| VIRTUOSE, subst. A. − Vieilli. Personne cultivée qui s'adonne avec passion à un art, à une science. Ce qu'il [Frédéric-le-Grand] était peut-être avant toute chose par nature (...), c'était encore homme de Lettres, dilettante, virtuose, avec le goût vif des arts, avec la passion et le culte surtout de l'esprit (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 3, 1850, p. 186). B. − MUS. Interprète auquel la parfaite maîtrise technique de son instrument permet, sans effort apparent, de surmonter les plus grandes difficultés d'exécution. Ces virtuoses du piano, du violon ou du violoncelle qui arrachent au silence l'âme des maîtres de la musique et l'acclamation du public (Faure, Hist. art, 1921, p. 155). − En appos. Le soliste lui-même nous apparaîtra sous les traits d'un instrumentiste virtuose, qui joue son air, au lieu de le chanter (D'Indy, Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 188). C. − P. anal. Personne qui possède une grande virtuosité, une technique accomplie (nécessitant des aptitudes physiques ou intellectuelles). 1. Dans un domaine artist. Une catégorie spéciale, réservée ordinairement aux virtuoses, aux solistes du grand « pas de deux » (Arts et litt., 1935, p. 46-4).Véritable virtuose de la ciselure, Fauconnier oriente son art vers l'imitation de la Renaissance (Kunstler, Art XIXes. en Fr., 1954, p. 129). − En appos. Quand Théodore de Banville n'est pas le poète funambule, il est le poète virtuose par excellence (A. France, Vie littér., 1892, p. 237). 2. [Dans un autre domaine assimilé à un art (exercices sportifs, exercices intellectuels)] Synon. as, champion.Jamais notre intimité opératoire ne m'avait révélé un Ortègue plus brillant, un virtuose du bistouri plus audacieux et plus heureux (Bourget, Sens mort, 1915, p. 91).Un skieur qui se fend pour tourner avec le ski extérieur ferait rire les virtuoses du christiania coulé (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1953, p. 139). − P. iron. V. tirage D 2 ex. de Barbusse. D. − Péj. Artiste (écrivain, musicien, peintre) chez qui la forme prime le fond, pour qui la technique prend le pas sur l'art, sur l'inspiration. Virtuose insipide. [Renoir] c'est tout autre chose qu'un virtuose, c'est un artiste profondément sincère et scrupuleux (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 142).On ne fera pas de Cécile une mécanique. Je suis là pour y parer. Mais il faut qu'elle soit plus habile que personne. Moi, je méprise les virtuoses; mais je méprise les musiciens qui ne sont pas capables de virtuosité. Donc, pas d'erreur: il faut être virtuose et que ça ne se sente pas. Il faut, surtout, être virtuose sans le savoir (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 191). Prononc. et Orth.: [viʀtɥo:z]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 1649 « personne douée dans plusieurs domaines scientifiques, artistiques, etc. » (Fortin de La Hoguette, lettre ds P. M. Mersenne, Corresp., éd. MmeP. Tannery et C. de Waard, t. 1, p. 325); 2. 1667 spéc. (Molière, Le Sicilien, éd. R. Bray, scène 7, p. 215: Signor, je suis un virtuose [...] je me mesle un peu de Musique, et de Danse); 1761 « musicien de grand talent » (Rousseau, La Nouvelle Héloïse, t. 2, p. 150). B. 1857 adj. (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 12, p. 413). Empr. à l'ital.virtuoso « celui qui connaît parfaitement un art, une science, etc., et qui en use avec une absolue maîtrise » (dep. 1525, L'Arétin), d'abord adj. « qui pratique le bien, la vertu » (dep. le xives.; Cort.-Zolli), dér. de virtù « vertu », empr. au lat. virtus, -utis (vertu*). Cf. la forme ital. virtuoso, att. en fr. de 1654 (Guez de Balzac, Les Entretiens, p. 522) à 1755 (ds Brunot t. 6, p. 694, note 2). Fréq. abs. littér.: 189. DÉR. Virtuosisme, subst. masc.,péj. Virtuosité pure dans laquelle la technique l'emporte sur l'art et sur l'inspiration. Condamnons la musique qui aboutit fatalement au fétichisme de la forme préposée, au virtuosisme ou au technicisme (Arts et litt., 1935, p. 64-8).− [viʀtɥozism̭]. − 1reattest. 1883 (Huysmans, Art mod., p. 202); de virtuose, suff. -isme*. BBG. − Boulan 1934, p. 50. − Hope 1971, p. 306. |