| ÉPOUX, OUSE, subst. I.− Au sing. A.− Personne unie à une autre personne par les liens du mariage. Revêtue de la gloire du Très-Haut, l'invisible Jérusalem est parée comme une épouse pour son époux (Chateaubr.Martyrst. 1,1810,p. 182.)À Dieu seul appartient le pouvoir de former le lien mystérieux, indissoluble, qui doit unir l'époux à l'épouse (Lamennais, Religion,1825, p. 71).Une chaste épouse qui attend le retour de l'époux (Gautier, Fracasse,1863, p. 461).Le mariage est un sacrement, dont l'époux et l'épouse sont les seuls ministres (Claudel, Père humil.,1920, II, 2, p. 523). 1. Au masc. Époux a) Usuel. Synon. mari.Ce plaisir mêlé de frayeur, qu'éprouve la jeune vierge prête à passer dans les bras d'un époux (Chateaubr., Natchez,1826, p. 320).J'ai songé trois fois à marier ma fille, à lui donner un époux de mon choix (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 439).Rien au monde de plus beau qu'une femme fidèle à son époux défunt, et dévouée toute entière à ses enfants (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 16): 1. Ce qui m'étonne, dit Huguette Volange, c'est que vivant près d'un homme qui a une personnalité si écrasante vous gardiez un métier à vous. Moi je ne pourrais simplement pas; mon cher époux dévore tout mon temps; je trouve ça normal d'ailleurs.
Beauvoir, Mandarins,1954, p. 181. SYNT. Époux adoré, bien-aimé, chéri; époux fidèle, infidèle, outragé, trahi; époux légitime; futur époux; jeune, nouvel époux; heureux, malheureux époux; tendre époux; digne époux; choisir, prendre (qqn) pour époux; donner (un homme à une jeune fille) pour époux; être l'époux (de qqn) devant Dieu; accomplir ses devoirs d'époux; suivre son époux dans la tombe. − En partic. ♦ [Époux est associé à père] Un mari qui prenait au sérieux ses devoirs d'époux et de père (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 262). ♦ [Époux est associé à maître] : 2. ... celle que j'aimais était bien à moi, ne vivait que pour moi et, même à distance, sans que j'eusse besoin de m'occuper d'elle, me considérait comme son époux et son maître...
Proust, Fugit.,1922, p. 485. − P. ext. Époux illégitime. Concubin. La veuve Fipart, encore émue, vit apparaître son illégitime époux (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 559).Les femmes elles-mêmes appellent leurs amants : Mon époux (Larch.1861, p. 121). b) Dans le domaine jur. (infra II).L'un des conjoints, le mari ou la femme. (L')époux conjoint (v. ce mot I A 1). Toute demande en divorce (...) sera remise (...) au président du tribunal (...) par l'époux demandeur en personne (Code civil,1804, p. 44). SYNT. Époux donataire, donateur, successible; époux survivant. 2. Au fém. Épouse. Synon. femme.Mes compliments à madame votre épouse, dit l'employé (Balzac, Goriot,1835, p. 159).J'aime la pauvreté d'un amour profond, réfléchi, lucide − d'égal à égal − ainsi qu'une épouse au flanc fécond et fidèle (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1079). SYNT. a) Supra 1 a synt. b) Épouse acariâtre, adultère, aimante, irréprochable, légère, soumise, vertueuse; épouse modèle; épouse chrétienne; épouse morganatique; épouse favorite; répudier son épouse. − En partic. ♦ [Épouse est associé ou opposé à mère] Être plus épouse que mère. Cette femme (...) qui, faite pour être magnifiquement épouse et mère, n'a ni mari, ni enfants, ni famille (Balzac, E. Grandet,1834, p. 256). ♦ [Épouse est associé ou opposé à amante ou maîtresse] Cependant Céluta étoit mère; l'épouse féconde n'assuroit-elle pas les droits de l'amante? (Chateaubr., Natchez,1826, p. 324).Cette coucherie sans chemise devait joliment tuer le respect du mari pour la femme et ne plus lui faire voir dans l'épouse qu'une maîtresse (Goncourt, Journal,1890, p. 1211). − P. ext. Le forçat n'a généralement que des épouses illégitimes, que nous nommons des concubines (Balzac, Goriot,1835, p. 186). Rem. Si époux, réservé au lang. littér. ou précieux, est gén. remplacé par mari dans la lang. cour., épouse est utilisé à la place de femme, chaque fois qu'il peut y avoir ambiguïté entre le fém. de mari et celui d'homme. Jamais un épicier, en quelque quartier que vous en fassiez l'épreuve, ne dira ce mot leste : ma femme; il dira : mon épouse. « Ma femme » emporte des idées saugrenues, étranges, subalternes, et change une divine créature en une chose. Les sauvages ont des femmes, les êtres civilisés ont des épouses (Id.,
Œuvres div., t. 2, 1830-35, p. 19). B.− Dans le domaine de la mystique : 3. Il peut (...) y avoir des mariages mystiques, des hymens votifs que l'état civil ne connaît pas (...). Des myriades de religieuses n'en ont pas connu d'autres, et les extases des sainte Thérèse pour l'époux divin n'ont de virginal que l'apparence.
Amiel, Journal.,1866, p. 136. − En partic. ♦ [P. réf. à l'interprétation allégorique selon laquelle les personnages du Cantique représentent Dieu et Israël, ou le Christ et l'Église, unis par un amour conjugal] L'époux, l'épouse du Cantique (des cantiques). Puisse-t-il (...) [M. de Lamartine] comme l'épouse du Cantique, sortir de cette ignorance de lui-même qui ne sied plus à la maturité de son génie (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 2, 1846, p. 82).Absol. L'époux, l'épouse : 4. Maintenant les séminaires nous envoient des enfants de chœur (...). Ça lit des tas de livres et ça n'a jamais été fichu de comprendre − de comprendre, vous m'entendez! − la parabole de l'époux et de l'épouse.
Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1037. ♦ Jésus-Christ, époux de l'Église, des religieuses. Le pontife doit aimer l'Église, comme Jésus-Christ l'a aimée et l'aime. Jésus-Christ est l'époux immortel; l'évêque l'est avec lui (Dupanloup, Journal,1876, p. 112).Préparez-la [cette nouvelle fiancée du Seigneur] pour l'union éternelle à laquelle le céleste époux la convie (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 212). ♦ Le prêtre, époux de l'Église (supra Dupanloup, Journal, 1876, p. 112): 5. Jamais le chrétien ne déposera dans le cœur d'un prêtre le fardeau caché de sa vie, si ce prêtre a une autre épouse que cette Église mystérieuse qui garde le secret des fautes et console les douleurs.
Chateaubr., Litt. angl.,t. 1, 1836, p. 153. ♦ L'Église, les religieuses, épouses du Christ. Quelle jactance (...) que de prétendre savoir de Dieu même ce que l'Église a pour mission d'enseigner! (...) n'était-ce pas pécher gravement contre l'Épouse de Jésus-Christ (France, J. d'Arc,t. 2, 1908, p. 287).En prononçant mes vœux, j'ai juré d'être l'épouse du Christ. Je suis à Lui, Il a ma parole et ma main (Camus, Dév. croix,1953, p. 566). ♦ La Vierge, épouse du Saint-Esprit. Marie, fille bien-aimée du Père; mère du Fils de Dieu; épouse de l'Esprit d'amour (Dupanloup, Journal,1876p. 114). Rem. Dans ce domaine, épouse, époux prennent fréquemment une majuscule (supra France, loc. cit.). − Spéc. [P. allus. au privilège qui conférait au doge de Venise la souveraineté de l'Adriatique et qui était marqué par une cérémonie annuelle d'épousailles avec la mer] Et pourtant ce n'est plus la Venise du ministre de Louis XI, la Venise épouse de l'Adriatique et dominatrice des mers (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 335). II.− Au plur. Les époux. Les deux conjoints, le mari et la femme. Les époux amoureux (v. ce mot ex. 19). Avant-hier, a eu lieu la séance de conciliation entre les deux époux, qui n'a pas abouti (Goncourt, Journal,1894, p. 704).Est-ce bien d'apporter la guerre et non la paix? de venir séparer les époux et les frères? (Mauriac, Journal occup.,1944, p. 340): 6. J'aurais pourtant bien aimé voir avec toi l'âge venir. Voir ton dos se voûter, vérifier s'il est vrai que les vieux époux prennent le même visage, connaître avec toi les plaisirs de l'âtre, du souvenir, mourir presque semblable à toi.
Giraudoux, Amphitr. 38,1929, III, 3, p. 186. Rem. Cf. aussi I A 1 b. SYNT. Des époux assortis; consentement (mutuel) des époux; réconciliation, séparation des époux; devoirs, droits des époux (cf. aussi I A 1 a synt.). ♦ Emploi en appos., rare. [Le bohême :] Je vous ai vu hier au Luxembourg avec une femme et une petite fille. Vous aviez un air époux (Richepin, MmeAndré,1879, p. 64). − P. ext. Époux clandestins. Couple illégitime. Les images fantastiques des nuages s'étendent, se confondent et rentrent ensemble sous le voile protecteur de la nuit, comme des époux clandestins (Nodier, Smarra,1821, p. 50). Prononc. et Orth. : [epu], fém. [-u:z]. Ds Ac. 1694-1932. L'x du masc. est une graph. pour l'anc. -us, d'où le fém. -use. Étymol. et Hist. Ca 1050 espus (Alexis, éd. C. Storey, 66); id. spuse (ibid., prol.). Du lat. class. sponsus, part. passé de spondere « promettre solennellement », avec développement d'apr. épouser*. Fréq. abs. littér. Époux : 3 409. Épouse : 2 279. Fréq. rel. littér. Époux : xixes. : a) 8 980, b) 5 374; xxes. : a) 3 166, b) 2 050. Épouse : xixes. : a) 4 554, b) 3 111; xxes. : a) 2 685, b) 2 522. Bbg. Braun (G.). L'Étymol. de époux, épouse. Rom. Forsch. 1929, t. 43, pp. 21-24. − Mat. Louis-Philippe. 1951, p. 257. − Ducháček (O.). Les Microstructures lex. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. Romanes. 13. 1971. Québec. Québec, 1976, t. 1. pp. 586-589. − Schmitt (Ch.). Zur Herkunft von französisch jaloux und époux. Neuphilol. Mitt. 1974, t. 75, pp. 285-294. − Söll (L.). Wie erklärt sich französisch époux/épouse? Z. fr. Spr. Lit. 1966, t. 76, pp. 75-83. − Stefenelli (A.). Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien, 1967, passim. |