| ÉMANER, verbe. A.− [Avec un compl. d'orig. introd. par de] 1. Dans le domaine phys.[En parlant de particules impondérables] Provenir d'un corps sans que celui-ci diminue sensiblement de substance. (Quasi-)synon. être émis.Gaz qui émane d'une substance radioactive (Rob.): 1. ... les rayons magnétiques émanés de moi-même ou des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées...
Nerval, Aurélia,1855, p. 340. − Emploi pronom. subjectif, rare. De chaque cheminée s'émanent de subtiles odeurs (Queneau, Enf. du limon,1938, p. 60): 2. De quelques ardeurs que j'aie revêtu tel ou tel poème qu'elle [une jeune fille] m'a inspiré, le feu calme qui s'émanait d'elle brûlait ma passion en la purifiant.
Jammes, Mémoires,1922, p. 142. − En partic. et p. ext. a) Domaine tactile.Les tuiles du toit, chauffées par le soleil, et d'où émane, jour et nuit, une température de plaque de four (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 459). b) Domaine olfactif.Une amertume non feinte et qui semblait émaner d'un verre de gentiane (Queneau, Exerc. style,1947, p. 181).Un parfum entêtant émanait de ces gerbes (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 150): 3. C'était une chambre de maison garnie (...) où flottait cette odeur odieuse et fade des appartements d'hôtel, odeur émanée des rideaux, des matelas, des murs, des sièges...
Maupassant, Bel-Ami,1885, p. 357. c) Domaine visuel.Le ciel de l'Ouest où demeurait une lumière sans source qui semblait émaner de la douceur même de l'air (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 277).Une lumière très pure, orangée, émane de mes tableaux (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 96). − P. métaph. De toute sa personne émane cet éclat des êtres jeunes (Martin du G., Taciturne,1932, I, 2, p. 1267): 4. ... il émanait d'elle un charme domestique et une grâce familière qui inspiraient les douces pensées et la tranquille volupté.
France, Les Dieux ont soif,1912, p. 203. 2. Dans le domaine spirituel, mor.Provenir, tirer son origine de. Demande émanant d'un député; décision émanée d'une autorité. Le mandat d'arrestation émanait du grand prêtre et du sanhédrin (Renan, Vie Jésus,1863, p. 405).J'accepte volontiers le « plus fort que moi » lorsqu'il émane du plus profond de mon être (Gide, Journal,1935, p. 1230): 5. Dans la monarchie, toute fonction est censée appartenir originairement et privativement au roi, de qui elle émane comme de sa source...
Proudhon, De la Création de l'ordre dans l'humanité,1843, p. 497. − [Sans compl. circ.] Il fallait détruire en nous tout ce qui empêche la charité d'émaner, cette dilatation en nous qui est la présence de Dieu (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 274). − Spécialement a) THÉOL. Synon. procéder.Le Verbe émane du Père éternel (Bél.1957). b) PHILOS. ,,Sortir de la substance une et universelle qui est Dieu, par émanation`` (Rob.). Les êtres étendus et pensants sont des émanés de la substance (DG). B.− Emploi factitif, rare. Donner naissance à. Synon. engendrer, produire.Une grotte émane ses stalactites; un mollusque émane sa coquille (Valéry, Variété V,1944. p. 26): 6. ... avant de quitter la boutique on m'avait prévenu que si j'émanais des odeurs, je serais viré séance tenante.
Céline, Mort à crédit,1936, p. 99. Prononc. et Orth. : [emane]. Flottement en ce qui concerne la qualité de la voyelle ouverte (Grammont Prononc. 1958, p. 30). Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1456 lettres emanees (Arch. hist. de la Gironde ds R. Ling. rom., t. 20, p. 81); 1495 tourbillon emanant de occident (J. de Vignay, Mir. hist. ds Delb. Rec. ds DG); 1834 fig. « se dégager de » (Balzac, E. Grandet, p. 461). Empr. au lat. class.emanare « couler de, découler, provenir ». Fréq. abs. littér. : 913. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 587, b) 1 030; xxes. : a) 1 144, b) 1 284. |