| ÉTERNISER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. Rendre éternel, faire durer. Éterniser la gloire, la mémoire de qqn. Le désir de perpétuer et d'éterniser ce qu'on aime (Michelet, Insecte,1857, p. 298): 1. Léopold [le duc] a toujours voulu créer, éterniser son âme. Par la pierre, d'abord : il bâtissait des murs, murs d'églises et de couvents.
Barrès, Colline insp.,1913, p. 277. − Spéc. Acquérir une valeur d'éternité. Le travail même de nos esprits, de nos cœurs et de nos mains (...) ne sera-t-il pas, lui aussi, en quelque façon, « éternisé », sauvé?... (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 40). 2. Faire durer longtemps, prolonger indéfiniment. Éterniser un conflit, une guerre, un malentendu, une négociation, un procès, une querelle. Il y a toujours comme cela une dernière plaie qui ne veut pas se fermer et qui éternise les pansements (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 596). B.− Emploi pronom. 1. Se rendre éternel. Nous avons vu (...) comment la philosophie, parvenue au plus haut point de sa période scholastique, eut besoin de se populariser et de s'éterniser par les chants d'un poète (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 85). 2. Durer trop longtemps, n'en plus finir. L'hiver, la nuit s'éternisait; la situation ne pouvait s'éterniser. L'attente s'allonge, s'éternise (Barbusse, Feu,1916, p. 266): 2. La journée s'éternisait, et elle passait pourtant, sans qu'il sût de quelle façon coulaient les heures.
Zola, Joie de vivre,1884, p. 977. 3. P. hyperb., fam. Rester quelque part, n'en plus sortir; s'attarder au-delà du temps convenable. S'éterniser à la campagne, à table, dans un fauteuil. Montesquieu passa, comme on sait, deux années en Angleterre, puis il vint s'éterniser à La Brède (Stendhal, Mém. touriste,t. 2, 1838, p. 103).L'abbé s'éternisait sur des sujets de pure conversation (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 261).Emploi abs. Pardonnez-moi, madame, je m'éternise, j'abuse de... (Bernstein, Secret,1913, I, 6, p. 10). − Rester indéfiniment, persister. − Mais quoi! Conviendrait-il de s'éterniser en de vains et stériles regrets? (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 6etabl., II, p. 234). Rem. On rencontre ds la docum. a) Éternisé, ée, part. passé adj. Qui semble devenu éternel. Mes soirs éternisés. Les sombres rideaux aux plis éternisés (Rodenbach, Règne silence, 1891, p. 194). b) Éternisation, subst. fém.
α) Fixation dans l'art d'un moment esthétique. L'art est l'éternisation, la fixation dans une forme suprême, absolue, définitive d'un moment, d'une fugitivité, d'une particularité humaine (Goncourt, Journal, 1866, p. 275).
β) Prolongement d'un état. La maîtresse, c'est le coït, si court! La femme aimée, l'éternisation de la jouissance (Michelet, Journal, 1857, p. 336). Prononc. et Orth. : [etε
ʀnize]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1544 « rendre éternel » (Mellin de Sainct-Gelays, Poés., I, 291 ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 142). Dér. du rad. du lat. class. aeternus « éternel »; suff. -iser*. Fréq. abs. littér. : 245. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 321, b) 204; xxes. : a) 522, b) 339. |