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ABSURDE, adj. et subst. masc.
Étymol. − Corresp. rom. : prov. mod. absurde, absurdo; esp., port., cat. absurdo; ital. assurdo. « Qui n'a pas de sens, contraire au sens commun (d'une chose) », absorde, début xiiies. (Règle de St Benoît, trad. en vers fr. par Nicole, éd. A. Héron, 3665 ds Quem. : Cum ce absorde chose soit Chascun de legier aperçoit); absurde, 1371-75 (Raoul de Presles, Cité de Dieu, 10, 31 (éd. 1531) ibid. : Chose tres absurde et tres folle); absourde, 1529 (Colin Bucher, Poésies, éd. Denais, 276, ibid. : J'attendois bien certes telles usures Et pour espitre inelegante et lourde, Ou nulles sont museÿnes mesures, Nulles doulceurs, mais toute chose absourde, Avoir escript tres opulent et riche). Empr. au lat. absurdus dont le sens primitif semble être « dissonant » (Cicéron, De Oratore, 3, 41 : vox... absona atque absurda), d'où « hors de mise, contraire au sens commun » dep. Térence, Adelphes, 376 ds TLL s.v., 221, 81 (qualifie ratio) cf. 1256-60, Albert le Grand, De animalibus, 8, 233 ds Mittellat. W. s.v., 65, 59. Influence possible du fr. sourd (a. fr. sort) sur les formes du type absorde et absourde (cf. lat. médiév. absurdus « surdus » ds Mittellat. W. s.v., 65, 69); sur les rapports possibles entre absurdus et surdus, cf. Ern-Meillet 1959, s.v. absurdus, surdus, susurrus. HISTORIQUE I.− Adj. − A.− L'emploi fig. du lat., « qui choque la raison » (cf. étymol.), sens premier en fr. ne concerne que l'inanimé (chose, proposition, acte, etc. avec nuance dépréc.). C'est l'emploi class. par excellence (cf. Rich., Fur., les 4 premières éd. de l'Ac., la série des Trév., etc.); il se maintient jusqu'au xxes. (cf. sém.). − Rem. L'adj. dans ce cas pouvait être suivi d'un inf. introduit par à : (...) Ce dogme absurde à croire, absurde à pratiquer. Voltaire (Littré). B.− À la fin de l'époque class., l'adj. s'étend à l'animé, essentiellement en parlant de l'homme (animal raisonnable par essence et donc déraisonnable par accident, c.-à-d. absurde). Cf. Ac. 1798. Cet emploi se maintiendra jusqu'à nos jours (cf. sém.). − Rem. 1. Dans un ex. isolé du xvies., le sens propre du lat. « discordant, qui choque les oreilles » réapparaît sous la plume d'un humaniste : La coupe fémenine... doit estre (gardée) par toy, ne fut [fust] que pour eviter le son absurde, pour lequel sont moins prisés aujourd'huy aucuns poètes qui ne l'observent. T. Sébillet, Art poétique, 1548, p. 55 (Vaganay, Hist. fr. mod.). 2. Lal. signale l'avis de L. Boisse, selon lequel ,,il serait plus correct de ne pas employer ce mot en parlant des personnes``. II.− Subst. − A.− xvies. Un absurde « une chose absurde » : Il n'est aucun absurde selon nous plus extreme que de maintenir que le feu n'eschauffe point, que la lumiere n'esclaire point. Montaigne, II, 12 (Hug.). Cf. aussi Nicot 1606, s.v. : (...) adjectif et quelquefois substantif (...) comme Ce serait un trop grand absurde. Nimia haec quidem esset absurditas. Cotgr. 1611 mentionne cet emploi et traduit par an absurditie. Les dict. post. ne le mentionnent plus (DG le signale à nouveau en 1900, mais comme arch., et à travers le seul Nicot). B.− Abstr., avec l'art. déf. l'absurde. 1. La loc. lat. ab absurdo, véhiculée par la scolast. passe en fr. où logiciens et mathématiciens l'emploient constamment; Ac. Compl. 1842 lui consacre encore un art. spéc. : Absurdo (ex ou ab). Locution, empruntée au latin, qu'on employait dans la scolastique pour dire, En partant d'un principe absurde. Raisonner par l'absurde. Le calque par l'absurde s'est acclimaté insensiblement. La substitution commence au début du xviies. quand mathématiciens et philosophes se mettent à écrire en lang. vulg.; elle est achevée au xixes. : Démonstration par l'absurde. Ac. 1798. 2. On peut supposer que le subst. abstr. autonome s'est dégagé de l'expr. par l'absurde : Tomber dans l'absurde. Ac. 1798. 3. Tout en continuant à vivre dans la lang. cour., le subst. abstr. passe à nouveau au xxes. dans la lang. des philosophes, A. Camus notamment, dont il devient un des mots-clés (cf. sém.). La nuance dépréc. tend à disparaître et le terme caractérise une certaine « façon d'envisager le réel ».