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VRAIMENT, adv.
A. − [L'accent est mis sur la conformité à la réalité, à la vérité objective]
1. D'une manière conforme à la vérité; sans rien dissimuler, sans chercher à mentir. Dire, déclarer, exprimer vraiment ce qu'on pense. Il y a eu sans doute, entre la civilisation française à cette époque [au XVIIIes.] et celle des autres États de l'Europe, des différences dont il faudrait tenir grand compte, si j'avais aujourd'hui la prétention d'en exposer vraiment l'histoire; mais je vais si vite que je suis obligé d'omettre, pour ainsi dire, des peuples et des siècles (Guizot, Hist. civilis., leçon 14, 1828, p. 13).Nous voudrions (...) savoir ce qu'y opposent de plus vrai les Allemands [aux témoignages des historiens de la guerre]. Que pensent vraiment de notre activité militaire nos ennemis? (Barrès, Cahiers, t. 11, 1916, p. 207).
2.
a) Dans la réalité, et non dans l'imagination, la légende ou le rêve. Imaginez qu'en 1923 un curieux d'histoire se soit dit: « La France, la France... Ces historiens, toujours, nous parlent de la France comme d'une réalité constante, parfaitement définie, identique à elle-même à travers les âges. Tout de même, qu'était-elle donc vraiment, cette France, que représentait-elle pour les étrangers et pour les Français mettons, par exemple, au temps d'un Louis XI? » (L. Febvre, Conq. du Midi par la lang. fr., [1924] ds Combats, 1953, p. 169). (...) Regarde ce que cette fille m'a apporté. Tu ne vas plus croire maintenant que j'invente (...).C'est une pièce de monnaie qui n'a plus cours nulle part et n'a jamais eu cours (...).Mais enfin, Papa et Maman (...). Je vous montre ce machin non pour que vous l'expertisiez (...), mais pour vous prouver que Grâce est vraiment venue (B. Beck, Grâce, 1990, p. 23).
[Exprime l'accomplissement physique d'une action] Ma main s'est immobilisée, en touchant l'enveloppe que dans quelques jours toucheraient ses mains: de vraies mains, celles que j'avais vraiment senties sur ma peau. Il était donc bien réel! (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 353).
[Exprime l'aboutissement d'une action, d'un processus] Synon. complètement1, définitivement, pour de vrai*.Je revis maman comme si elle était là, à côté de moi. J'eus l'impression étrange que ses paroles ne seraient pas les dernières, impression folle qu'elle n'était pas vraiment morte. Elle reviendrait. Et la vie recommencerait comme avant! (Chr. Aventin, Le Cœur en poche, 1989 [1988], p. 114).
[Renforce l'adj. vrai] Je glisse, je cours, je suis chassée, la lumière, la lumière, le soleil, j'ai le vertige, ah voici la maison, il ne s'est rien passé, je tombe sur mon lit, je hurle, je délire, mais non tout cela n'est pas vraiment vrai, je délire. Ne me croyez pas (Jouve, Paulina, 1925, p. 148).
b) Effectivement, en dépit des apparences. David, son mari [de notre mère], nous tenait par la main, Étienne et moi. David n'était pas vraiment son mari, mais pour nous, c'était la même chose. Il l'embrassait et il la faisait rire. Je voulais dire seulement qu'il n'était pas notre père (G. Dormann, Le Bateau du courrier, 1974, p. 11).
c) [Avec valeur intensive] De la manière la plus profonde, la plus authentique, au delà des apparences. Les gens n'existent vraiment que dans et par la douleur. Si on ne les a pas vus en l'un de ces moments-là on ne les connaît pas: on ne saura jamais ce dont ils sont capables, peut-être ne le savent-ils pas eux-mêmes (Du Bos, Journal, 1924, p. 77).
3.
a) [Exprime la relation de conformité d'une définition, d'une qualité à son objet] Synon. authentiquement, véritablement.À l'égard des fils ou des petits-fils, la volonté individuelle de l'ascendant ne compte pas: il n'est pas vraiment propriétaire [dans le décret pris par la Convention, le 7 mars 1793] ; il n'est que le gérant d'une propriété sur laquelle tous les descendants du même degré ont, par la loi de l'État, un droit égal et souverain (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 206).Il suivit encore le combat un moment avant de demander à Dominck:Et moi, tu crois que je pourrais boxer?La preuve, tu boxes bien, quand tu veux.Non, mais je veux dire: boxer vraiment... en professionnel. Faire une carrière, quoi! (B. Clavel, La Maison des autres, 1974 [1962], p. 356).
b) [Exprime la conformité d'un objet à la désignation annoncée ou déclarée]
[À propos d'une chose] Elle (...) me pria de nouveau de faire sonner ma montre.Est-elle vraiment d'or? dit-elle en la considérant avec une excessive attention (Mérimée, Carmen, 1845, p. 23).
[À propos d'une attitude, d'un comportement] Sans faire semblant, sans que ce soit imité ou simulé. Elle vint contempler Michele (...). Il était enfoncé, les yeux bien clos, blanc et les mains presque jointes. Il dormait vraiment (Jouve, Paulina, 1925, p. 242).[Dans l'attitude de l'enfant au jeu de cache-cache, signalée par MmeMontessori] il ne s'agit point de trouver le partenaire à un endroit quelconque, mais bien à une place déterminée par avance; si l'adulte se cache vraiment, l'enfant est déçu! On voit bien, en cet exemple, le sens profond de l'ordre pour le jeu enfantin (Jeux et sports, 1967, p. 73).
c) [Exprime l'absence de tromperie, de tricherie, de malhonnêteté]
[À propos d'une chose] D'une manière incontestable quant à son origine. Devant ces pièces d'une richesse excessive, on est toujours hésitant; ces meubles sont-ils vraiment français? Même si l'on peut établir qu'ils ont été effectivement fabriqués en Francece qui est extrêmement rareon a le sentiment qu'ils s'écartent de la tradition nationale (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 63).
[À propos d'une attitude, d'un comportement] Avoir vraiment faim. Une femme enceinte, elle se repose, elle vadrouille pas sur la route après la tombée du soleil. Était-elle vraiment enceinte? (Y. Queffélec, Les Noces barbares, 1988 [1985], p. 164).
[Renforcé par un autre adv. intensif] Synon. authentiquement, sincèrement.On le retrouvait toujours le même en apparencesimple, calme, doux et si vraiment modeste (L. Febvre, Dom Berthet, [1950] ds Combats, 1953, p. 416).
d) [Avec valeur intensive; indique qu'une action, une dénom. est prise dans son sens le plus complet] Synon. complètement1, franchement, tout à fait (s.v. fait part. passé), véritablement.
[Modifie un verbe] Je ne décide pas que l'on doive se hâter, dans certains pays, de détromper un peuple qui croit vraiment, pourvu qu'il ait passé le moment des guerres sacrées, et qu'il ne soit déjà plus dans la ferveur des conversions (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 23).Après le goûter, quand on commençait de vraiment s'amuser, les bonnes nous appelaient; il était temps de rentrer (Gide, Si le grain, 1924, p. 417).
[Dans le cont. partic. de l'existence de Dieu, exprime que Dieu seul possède la plénitude de l'existence p. oppos. à ses créatures qui existent de manière contingente, temporelle, dépendante] Dieu, essentiellement éternel, a lui-même le principe de son être; seul il est par nature, comme seul il est bon par nature. Aussi peut-on dire de la nature divine que seule elle est vraiment (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1100).
[Modifie un adj. ou un subst.] La fin vraiment dernière, la perfection, le bonheur dignes de ce nom, ne s'atteignent pas en ce monde (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 166).En biologie, toute recherche sur la vie et la cause première est non seulement oiseuse, mais encore nuisible à l'avancement de la science. Le médecin qui voudra être vraiment savant et expérimentateur devra donc se débarrasser de toutes ces prétentions stériles de connaître la vie et les forces vitales (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 197).V. dissimulation ex.
[Avec répét. du subst. en empl. apposé] La femme, vraiment femme, ne craint qu'une chose, la froideur de ce qu'elle aime. Dès qu'elle est rassurée, elle a des ailes, des forces, du courage à revendre (Amiel, Journal, 1866, p. 337).
Synon. de très.Richard alla chercher lui-même l'armagnac dans le buffet. Les hommes ont des prérogatives. Les petits verres étaient vraiment petits (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 208).Synon. de trop.L'idée de la mort ne m'avait jamais effrayée, je la verrais venir sans ciller. Ma mère en parlait souvent comme d'un refuge possible, si la vie lui devenait vraiment insupportable (Chr. Aventin, Le Cœur en poche, 1989 [1988], p. 42).
B. − Adv. d'énonciation
1.
a) [Pour insister sur la vérité de ce qu'on dit] Synon. réellement.Je ne me rappelle plus comment je suis venu. Par l'escalier Dautry, sans doute: est-ce que j'ai gravi vraiment une à une ses cent dix marches? (Sartre, Nausée, 1938, p. 198).
b) [Dans un dialogue; dans des tours interr. ou exclam. à valeur interr.]
[Pour exprimer l'étonnement] « Quel âge a-t- elle? »« Treize ans bientôt. »« Vraiment? Je n'aurais pas cru (...) » (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 594). [En interr. dir.] Dorothy: Il a seulement vingt-quatre ans, non? Isabelle: Mais il est tellement plus vieux que son âge!... il a les goûts d'un homme de quarante ans! Dorothy: Vraiment? Isabelle: Je vous assure! (Bourdet, Sexe faible, 1931, ii, p. 354).
[Pour exprimer le doute ou l'ironie] Qu'est-ce que c'est?Je voudrais parler à Laurence Decoin. Alors son interlocuteur devint presque féroce.Et encore quoi?... De la part de qui, s'il vous plaît, jeune homme...D'un ami...Vraiment?... Laurence!... cria-t-il à la cantonnade. Viens ici, que je te présente un ami (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 65):
− (...) elle a beaucoup entendu parler de vous, cette petite!... Le tas se tourne plus aimablement vers moi et demande: − Ah! vraiment!... Par qui donc? (...) Je réponds d'un ton pointu: − Par des amis du général de Boigne... Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 245.
[Pour inviter à une réponse sincère, sans détour]
Synon. de réellement.Constant (...) : Tu as vraiment inventé, dans ta tête, de réunir aux Roches Henriette, Ponta, Denis? Réponds? Gabrielle : Oui, Constant (Bernstein, Secret, 1913, iii, 3, p. 34).[En interr. dir.] Elle: Eh bien? Eh bien? Comment ça va? Jean: Mieux! Elle: Vraiment? Jean: Oui, vraiment (Guitry, Veilleur, 1911, ii, p. 12).
Synon. de franchement, sincèrement.« (...) pendant cet abominable dîner, c'était à croire que tu avais honte de moi! Ah! je comprends, je n'ai pas ce qu'il faut pour plaire, comme elles. »« Tu te trompes, » dit Frédéric.« Vraiment! Jure-moi que tu n'en aimes aucune? » Il jura (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 189).
2.
a) [Pour renforcer une affirm., une nég.] Et ce n'est vraiment pas la peine d'avoir sa couturière à Tours!... pour être nippée comme si on se faisait habiller... à Douai! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 1, p. 31).Jimmy: (...) Rien qu'à l'idée de me trouver seul avec elle, j'en suis malade! Isabelle: Mais enfin, qu'est-ce que tu as contre elle? Elle est jeune, elle est jolie? Jimmy: Je ne te dis pas le contraire, mais c'est plus fort que moi! Isabelle: Tu aurais vraiment pu t'apercevoir de ça plus tôt (Bourdet, Sexe faible, 1931, iii, p. 447).
[Fréq. en tête ou en fin de prop.] Ah! je vous en prie, Victor, ne parlons pas de cela. J'ai bien autre chose dans la tête, vraiment (Leclercq, MmeSorbet, 1835, 4, p. 133).Est-ce bête, hein, de jouer sa peau pour un mot... Mais vraiment, il me dégoûtait trop, avec ses bottes lacées et ses gants paille (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 262).V. semblable ex. 2.
Non* vraiment. Oui vraiment. Je croyais qu'on pouvait rayonner de haine ou de mort. Quelle erreur! Oui, vraiment, je pensais que ça existait « la Haine », que ça venait se poser sur les gens et les élever au-dessus d'eux-mêmes (Sartre, Nausée, 1938, p. 189).
[Dans des tours exclam., pour marquer l'émotion, l'indignation, l'ironie] Qui vous change donc ainsi, mon Champavert? quel soleil a donc fondu la glace de votre cœur? Ah! vraiment, il vous sied bien, après deux mois d'absence, de venir jouer à l'amoureux (Borel, Champavert, 1833, p. 235).Alors ça vraiment c'est complet! Jamais tu m'entends! Jamais je te laisserai descendre! T'as pas fait assez l'imbécile? (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 521).
[Dans des formules conventionnelles du fr. parlé] Synon. sincèrement.Je suis vraiment désolé; je regrette vraiment. Princesse, répondit madame Paturot, fière et troublée à la fois de l'honneur qu'on lui faisait, c'est trop de bonté... Je suis vraiment confuse (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 190).
b) [Pour renforcer une interr.] Voyons, vraiment, est-ce que j'ai besoin d'être là? Est-ce que ça ne pourrait pas se faire sans moi? (Goncourt, Journal, 1888, p. 823).Et si on se tuait, mon biquet? (...) Après un instant de consternation, Antoine demanda:Tu voudrais vraiment? C'est bien ça que tu souhaites? (B. Beck, Stella Corfou, 1990 [1988], p. 96).
c) [Pour renforcer une demande; en tête de phrase; suivi de l'impér. ou du subj.] Vraiment, Jacques, viens une dernière fois et je te laisse ensuite entièrement libre d'agir à ta guise (Montherl., Pitié femmes, 1936, p. 1222).
3. [Pour affirmer la pertinence et le caractère incontestable d'une évaluation, d'un jugement de valeur] Synon. réellement.La meilleure de nous tous, une brave femme vraiment (Renard, Journal, 1900, p. 583).Il avait pour cet homme, dont le regard était si fin et si droit, une sympathie profonde. « C'est vraiment quelqu'un de très bien », aimait-il à se répéter (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 122).V. amour ex. 38 et 124.
Nég. + vraiment.[Signifie que l'on se refuse ou que l'on hésite à affirmer que] Tu sais, ton gosse, il est pas vraiment marteau. C'est plutôt qu'il est pas tout à fait comme les autres. On devrait l'envoyer au docteur (Y. Queffélec, Les Noces barbares, 1988 [1985], p. 107).
4. [Modifie un verbe désignant l'action de croire; pour exprimer le degré d'adhésion de celui qui parle] Synon. réellement.Soudain, j'entendis des voix humaines tout près de moi. Je fis un bond comme en face d'une apparition. Je crus vraiment, pendant une seconde, que j'allais voir se lever, au fond de la sinistre cale, deux noyés qui me raconteraient leur mort (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Épave, 1886, p. 721).D'autres problèmes, insoupçonnés hier, pourront inquiéter ceux qui viendront, qui ne comprendront même plus ce qui faisait notre raison de vivre... (J'écris ceci sans le penser vraiment) (Gide, Journal, 1943, p. 224).V. imiter I C 1 ex. de Gaultier.
Nég. + vraiment.[Pour exprimer la difficulté à admettre pleinement qqc.] Je ne le croyais pas vraiment, mais il parlait si bien! Comme j'aurais souhaité que cette histoire fût vraie! Un père et une mère qui s'aimaient tendrement, et moi entre les deux, bien au chaud (Chr. Aventin, Le Cœur en poche, 1989 [1988], p. 73).
Prononc. et Orth.: [vʀ εmɑ ̃]. Ac. 1694, 1718: vrayment; dep. 1740: vraiment. Étymol. et Hist. a) 1121-34 veraiement « en vérité, effectivement » (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 910: Par cinq virgines entent cinc sens veraiement); b) fin xiiies. (Le Pater Noster, B. N. 19525, fo80 rods Gdf. Compl.: il est verraiment nostre); c) 1306 pour souligner une affirmation dans le discours dir. (Joinville, Saint Louis, éd. N. L. Corbett, p. 88: Vraiement, fist-il, c'est bien respondu; p. 220: Vraiement, o l); d) ca 1485 interr., pour contester une affirmation (Mystere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. 4, p. 349, 35133). Dér. de vrai*; suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 12 221. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 563, b) 12 733; xxes.: a) 24 582, b) 22 207. Bbg. Hansén (I.). Les Adv. prédicatifs fr. en -ment. Göteborg, 1982, pp. 119-144. − Martin (R.). La Notion d'« adv. de phrase »... In: Colloque franco-all. de gramm. transformationnelle. 2. Ét. de Sém. et autres. Tübingen, 1974, pp. 66-75. − Mørdrup (O.). Sur la classification des adv. en -ment. R. rom. 1976, t. XI, no2, pp. 317-333. − Nølke (H.). Les Adv. paradigmatisants. Copenague, 1983, p. 156.