NET1, NETTE, adj. et adv.
Étymol. et Hist. I. Adj.
A. «sans souillure» (domaine moral)
1. en parlant d'une pers.
a) 1
remoitié
xiies. (
Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, 118, 1: Beneüré li
net en la veie [
immaculati in via]); 1174-76 (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, St Thomas, 4831 ds T.-L.); fin
xiies. (
Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.46, 37: Bien auret...sunt li
nat de cuer);
b) 1174-76 «loyal, intègre, droit» (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, op. cit., 170 ds T.-L: de
nette gent fu nez);
2. en parlant d'un inanimé
a) 1
remoitié
xiies. (
Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, 17, 32: Deus...ki posat nete la meie veie [
posuit immaculatam viam meam]);
b) p.ext.
ca 1195 «sans détour, sans ambiguïté, sans arrière-pensée, parfait» (
Ambroise, Guerre sainte, 5058 ds T.-L.: pais estable e
nette); 1219, avr. [choses]
de nete pensez et de sain consel (Charte ds M.
Tailliar, Recueil d'actes en langue wallonne, p.61); 1225-59
amor nete e pure (
Jean Erart, Poésies, éd. T.Newcombe, IX, 22).
B. «Pur, non altéré, sans trouble»
1. 1160-74
eve nete (
Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 238);
ca 1200
vassal net (
Guiot, Bible, éd. J. Orr, 2450);
id. tans nes et purs (
Renart, éd. E. Martin, XI, 3); fin
xiie-début
xiiies.
air nés (
Le Conte de Floire et Blancheflor, éd. J. L. Leclanche, 1
355); 2. p.ext.
a) ca 1170 «propre» (
Béroul, Tristan, éd. A. Ewert, 3862); 1174-87
mains netes (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 6642); [1552 fig. (
Amyot, Plutarque, Vies, Périclès, 74 ds
OEuvres, éd. G. Walter, t.1, p.378: En si grande licence, avoir conservé ses mains pures et
nettes)];
ca 1200
maisons nettes ici, fig. (
Guiot, op. cit., 1742); 1280
robe nete (
Clef d'amor, 349 ds T.-L.);
b) 1475 emploi subst.
metre au net «faire une copie lisible à partir d'un brouillon» (J.
de Roye, Chron. scandaleuse, éd. B. de Mandrot, t.1, p.352).
C. «Perçu de manière précise par les sens, par l'intelligence; qui conçoit ou exprime de manière précise et claire»
1. domaine de l'esprit
a) 1535 «qui conçoit clairement» (
Olivetan, Bible, Sap., 7, 22 d'apr.
FEW t.7, p.149b); 1559
nette intelligence des affaires (
Amyot, op. cit., 30, p.351); 1608 «qui a une conception, une expression claires» (
M. Régnier, Satires, éd. G. Raibaud, IX, 25: Desportes n'est pas
net, du Bellay trop facille);
b) 1647 «clair, précis (du langage)» (
Vaug., p.578: Un langage pur, est ce que Quintilien appelle
emendata oratio, et un langage
net, ce qu'il appelle
dilucida oratio);
2. domaine des sens
a) 1645 «qui a des contours précis (dessin, écriture)» (A.
Bosse, Traité des manières de graver en taille douce, 2 d'apr.
FEW, t.7, p.150a),
cf. 1649,
Id., Sentimens sur la distinction des diverses manières de peinture et graveure, p.86: les [...] hacheures ne paroissent plus si
nettes sur le papier);
b) 1752
pierre nette (
Trév., s.v. pierre);
c) 1679, 4 juill.
voir net ici, fig. (
Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t.2, p.434);
d) 1690
voix claire et nette (
Fur.).
D. «Débarrassé, délivré de ce qui charge, encombre» 1455-75
metre [une ville]
au net «saccager» (
Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.3, p.351, 28); fin
xves.
net de «libre, non encombré de»
grève toute nette de gens (
Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t.3, p.188, 9); 1542
faire les platz netz (
Rabelais, Gargantua, add. de l'éd. de Lyon, F. Juste, 1542 ds éd. R. Calder et M. A. Screech, p.43, 85) −spéc.
1. a) s.d. [av. 1483] comm.
celui qui vient de net «produit, bénéfice net» (
Lettres de Louis XI, éd. J. Vaesen et B. de Mandrot, t.10, p.466);
b) fin. 1557, 9 déc. «libre de charge (d'un bien)» (
Coutume de Courtrai ds Ch.
Bourdot de Richebourg, Grand coutumier, t.1, p.1044);
c) 1723 comm. [
poids net] (
Savary, s.v. net: Se dit:... de ce qui reste après que l'on a ôté la tare du poids brut de la marchandise);
2. xviies.
avoir le coeur net de «être délivré d'un souci par rapport à» (O.
Basselin, Vaudevires, XIX ds
Vaudevires d'Olivier Basselin et de Jean Le Houx, éd. B. L. Jacob, Paris, 1858, p.35).
II. Adv.
1. début
xiiies. «complètement, tout à fait» (
Ste Julienne, 2236 ds T.-L.); 1
remoitié
xiiies. [ms.]
tot a net loc. adv. «
id.» (
Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 5627, var., v. t.2, p.110); 3
etiers
xiiies.
net (
Jacques de Cysoing, Quant foille vers..., 7 ds
Chans., éd. E. Hoepffner ds
St. mediev. t.11, 1938, p.93);
2. 1530 «tout d'un coup et rapidement»
coupper tout net (
Palsgr., p.505b,
s.v. I nette away); 1668
être étranglé court et net (
La Fontaine, Fables, VI, 19);
3. a) 1636
dire, parler, refuser net «catégoriquement, sans ambiguïté» (
Monet); 1640
trancher net «dire librement» (
Oudin Curiositez, s.v. trancher);
b) 1677, 16 juill.
casser (qqn)
tout net (
Sévigné, op. cit., t.2, p.295):
4. 1649
imprimer bien net (A.
Bosse, Sentimens..., p.85);
5. 1665
payer net et comptant (
La Fontaine, Conte d'un paysan qui avait offensé son seigneur ds
OEuvres, éd. R. Groos et J. Schiffrin, t.1, p.381);
6. 1748
marchandise pesée net (
Savary, éd. 1748, t.3, p.566b). Du lat.
nitidus «luisant, brillant, resplendissant; pur, limpide (
fons, aether); brillant de beauté, de jeunesse; paré, élégant; (en parlant du style) soigné, poli, brillant [Cicéron, Quintilien]». De la notion de «brillant, resplendissant», est issue celle de «net, propre», très voisine (
cf. nitidae aedes, Plaute). Le sens «pur, limpide» att. au fig. à basse époque, se développe dans la lang. chrét. où le mot est employé comme anton. de
corruptus, falsus: nitidas preces (début
vies. ds
Blaise Lat. chrét.).