ACHETER, verbe trans.
Étymol. ET HIST. − 1. xes.
acheder « obtenir » (
Fragm. d'une homélie sur le prophète Jonas ds
Förster-Koschwitz,
Altfr. Übungsbuch, 58; « procurer »
ibid., 31 :
Acheder ço que li preirets); mil.
xies.
achater « procurer » (
Alexis, éd. G. Paris, 40 : Donc li
achater fille ad un noble franc);
2. 2
emoitié du
xiies. « acquérir (un bien) contre paiement » (
Wace,
Roman de Rou, III, 1376 ds T.-L. : Sun pesant d'or l'
ad achatee); 1150-1170,
Lois de Guillaume le Conquérant, en fr. et en lat. publ. par J. E. Matzre, 21, 1 : Et s'il n'ad guarant ne haimelborch, [
Haimelborch « gage, garantie d'origine » = vieil angl.
borgh of haimhald « a pledge exacted from a seller of an article that it is home produce »
NED s.v. hamald] e il ait les testimonies qu'il le
achatad al marché le rei... si perdera sun chatel [trad. lat. : Si vero warantum producere non potest, nec hemoldborch, sed testes habet quod in mercato regis emerit, et hemoldborch... perdet rem illam que calumpniatur];
ca 1195,
Evrat,
Genèse, trad. ds
P. Meyer,
Recueil II, 339, 40 : Les cruelz terres les ont durs... Tez que nus n'i ose habiter Por vendre ne por
acheter);
3. 1160 « obtenir (un avantage) au prix d'un sacrifice » (
Eneas... p.p. Salverda de Grave, 4177 ds T.-L. : Plus chier nen
acheta Paris Heleine dont il fu ocis, Que Eneas fera Lavine);
4. fin
xiies. « s'attirer la confiance de qqn » (
Amis et Amiles et
Jourdains de Blaivies... éd. K. Hofmann, 3640 ds T.-L. : Les hom
sera achatez a touz dis;
xiiies.
Isopet de Lion..., W. Fœrster, 1185 ds T.-L. : Vos
avez per grant oroison
Achetey cest roi; vostre soit).
Issu du lat. vulg. *
accaptare, dont il est difficile de dire s'il est formé de
ad +
captare, fréquentatif de
capĕre ou réfection d'apr.
captare « saisir » du lat. class.
acceptare, doublet de
accipĕre (ces 2 mots étant sans représentants dans les lang. rom.), avec le sens de « prendre à soi » soit pour soi-même, donc « obtenir » (sens très voisin, en certains cas, de « recevoir »), soit pour qqn, donc « procurer », d'où sens restreint « prendre contre argent »; cas analogue de
emere, au sens premier « prendre » (
cf. Pauli Diaconi,
Epitoma Festi, 66, 21 ds
Ern.-Meillet 1959
s.v. emere : emere quod nunc est mercari antiqui accipiebant pro sumere;
ibid., 4, 30 : emere enim antiqui dicebant pro accipere), spécialisé dès l'époque littér. au sens de « acheter », le sens premier se retrouvant dans le dér. :
adimere (
Ern.-Meillet,
ibid.). A. fr.
achate (*
accaptat) remplacé par
achète d'apr. inf.
acheter (< *
accaptare); forme inf.
achater formée sur
achate (
Nyrop t. 1, § 169). Répartition des différents types « acheter » dans la Romania : après la disparition de
emere, 2 types en présence :
comparare (en Roumanie, Italie centrale et, en partie, dans l'Italie septentrionale, Rhétie et Péninsule Ibérique) et
accaptare (au nord de la France, le Piémont, la Ligurie, la Lombardie, au sud de l'Italie).
Formes suiv. a. fr.
acheder (voir
sup.), a. esp.
acabdar (« obtenir »,
DHE), a. prov.
acaptar «
id. » (
Rayn. II, 275) et
acaptar, terme jur. (
ibid., 19) avec ses corresp. lat. médiév. localisés au domaine d'oc (
Nierm. t. 1 1954-58,
s.v. accaptare) postulent un *
adcapitare (
Mussafia,
Lit. f. germ. u. rom. Philol., VII, 1886, 166) : − soit par transformation de
accaptare sous l'influence de
caput (
EWFS2; diffic. sém.) ou par hypercorrection,
accaptare étant senti comme forme vulg. syncopée de *
accapitare (
cf. Cor. s.v. recaudar); − soit par formation indépendante, parallèlement à *
accaptare et dans ce cas ou bien à partir de
caput (voir
inf.), ou bien fréquentatif de
accaptare, celui-ci n'étant plus senti comme tel (
REW3,
FEW), hyp. satisfaisante des points de vue phonét. et sém. Les formes lat. médiév. de type
accaptare (
Nierm., Du Cange) correspondent à l'a. prov. jur.
acaptar et sont donc altérées de *
accapitare sous l'influence du type dominant d'oïl *
accaptare (a. fr.
achater). Anc. prov.
acatar « acheter » (1 attest. ds
Rayn. II, 275) est issu soit du type *
accaptare, soit, plus prob. par altération de
acaptar (
ibid. « obtenir ») sous l'influence de l'a. fr.
achater.
Hyp. *
accapitare : ad - +
caput « ajouter à son capital » (
Thomas,
Mélanges d'Étymol., Paris, 1902, p. 4) fait difficulté au point de vue sém. et hist. (
Meyer-Lübke,
Zur Kenntnis des Altlogudores. ds
Sitzungsberichte d. Wiener Akad. phil.-hist. Kl., 145, p. 63; aussi cr. de
Bernitt,
Lat. caput
und capum
nebst ihren Wortsippen im Französischen ds
Lit. f. germ. u. rom. Philol., 27 (1906), p. 370). De même l'hyp. semblable de M. Régula (
Z. rom. Philol. 44 (1924), 642) qui part d'un sens supposé « augmenter son cheptel ».