| ÉNERVER, verbe trans. A.− Faire subir le supplice de l'énervation. Les prisonniers furent énervés (DG). − CHIR. ou ART CULIN. Pratiquer une énervation : 1. Vous levez les filets de vos lapins et vous prenez les cuisses; vous énervez les chairs, c'est-à-dire vous séparez les chairs des nerfs avec la pointe de votre couteau...
Viard, Le Cuisinier royal,1831, p. 214. B.− Au fig. 1. Littéraire a) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Faire perdre à quelqu'un ses forces physiques ou morales. Un des plus grands reproches qu'on puisse adresser à Louis XIV, c'est de s'être appliqué à énerver sa noblesse (Mérimée, Lettres Mmede la Rochejacquelein,1870, p. 290). b) [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Ôter le nerf, l'énergie, la vigueur de quelque chose; l'affaiblir, l'affadir. Énerver l'autorité, la religion, la loi (Ac. 1932) : 2. ... si l'ode et l'élégie appellent d'elles-mêmes l'harmonie entrecoupée, on remarque qu'elle ne fait qu'énerver le vers héroïque.
Quinet, Napoléon,1836, p. 145. − Emploi pronom. réfl. Le siècle embourgeoisé s'énerve et les mœurs deviennent d'une fadeur qui me dégoûte (Gautier, Fracasse,1863, p. 318). 2. Usuel. Exciter, irriter les nerfs de quelqu'un; rendre nerveux : 3. Mais ce qui l'énervait le plus, c'était, à sa droite, une plainte continue, une voix de douleur geignant dans la fièvre d'une insomnie.
Zola, Pot-Bouille,1882, p. 265. − Emploi pronom. réfl. Tout le monde s'impatiente et s'énerve; l'on pèche contre la charité à mesure que les austérités s'accroissent; est-ce enviable? (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 218): 4. Un instant, elle sembla devoir être la plus forte, elle l'aurait peut-être jeté sous elle, tant il s'énervait, s'il ne l'avait pas empoignée à la gorge.
Zola, La Bête humaine,1890, p. 42. Prononc. et Orth. : [enε
ʀve], (j')énerve [enε
ʀv]. Enq. : /eneʀv/ (il) énerve. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1erquart xiiies. « priver d'énergie » pronom. soi esnerver (Renclus de Molliens, Charité, LXXIX, 3 ds T.-L.); 2. au propre 1594 squillette enervé (Chassignet, le Mespris de la vie, Sonn. 144 ds Hug.); 3. 1836 « irriter, surexciter le système nerveux » (Barb. d'Aurev., Mémor. 1, p. 10 : Cet énervant temps d'orage). Empr. au lat. class.enervare « retirer les nerfs » d'où « affaiblir, épuiser ». Fréq. abs. littér. : 360. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 308, b) 341; xxes. : a) 685, b) 672. |