| VIOLENTER, verbe trans. A. − Violenter qqn 1. Exercer des violences à l'encontre de quelqu'un. Il violentait ses élèves, les traitait de brutes et cachait des idées avancées, sous sa raideur correcte à l'égard du curé et du maire (Zola, Terre, 1887, p. 56).Si je violentais tous les hommes, je serais seul au monde, et perdu. Si je fais d'un groupe d'hommes un troupeau, un bétail, je réduis d'autant le règne humain (Beauvoir, Pyrrhus, 1944, p. 116). − En partic. Violer. La vue de cet homme (...) qui le surprenait ainsi se livrant aux brutalités d'un soudard, violentant une jeune fille sans défense, produisit sur M. de Beaupréau la stupeur qu'il aurait éprouvée à l'aspect de la tête de Méduse (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 216).Grâce à la valeur de leur franc, ils pillent nos boutiques. Trop lâches pour violenter eux-mêmes nos femmes, ils les soumettent à des nègres (Giraudoux, Siegfried et Lim., 1922, p. 170). − Empl. abs. Il faut tuer pour supprimer le meurtre, violenter pour guérir l'injustice. Il y a des siècles que cela dure! (Camus, État de siège, 1948, 3epart., p. 290). 2. Contraindre par la persuasion, exercer une pression morale. Madame de Longueville (...) se faisait pourtant scrupule de violenter l'aîné, de le contraindre à une vie ecclésiastique qu'il n'embrassait que par incapacité de figurer à la guerre ou à la Cour, et qui n'était pas une vocation (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 527). − Empl. pronom. réfl. Pour ne pas croire, il faudrait se violenter, se torturer, se tourmenter, se contrarier (Péguy, Porche Myst., 1911, p. 175). − [P. méton. du compl.] D'une autre part, les ministres ne viendront plus violenter votre conscience (Chateaubr., Mél. pol., t. 2, 1816, p. 22). B. − Violenter qqc. 1. [Le compl. d'obj. désigne un inanimé concr.] Forcer quelque chose à prendre la forme souhaitée. Les ingénieurs, ainsi qu'il a été dit, n'ont pas violenté la nature, ils ont rusé avec elle (Verne, Tour monde, 1873, p. 159).Cette feuille de déroulage (...) tend à être orientée tangentiellement par rapport aux couches du bois et possède une certaine courbure: il faudra la violenter pour la mettre à plat (Campredon, Bois, 1948, p. 72). 2. [Le compl. d'obj. désigne un inanimé abstr.] Aller à l'encontre de, forcer. Synon. faire violence à.[Le peuple] ne veut pas qu'on violente son ignorance quand il n'a que de l'ignorance à opposer au progrès (Sand, Corresp., t. 3, 1837, p. 57).Croire qu'ils [les anges] se sont transformés en hommes et sont devenus charnels, c'est violenter l'histoire. C'est un mensonge des poètes de dire que les dieux et les déesses, changés en hommes, ont entre eux des relations (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 365). − En partic. Aller au delà, transgresser une règle. Violenter la langue, la grammaire. [M. Loève-Veimars] emploie les mots selon leurs acceptions précises et distinctes, il sait être piquant, sans les violenter, sans pincer jusqu'au sang cette pauvre langue, sans la chatouiller à la plante des pieds (Sainte-Beuve, Prem. lundis, t. 2, 1833, p. 205).Cette sorte de malignité d'esprit, propre aux artistes, et qui semble les pousser tous à violenter la morale, dans leurs peintures et dans leurs écrits (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 96). ♦ Violenter un texte. Altérer, dénaturer un texte. (Dict. xxes.). REM. Violenteur, subst. masc.Synon. de violeur (dér. s.v. violer).La Radio vous en apprend sur le romantisme des voleurs de voitures et violenteurs de filles (Triolet, Écoutez voir, 1968, p. 276 ds Rheims 1969). Prononc. et Orth.: [vjɔlɑ
̃te], (il) violente [-lɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1375 [éd. 1531] « contraindre par la force » (Raoul de Presles, Cité de Dieu, X, Exp. sur le chap. 16 ds Delb. Notes mss); 2. a) 1550 « transgresser » (Ronsard, Odes, éd. P. Laumonier, t. 2, p. 81: ou lors que les rois qui dominent Violentent les saintes lois); b) 1621 « aller à l'encontre de quelque chose; forcer » violenter la volonté (J.-P. Camus, Agathonphile, p. 39); 3. 1640 « dénaturer » (Corneille, Cinna, Examen). Dér. de violent*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 201. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 147, b) 292; xxes.: a) 578, b) 224. Bbg. Gohin 1903, p. 348. |