ÉCARLATE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. 1. a) 1168
escarlate « étoffe précieuse de couleur variable » (
Chrétien de Troyes,
Erec et Enide, éd. M. Roques, 2061) − 1658
escarlatte (
L. Briele,
Collection de documents pour servir à l'histoire des hôpitaux de Paris, Paris, 1883, t. 4, p. 288);
b) 1636
écarlate « étoffe d'un rouge vif » (
Monet);
2. a) 1172-74
escarlate « couleur d'un rouge vif » (
Guernes de Pont-Sainte-Maxence,
Vie de Saint Thomas le Martyr, éd. E. Walberg, 5229);
b) 1770
rouge écarlate (
Buffon,
Hist. naturelle, t. 16, p. 171); 1775
écarlate adj. (
Beaumarchais,
Barbier de Séville, I, 407). Du lat. médiév.
scarlata « drap écarlate de différentes couleurs éclatantes » (1100 ds
Nierm.);
scarlech «
id. » (1103 ds
Mach.,
s.v. escarlata), empr. à une forme ar. *
sikirlāṭ
ou
saqirlāṭ
(
cf. les formes mozarabes attestées ds des doc. de 1001 et 1197 d'apr.
Cor.,
s.v. escarlaat, et les formes attestées en persan :
siqillāṭ, saqallāṭ, saqallāt, saqirlāṭ, saqirlāt, saġirlāṭ
[cette dernière forme à la fin du
xiiies. chez Rashīd ad-Dīn] « certain tissu de laine fabriqué dans le pays des Chrétiens » [G. S. Colin ds
Romania, t. 56, 1930, pp. 186-187]) issue par dissimilation en
-rl- du groupe
-ll- de l'ar.
siǧillāṭ, siqillāṭ
« tissu de laine ou de lin, décoré de
ḫawātim, c'est-à-dire de ,,cachets`` ou de ,,sceaux`` ou de ,,bagues`` » (
viies.) lui-même empr. à une forme gr. médiév. *σ
ι
γ
ι
λ
λ
α
́
τ
ο
ς (attestée au début du
ixes. Colin,
op. cit., p. 179), et celle-ci au b. lat.
sigillātus « (en parlant d'un vêtement ou d'une étoffe) orné de
sigilla [petites figures] » (
ives. ds
Forc.,
s.v. sigillo), déjà en lat. class. au sens de « orné de figurines, de reliefs, ciselé » (
Cicéron 6
Ver., 14, 32,
ibid.) dér. de
sigillum « petite figure, figurine, statuette; motif décoratif représenté en peinture ou en broderie sur un tissu (
Ovide,
Métamorphoses, 6, 85-86 ds
Forc.); cachet, sceau »
(sceau*
). L'usage de décorer un tissu au moyen de
sigilla est attesté chez les Romains (
cf. Ovide,
supra) et également chez les Arabes (
cf. Dozy t. 1, p. 352 a,
s.v. muḫattam : « [en parlant d'une étoffe] bigarré; consistant en figures blanches quadrangulaires et octogones sur un fond bleu » [fin du
xiies.-début du
xiiies.]). Le sens « tissu décoré de
sigilla » du b. lat. s'est estompé au profit du sens « tissu au fond de couleur bleue » dans le monde ar. oriental. En Occident ar. puis en Occident chrét., l'écarlate vint à désigner un tissu riche de n'importe quelle couleur, puis un tissu rouge du fait de l'utilisation de la teinture à base de cochenille (au
xiies., Almeria en Espagne fut l'un des centres de production les plus importants), de là le sens actuel de « couleur rouge ».