
ibid. 463, 31 : quamvis in acuta ac tenuia posse mucronum duci fastigia procudendo; au sens I a dep.
Frontin,
Liber Gromaticus, p. 41, 3,
ibid., 464, 50 : anguli ... recti ... hebetes ... acuti; I b ds
Pline,
Nat., 13, 52,
ibid., 464, 18 : durum, acutum spinosum; au sens II 1 a dep.
Cicéron,
Verr., 3, 128,
ibid., 464, 64 : excogitat (dixi iam dudum, non est homo acutior quisquam nec fuit) excogitat, inquam; au sens II 2 ds
Pline,
Nat., 22, 138,
ibid., 466, 76 : acutas pituitae fluctiones, quas Graeci rheumatismos vocant.; au sens II 3 ds
Cicéron,
De Orat., I, 57,
ibid., 465, 65 : tribus omnino sonis, inflexo, acuto, gravi; en rapport avec II 3 c
syllaba acuta ds
Quint., 1, 5, 23,
ibid., 466, 40 « syllabe marquée de l'accent aigu ». Du lat.
ăcūtu est régulièrement issu l'a. fr.
ëu (conservé dans le toponyme,
Le Montheu, commune de Dommartin-sous-Amance, Meurthe-et-oselle, attesté sous les formes
Mons acutus, anno 879,
Monteu, 1298 d'apr.
Lepage,
Dict. topographique de la Meurthe, Paris, 1862, p. 93 b), forme inconsistante remplacée par l'a. fr.
agu prob. refait sur le lat. La graphie
ai- (dep.
xiiies.,
Sermon poitevin ds T.-L.) est soit due à un croisement avec
aigre (
cf. sauses aigues, ibid. ds T.-L.) soit plus prob., et de la même manière que
aiguille* et
aiguillon*, à l'influence de
aiguiser (< lat. *
acutiare) par réfection de *
agudo d'apr. *
ayguydzare, Fouché, p. 434.