| VIS-À-VIS, loc. prép., loc. adv. et subst. masc. I. − Loc. prép. A. − Vis-à-vis de qqn/qqc.En face de, en présence de. En levant les yeux qu'elle tenait abaissés sur son jeu, Madeleine me vit assis de l'autre côté de la table, précisément vis-à-vis d'elle (Fromentin, Dominique, 1863, p. 83).Elle [l'allée] menait à la cuisine et, presque vis-à-vis de celle-ci, s'ouvrait la petite barrière du jardin potager (Gide, Isabelle, 1911, p. 663). − Vieilli, pop. ou région. (Canada). Vis-à-vis qqn/qqc.Cependant, il trouvait honteux de perdre son sang-froid vis-à-vis un homme de son âge (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p. 256).Il passa une affreuse nuit à pleurer, sur son lit, les mains croisées sur les genoux, vis-à-vis un petit motif sculpté composé d'un carquois croisé avec trois fléchettes aiguës qui lui entraient dans le cœur (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 153). B. − Au fig. Vis-à-vis de qqn/qqc.Relativement à. Jacquemin m'a promis le secret le plus absolu, même vis-à-vis de sa fille (R. Bazin, Blé, 1907, p. 151).Nous négligeons la masse de la planète vis-à-vis de celle du soleil (H. Poincaré, Hyp. cosmogon., 1911, p. 118). − Vieilli, pop. ou région. (Canada). Vis-à-vis qqn.Songez donc à la situation où vous seriez, vis-à-vis votre fille, si madame Grandet mourait (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 210).Pour se décharger d'un vague malaise, il avait pris vis-à-vis lui-même l'engagement formel de se montrer généreux envers Florentine (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 213). II. − Loc. adv. A. − En se faisant face. Synon. face à face (v. face III B).Être vis-à-vis. Il vit le jardinier, un long couteau à la main, qui faisait le signe de la croix sur l'envers du pain bis, avant de trancher la part de ses deux petits enfants et de sa femme, attablés vis-à-vis (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 30).Si les fenêtres sont placées vis-à-vis, l'aération est rapide et efficace (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 290). B. − [Empl. comme adv. de phrase, en incise ou caractérisant un syntagme nom.] Par les deux fenêtres ouvertes, on apercevait du monde aux croisées des autres maisons, vis-à-vis (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 11).Ce furent dans la calèche, deux dos traversés d'une moire azur, deux perruques poudrées, et, vis-à-vis, l'ombrelle blanche inclinée devant la toilette neutre d'une dame (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 168).Contre le chambranle de la porte vis-à-vis, il y a une sauvagesse en pagne-éponge qui refuse de faire un pas, de répondre à l'appel du monsieur en pelisse (Chr. de Rivoyre, Les Sultans, 1964, p. 217). III. − Subst. masc. A. − 1. Personne qui fait face à une autre. Dans cette espèce de jeu de causerie où nous étions partners, nos vénérables vis-à-vis n'avaient garde de s'apercevoir du piège (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 27).C'est à ce moment, tout à fait par hasard, que mes yeux se portèrent sur Edwin Marion, mon vis-à-vis... Mon regard passa d'abord sur cette face distraitement, et je n'y rapportai pas l'angoisse que j'éprouvai (Giraudoux, Suzanne, 1921, p. 209). − En partic. [Dans une danse] J'ai eu le plaisir d'être votre vis-à-vis à un bal donné par monsieur le baron de Nucingen (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 61).On dansait: les couples face à face cabriolaient éperdument, jetaient leurs jambes en l'air jusqu'au nez des vis-à-vis (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1226). 2. Façade opposée à celle où l'on se trouve. Pardon, si je vous reçois si inconvenablement, sans flambeau, c'est que, misérable, je n'ai pas de rideaux à ma croisée, et du vis-à-vis on plonge et distingue tout chez moi (Borel, Champavert, 1833, p. 19).[Les vitres des fenêtres] qui ouvraient sur la rue avaient des rideaux: il n'y avait pas de vis-à-vis, rien que le mur aveugle d'un entrepôt (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 121). B. − 1. a) Faire vis-à-vis à qqn/qqc. Faire face. Elle faisait vis-à-vis à son époux, toute petite, toute mignonne, toute jolie, pelotonnée dans ses fourrures (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 121).À droite de la scène, une bergère le siège tourné à gauche face au piano, lui faisant vis-à-vis une chaise volante, au-dessus une autre chaise face au public (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, II, 1, p. 28). b) Se faire vis-à-vis. Se faire face, être placé face à face. Le café de l'Univers et l'église se font vis-à-vis (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 92).Le village est demeuré le même, où les mêmes pauvres vieilles maisons se font tristement vis-à-vis, sur la place vide (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 292). 2. Synon. de face-à-face, tête-à-tête.Madeleine parut moins occupée de la musique et distraite par une idée gênante, comme si ce vis-à-vis malencontreux l'importunait (Fromentin, Dominique, 1863, p. 239). C. − Empl. adv. (Se mettre, être) en vis-à-vis. (Se placer, être) en face à face. Ils s'installèrent en vis-à-vis, chacun se carrant en son coin, gagné à une importance de propriétaire qui va se faire des joues aux champs (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 92).La plupart des prisonniers arabes ainsi que leurs familles s'étaient accroupis en vis-à-vis (Camus, Étranger, 1942, p. 1176). − Rare. En vis-à-vis de. En face de. Il était, lui et les autres, assis sur des chaises, haussées d'une marche et à dossiers très bas, installés derrière la barre de communion, à l'entrée du chœur, en vis-à-vis de l'autel (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 260). D. − Voiture à deux sièges se faisant face. Je me voyais à minuit, arrivant, dans mon vis-à-vis de couleur olive, à la porte de l'Opéra (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 70). E. − ,,Petit canapé disposé de façon que les deux personnes qui y sont assises puissent commodément causer face à face`` (Lar. 19e). Prononc. et Orth.: [vizavi]. Ac. 1694: vis à vis; dep. 1718: vis-à-vis. Étymol. et Hist. A. Loc. adv. déb. xiiies. « face à face » (Raoul de Houdenc, Vengeance Raguidel, éd. M. Friedwagner, 2302: En cest sarcu seriemes mis [Et] bouce a bouce et vis a vis); ca 1210 (Herbert de Dammartin, Foulque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 14752: li Sarrazin [...] as François se combatent vis a vis). B. Loc. prép. 1. a) 1456 vis à vis de « en face de » (Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 259: s'assit pour deviser viz a viz de lui); 1495 (Andrieu de La Vigne, Le Voyage de Naples, éd. A. Slerca, p. 302: vis a vis du logis ou estoit le roy); b) 1579 vis à vis « en face de » (Larivey, Les Jaloux, V, 6 ds Anc. Théâtre fr., t. 6, p. 85: vis-à-vis la porte; [Id., s. réf. ds Renson, p. 155: vis-à-vis ma sœur]); 1585 (N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 287: banc qui est vis à vis l'autel nostre Dame); 2. a) 1660 fig. « en présence de, en confrontation avec (quelqu'un) » (Bossuet, Second panégyrique de St François de Paule [d'apr. l'éd. Dey 1788] ds
Œuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, p. 447: se trouver vis-à-vis de lui-même); b) 1745 fig. « en regard, en comparaison de (quelque chose) » (Massillon, Sermons, Carême, Confession, t. 2, p. 11: placer ces régles saintes vis-à-vis de nos démarches); 3. a) 1744 fig. « envers (quelqu'un) » (Godard D'Aucour, Thémidore, t. 1, p. 53: vis à vis de moi); b) 1745 fig. « à l'égard de (quelque chose) » (Diderot, Essai sur le mérite et la vertu, éd. 1875, p. 43: vis-à-vis de ces représentations); 1748 (Id., Les Bijoux indiscrets, éd. class. Garnier, 1965, p. 76: vis-à-vis de quoi). C. Subst. 1. a) 1722 « personne placée en face d'une autre » (A. Piron, Arlequin-Deucalion, III, 6, éd. 1776, t. 3, p. 60: celui-là [le robin] n'a pas son vis-à-vis); 1765 (H. J. Dulaurens, Imirce, éd. Flammarion, s.d., p. 48); b) 1830 « au quadrille, couple placé en face d'un autre couple » (Balzac, Paix mén., p. 346); c) 1833 « chose située en face d'une personne » (Borel, loc. cit.); 1857 (Michelet, Insecte, p. 22: le vis-à-vis savoyard); 2. a) 1740-55 « position de deux personnes se faisant face » (Saint-Simon, Mémoires, éd. A. de Boislisle, t. 24, p. 118 [fait datant de 1713]: en ce vis-à-vis et entre ces deux bougies); 1845-46 faire vis-à-vis (Besch.); b) 1866 « position de deux choses placées l'une en face de l'autre » (Veuillot, Odeurs de Paris, p. 202); 3. 1729 berline en vis-à-vis « voiture à deux sièges » (Invent. des biens du comte de Canillac, éd. L. Lambeau ds Mém. de la Sté de l'Hist. de Paris et de l'Île-de-France, t. 38, 1911, p. 308: une berline en vis-à-vis [...] montée sur son train de quatre roues); 1740 p. ell. vis-à-vis (Ac.); 4. 1866 « petit canapé » (Delvau). Loc. formée de l'a. fr. vis « visage » (ca 1050, Alexis, éd. Chr. Storey, 481) et de la prép. à*. L'a. fr. vis est issu du lat. class. visus « action de voir; sens de la vue; aspect, apparence » (dér. de videre « voir »), qui a pris en b. lat. le sens de « visage » (ives. d'apr. Blaise Lat. chrét.). Cf. ital. et a. esp. viso « visage ». Au sens C 3, cf. l'angl. vis-à-vis, empr. au fr. (1753 [et non 1733, malgré Brunot t. 8, p. 314 et Mack. t. 2, p. 183] H. Walpole, Letters, To G. Montagu, 17 juill., éd. P. Toynbee, t. 3, p. 172 et éd. W. S. Lewis, t. 9, p. 154). Fréq. abs. littér.: 2 003. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 999, b) 3 032; xxes.: a) 2 106, b) 3 067. Bbg. Gohin 1903, p. 301. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 110. − Quem. DDL t. 38. − Renson 1962, pp. 153-158. |