| ÉCRIRE, verbe trans. I.− [L'accent est mis sur l'action de tracer; l'obj. désigne le signe graph.] A.− Tracer les signes graphiques qui représentent une langue. Lorsque nous tracions des caractères sur le papier, ils semblaient prendre les mouvements de la main qui écrivait pour des signes de magie (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 70): 1. Il faut au contraire que l'écriture, ou plutôt la langue hiéroglyphique, ait autant de signes que la langue parlée a de mots; et il faut avoir la connaissance de tous ces signes, pour l'écrire et la lire : c'est une nouvelle langue à apprendre, et une langue dont on ne peut pas acquérir l'intelligence par l'usage habituel de la société.
Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie,2, 1803, p. 286. 1. Emploi abs. ♦ Bien écrire, mal écrire. Bien, mal tracer les signes graphiques. Chargé de déchiffrer votre écriture, il est de mon intérêt que vous écriviez le moins mal possible (Dumas père, Napoléon Bonaparte,1831, III, 4, p. 43). ♦ Écrire comme un chat*, comme un cochon*. Écrire très mal. ♦ Apprendre (à), savoir lire et écrire. Monsieur Grandet (...) était en 1789 un maître-tonnelier fort à son aise, sachant lire, écrire et compter (Balzac, E. Grandet,1834, p. 10). ♦ Écrire + compl. prép. désignant le type ou la forme d'écriture.Écrire en caractères, en lettres de. Sur les carnets où je notais d'une semaine à l'autre le programme de mes cours, je me mis à écrire en lettres minuscules, sans laisser un espace blanc (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 68). 2. En partic. a) [Avec l'idée d'une norme de correction] Orthographier correctement un mot. Les plus anciens de ces rois ont laissé seulement un nom. Encore ne savons-nous ni le prononcer ni l'écrire (France, Île ping.,1908, p. 127): 2. Il s'agissait de savoir si l'on écrirait bloc ou block. La seconde graphie a prévalu pour l'instant, comme si block, qui fait penser à blockhaus, soulignait mieux la signification technique du mot et traduisait mieux l'image visuelle.
Comment parlent les sportifsds Vie Lang.,1952-54, p. 85. b) [Avec une idée de fatalité] C'est écrit; il est écrit que. Au fig. (p. réf. au Livre du destin). Il était écrit que je viderais la coupe des humiliations et des déboires jusqu'à la lie (A. Daudet, Nabab,1877, p. 202). 3. P. anal. a) Écrire une équation, une opération, une partition de musique. Écrivons l'équation (...) en coordonnées sphériques (L. de Broglie, Théorie quanta,1959, p. 190). − Emploi pronom. à sens passif. Sachez bien comment peuvent s'écrire les sonorités que vous connaissez pour les avoir entendues (E. Guiraud, Busser, Instrument., 1933, préf.). b) Littér. Dessiner. Ici la main fouille dans la pâte pour y écrire nerveusement ses impressions détaillées (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 101). B.− P. ext. 1. Enregistrer au moyen de signe(s) graphique(s). Synon. inscrire, noter, copier, marquer.C'était un enfant de dix-huit ans (...), timide et parlant avec peine, au point que plus tard il écrivait d'avance ce qu'il voulait dire à sa femme (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 290): 3. Tenez! Écrivez-moi le nom, l'âge, les états de service de votre mari, enfin tout ce qui peut me mettre au courant de votre situation.
Zola, La Bête humaine,1890, p. 102. ♦ Machine à écrire. Machine de bureau permettant l'impression de caractères sur du papier, grâce à un clavier et un dispositif encreur : 4. ... elles diffèrent en cela des machines à écrire qui ne sont que des instruments prolongeant et facilitant l'action de la main de l'homme pour assurer une écriture plus lisible et plus rapide.
Couffignal, Les Machines à penser,1964, p. 20. − Emploi pronom. : 5. Elle n'avait point achevé de parler, que son mari, comme s'il eût été pris de folie, poussa un cri perçant, un long cri de sauvage qui ne pourrait s'écrire en aucune langue, mais qui ressemblait à tiiitiiit.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Souvenir, 1884, p. 536. ♦ Vx. Se faire écrire chez qqn, s'écrire chez qqn. Inscrire son nom chez une personne afin de lui montrer qu'on est venu la voir. Avant-hier [après l'attentat de Joseph Henri], je suis allé m'écrire chez le roi qui est parti pour Eu. Cela se fait sur des façons de registres à dos de parchemin vert (Hugo, Choses vues,1885, p. 88). 2. Au fig. Marquer de façon visible, imprimer de manière durable. Synon. buriner, graver : 6. Ainsi nous avons la chance d'arriver (...) au moment où fourbu, démaquillé par la fatigue, son âge écrit sur ses traits, Pitoeff devient tout à coup le héros qu'il joue...
Colette, La Jumelle noire,1938, p. 210. II.− [L'accent est mis sur l'intervention personnelle du scripteur; l'obj. désigne une suite de mots, un texte] Rédiger, composer. A.− [L'obj. désigne la matière et/ou la forme de ce qui est rédigé] Écrire un billet, des choses, une histoire, un livre. Faire des discours, écrire des préfaces (Goncourt, Journal,1886, p. 533).Quelques sages ne s'attachèrent qu'à cette recherche et ils écrivirent ces livres où ne règne que l'extraordinaire (Maeterl., Trésor humbles,1896, p. 119).Le point de départ de l'activité créatrice de Proust lui avait été donné par le désir d'écrire un essai critique sur Sainte-Beuve (Du Bos, Journal,1922, p. 155): 7. Exception faite pour les rationalistes de profession, on désespère aujourd'hui de la vraie connaissance. S'il fallait écrire la seule histoire significative de la pensée humaine, il faudrait faire celle de ses repentirs successifs et de ses impuissances.
Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 34. ♦ Écrire (des articles) dans un journal, une revue. Publier des articles dans un journal, une revue. Il obtint pour Morel d'écrire dans un journal des sortes de chroniques. (Proust, Prisonn.,1922, p. 221). ♦ Écrire (qqc.) au courant de la plume, à la diable. Écrire (quelque chose) rapidement, sans soin. Je viens de relire le dernier chapitre écrit de mes mémoires, que je me promettais d'écrire au courant de la plume, et sur quoi j'ai déjà tant peiné (Gide, Journal,1916, p. 572). SYNT. Écrire un mémoire, une note, une phrase, une pièce, un poème, une préface, un roman. 1. Emploi abs. C'étoit des grands, les ministres, les riches qui écrivoient, qui gouvernoient (Robesp., Discours, Sur les subsistances, t. 9, 1792, p. 112): 8. Les romanciers rejettent sur une enfance inventée, non vécue, les événements d'une naïveté inventée. Ce passé irréel projeté en arrière d'un récit par l'activité littéraire, masque souvent l'actualité de la rêverie, d'une rêverie qui aurait toute sa valeur phénoménologique si on nous la donnait dans une naïveté vraiment actuelle. Mais être et écrire sont difficiles à rapprocher.
Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 132. a) [Avec une norme esthétique] Bien écrire, mal écrire. Avoir un bon, un mauvais style : 9. Pas la moindre hauteur, à peine de la dignité, pas la moindre demande de restitution (...) Il y a déjà longtemps que ce Cabinet a cessé de bien écrire (...) Il me semble cependant qu'avec 500 000 hommes, il serait aisé d'avoir un beau style.
J. de Maistre, Corresp.,1811-14, p. 45. b) Écrire en vers, en prose. Ce qui a paru le choquer, c'est le style. Qu'on n'écrive pas en vers, il ne s'en formalise pas (Delécluze, Journal,1825, p. 143). c) Spéc. Faire métier d'écrivain : 10. Quant à réussir, quant à avoir le succès, c'est là le secret du bon Dieu; et, ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il est né écrivain et qu'il écrira.
Flaubert, Corresp.,1879, p. 299. 2. En partic. Exposer ses idées, enseigner au moyen d'un texte. Elle envoyait carrément au diable son Schopenhauer, dont il avait voulu lui lire des passages : un homme qui écrivait un mal atroce des femmes! (Zola, Joie de vivre,1884, p. 884): 11. ... si quelqu'un veut essayer de penser ou d'écrire l'évolution, qu'il aille donc, avant toutes choses, errer dans l'un de ces grands musées, comme il y en a quatre ou cinq dans le monde, où (...) une légion de voyageurs est parvenue à resserrer, en quelques salles, le spectre entier de la vie.
Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 144. 3. P. anal. Exprimer une réalité au moyen de structures artistiques. Autant il [Delacroix] était sûr d'écrire ce qu'il pensait sur une toile, autant il était préoccupé de ne pouvoir peindre sa pensée sur le papier (Baudel., Curios. esthét.,1867, p. 307): 12. Bien entendu, je comprenais, trop tard pour rattraper ce long mois d'efforts, que j'avais eu bien tort de m'adresser à un orchestre, d'écrire une partition dont chaque note, indélébile, dont chaque phrase, impérissable, dont chaque forme, indestructible, demeuraient.
Schaeffer, À la recherche d'une mus. concr.,1952, p. 46. B.− Faire de la correspondance. Lorsque j'eus rendu les derniers devoirs à mon oncle, j'écrivis à cette jeune dame la lettre suivante (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 254).Rentrée chez moi, j'écrivis à Maurice une lettre pleine de tendresse et d'appel (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 332): 13. Je retrouve la lettre que je lui écrivis à ce sujet le 29 mars 1844, dans un moment où mes doutes sur la foi me laissaient un calme relatif.
Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,1883, p. 306. ♦ Écrire des volumes. Écrire de longues lettres : 14. Ah! pauvre mère, que je voudrais pouvoir me glisser dans mes lettres, entre ces plis de papier sur lesquels je verse un long regard de tendresse. Écris-moi des volumes, dis-moi tout ce que tu veux, épanche-toi.
Flaubert, Corresp.,1849, p. 102. ♦ Écrire un mot. Écrire une courte lettre. Êtes-vous pressé que je m'acquitte? Si oui, écrivez un mot poste restante à Saint-Brieuc et j'enverrai par le courrier (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1866, p. 93). 1. Emploi abs. Je me dépêche de vous écrire, vous savez, la poste ne passe pas tous les jours dans ce désert (Claudel, Échange,1954, III, p. 772). 2. Emploi pronom. réciproque. Échanger des lettres. Ils s'écrivaient pendant les classes. Et des lettres d'un ton tout à fait particulier, à ce qu'il paraît (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 592). 3. P. ext. Informer par lettre. Ta mère est venue le lendemain; elle a dû te l'écrire (Chardonne, Épithal.,1921, p. 139). ♦ Écrire de (la) bonne encre* (à qqn). Faire des remontrances par lettre à quelqu'un : 15. ... les choses n'en restèrent pas là et M. Pascal père crut devoir écrire au Père Noël une lettre de bonne encre, comme on dit dans laquelle, prenant en main la cause de son fils il commence véritablement cette prochaine guerre des Provinciales...
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 473. C.− Emplois spéc. 1. DR. Exposer ses raisons dans une requête. Il plaide bien, mais il écrit mal. Il écrit et ne plaide pas (Ac.1932). 2. INFORMAT. ,,Inscrire des informations en mémoire ou transférer des informations d'une mémoire à une autre, d'un disque à une mémoire à tores; par ex. : écrire sur une bande magnétique`` (Le Garff 1975). Prononc. et Orth. : [ekʀi:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. a) [ekʀi] : ind. prés. 1re, 2e, 3epers. sing. j'écris, tu écris, il écrit; impér. prés. sing. écris; part. passé écrit, écrite. b) [ekʀiv-] : ind. prés. 1re, 2e, 3epers. plur. nous écrivons, vous écrivez, ils écrivent; ind. imp. j'écrivais, etc.; ind. passé simple, j'écrivis, etc.; subj. prés. que j'écrive, etc.; subj. imp. que j'écrivisse, etc.; impér. prés. plur. écrivons, écrivez; part. prés. écrivant. c) [ekʀir] : ind. fut. j'écrirai, tu écriras, etc.; cond. prés. j'écrirais, tu écrirais, etc. Homon. s'écrie du verbe s'écrier. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 escrit ind. prés. 3epers. « mettre par écrit, rédiger » (Alexis, éd. Ch. Storey, 284); 2. 1119 part. passé subst. escrit (Ph. de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 1893); 3. 1193-97 fig. Morz qui est a veüe escrite En la vieille face despite (Helinant, Vers de la mort, éd. F. Wulff et E. Walberg, XXIV, 1); 4. 1900 part. passé subst. « épreuves écrites à un examen, un concours » (Colette, Cl. école, v. écrit2). Du lat. class. scribere « tracer des caractères, écrire, composer ». Fréq. abs. littér. : 27 811. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 41 770, b) 46 376; xxes. : a) 34 322, b) 37 144. Bbg. De Kock (J.). À propos de deux descriptions de la forme pronom. du verbe en fr. Orbis. 1971, t. 20, p. 21. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Quem. Fichier. |