| VOLTAIRIEN, -IENNE, adj. A. − 1. Qui est typique de Voltaire; qui correspond à l'idée que l'on se fait généralement de Voltaire. Voltaire (...), grand homme et peu voltairien (Hugo, Contempl., t. 1, 1856, p. 156).Voltaire, − au fond grand homme et peu voltairien − les jours où il se livrait à sa verve contre l'auteur d'Othello (...). Voltaire, certes était alors voltairien dans le sens mesquin, étroit (...), bête du mot (Verlaine,
Œuvres posth.,t. 2, Crit. et conf., 1896, p. 379). 2. Qui caractérise l'œuvre de Voltaire et son contenu. Le vers voltairien, Ce vers toujours pointu, toujours antithétique, Spirituel parfois, rarement poétique (Pommier, Crâneries, 1842, p. 24).C'est vers le milieu du XVIIIesiècle, sous l'empire des idées voltairiennes, que l'on a commencé à chercher s'il n'était pas possible de faire pour la basse classe quelque chose de mieux que des hôpitaux (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1843, p. 52).V. redondance ex. 1. 3. Qui est pénétré de la philosophie de Voltaire, qui s'en réclame, s'en inspire sciemment. École voltairienne. Que dirait (...) Moïse à Voltaire et à tous les philosophes voltairiens, qui, sur les ruines des religions positives, parlent tant de l'humanité (...)? (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 506).Sous le règne de Louis XVI les routes de France étaient les plus belles (...). Le français était alors la langue de la bourgeoisie éclairée, voltairienne et amie des réformes (Albitreccia, Gds moyens transp., 1931, p. 12). − Empl. subst. Les philosophes s'attaquèrent avec audace à l'intolérance et à la censure du clergé catholique (...), ils tournèrent en ridicule avec une verve impitoyable non seulement ses privilèges et ses travers, mais ses dogmes: les « voltairiens » se multiplièrent (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 79). B. − Souvent péj. 1. [En parlant d'une pers.] Qui critique, combat les valeurs établies, surtout morales et religieuses; qui se veut indépendant d'esprit. Synon. impie, incrédule, incroyant, ironique, railleur, sarcastique, sceptique ; anton. crédule, croyant, fanatique.Les propos anticléricaux de son père qui était voltairien et dénonçait à ses moments d'humeur, devant sa femme ultra-catholique, le rôle fâcheux des soutanes dans les familles (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 48).Cette réaliste si fine, égarée dans une famille de spiritualistes grossiers se fit voltairienne par défi sans avoir lu Voltaire. (...) cynique, enjouée, elle devint la négation pure (Sartre, Mots, 1964, p. 5).V. imaginer ex. 4. − Empl. subst. Synon. libre-penseur, matérialiste, mécréant.Dégoût que m'inspirent les voltairiens, des gens qui rient sur les grandes choses! (Flaub., Corresp., 1859, p. 364).J'ai pris ta défense. Alors, il m'a traitée de coquine, de voltairienne et de courtisane (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, II, 4, p. 16). 2. [En parlant d'une forme de pensée, d'une chose abstr.] Qui relève de l'anticléricalisme, d'une certaine liberté de pensée et d'expression. Synon. irréligieux.Esprit voltairien. La situation contradictoire où je flottais entre l'impulsion catholique et la tendance voltairienne (Comte, Catéch. posit., 1852, p. 173).La vieille châtelaine affectait volontiers des convictions voltairiennes, bien qu'elle continuât d'entretenir avec les curés du voisinage des relations (Bernanos, Crime, 1935, p. 799). − [P. méton.; en parlant d'une œuvre] Qui exprime de la vivacité, de la sévérité; qui présente une certaine sécheresse, dureté de trait. Son observation [d'Henri Monnier] est toujours amère; et son dessin, tout voltairien, a quelque chose de diabolique (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1832, p. 538).Nous n'avons pas l'idée, nous autres catholiques du Nord, avec nos temples voltairiens, du luxe, de l'élégance, du confortable des églises espagnoles (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 155). Prononc. et Orth.: [vɔltε
ʀjε
̃], fém. [-jεn]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. 1749 subst. masc. plur. « partisans de Voltaire » (Piron, Let. à J.-F. Le Vayer, 14 ds Quem. DDL t. 21); ca 1766 adj. (Id.,
Œuvres posthumes, let., 213, ibid.: Tout presque est voltairien chez vous); 2. 1755 mauvaise rime Voltairienne (P. Clément, Les Cinq années litt., II, 30, ibid., t. 22). Dér. de Voltaire (v. voltaire); suff. -ien*. Fréq. abs. littér.: 104. DÉR. Voltairianiser, verbe,littér., rare. a) Empl. intrans. Imiter Voltaire, se montrer voltairien. Sachez, comte Henri [de Rochefort], que c'est petit métier de voltairianiser dans les lieux où l'on boit du petit vin; sachez que l'absence de religion fait seule donner de si beaux chevaux à Zora (Veuillot, Odeurs de Paris, 1866, p. 79).b) Empl. trans. Donner un caractère voltairien à (quelque chose). Il y a, dans cet épisode, des pages gaies, de bonne satire lourde et profonde (...) mais qu'un méchant rire voltairianise (...), acidule, et salpêtre (Verlaine,
Œuvres posth., t. 2, Voy. Fr., 1896, p. 117).− [vɔltε
ʀjanize], (il) voltairianise [-ni:z]. − 1reattest. 1866 (Veuillot, loc. cit.); dér. sav. de voltairien, suff. -iser*. BBG. − Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1983, t. 47, p. 464. − Darm. 1877, p. 218 (s.v. voltairianiser). − Quem. DDL t. 21, 22, 25 (s.v. voltairianiser). |