| VIERGE, subst. fém. et adj. I. − Subst. fém. A. − 1. Vieilli, littér. Très jeune fille qui n'a jamais eu de relations sexuelles. Synon. pucelle.Et surtout cette netteté du teint et cette pureté de formes, j'entends cet arrêté, ce tendu de la peau qui n'appartient qu'à une vierge (Delacroix, Journal, 1824, p. 44).Il n'y a pas de demoiselles dans les livres de l'antiquité. Les vierges portent des offrandes (Vallès, J. Vingtras, Bachel., 1881, p. 305). − Plais. Chœur des vierges. Ensemble de voix naïves, effarouchées. (Ds Rob. 1985). − Demi-vierge*. 2. ANTIQ. Personne du sexe féminin, ayant toujours vécu dans la continence et chargée du service d'une divinité. Sur nos luths veille encor La vierge Athénienne, Pallas au casque d'or! (Moréas, Sylves, 1896, p. 175).Jamais il n'eût osé prétendre à épouser la pythonisse, la vierge sacrée (Cocteau, Enfants, 1929, p. 22). ♦ La Vierge Blanche. Diane. L'hymne à la Vierge Blanche (Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 132). 3. [En représentation dans l'art] Les vierges sages et les vierges folles des portails français qui vinrent à Strasbourg porter la bonne nouvelle à l'Allemagne (Faure, Hist. art, 1912, p. 306). B. − RELIG. CATH. 1. Femme célibataire vivant dans une continence parfaite, consacrée au service de Dieu, et reconnue par l'Église. Vierge chrétienne; commun des vierges; messe d'une vierge non martyre; palme des vierges. Elle paraissait destinée (...) à coiffer sainte Catherine, patronne des vierges martyres (Feuillet, Sibylle, 1863, p. 7). − Onze mille vierges. Compagnes de sainte Ursule massacrées avec elle par les Barbares à Cologne, selon la Légende dorée. Les statues innombrables qui habitent son église ressemblent aux onze mille vierges de Cologne, ressuscitées dans de pâles corps de marbre, que la mort païenne a ciselés (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 143). ♦ (Homme) amoureux des onze mille vierges. (Homme) volage qui s'éprend facilement et souvent de femmes qu'il oublie rapidement. V. amoureux ex. 128. − Vierges sages, vierges folles. V. fou1I C 1 a α et supra I A 3. 2. [Avec art. déf. et majuscule] La (Sainte) Vierge; la Très Sainte Vierge (Marie); la Vierge Marie; la Vierge Mère; la Vierge des vierges. Marie, mère de Dieu, du Christ. Synon. Madone (vieilli), Notre-Dame (s.v. dame1).Autel, chapelle, couronnement, culte, offices de la Vierge; fêtes de la Bienheureuse Vierge Marie; messe du commun de la Sainte Vierge; antiennes, prières à la (Sainte) Vierge. Charles se mit à lire les litanies de la Vierge dans le paroissien de madame Grandet (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 175).Beau soleil levant. − Moins belle lumière que de voir la sainte Vierge Mère de Dieu servie par les anges (Dupanloup, Journal, 1865, p. 270). ♦ Fil de la Vierge. V. fil I C 2 a. 3. [En appellation; avec majuscule] a) Vierge immaculée, Vierge sainte. [Titre donné dans une prière] Vierge immaculée, Puisque ton chaste sein conçut le dernier Dieu, Règne auprès de ton fils, rayonnante, étoilée, Les pieds sur la lune, au fond du ciel bleu (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 208). b) Bonne Vierge! Sainte Vierge! [Exclam. d'étonnement, d'imploration] « Vierge Sainte », murmura-t-elle machinalement, « Marie, mon Guide et ma Souveraine... je remets entre Vos mains toutes mes espérances et mes consolations... toutes mes peines et mes misères... » (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1324).Bonne Vierge! Qu'est-ce que je vois, dans la cour! C'est lui (Audiberti, Femmes Bœuf, 1948, p. 119). 4. [En représentation dans l'art] Synon. madone.Image, médaille, statue, statuette de la Vierge; Vierge gothique, romane; Vierge assise, à l'Enfant, en majesté; Vierge de Miséricorde, de Pitié, du Bon Secours, du Perpétuel Secours; Vierge du Rosaire, des Sept Douleurs. Sa vierge n'est ni la vierge céleste de Fra Angelico de Fiesole, ni la vierge extatique de Murillo, mais l'épouse chaste, la suavement tendre mère des saintes familles de Raphaël (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 22).Le Divin Fils (...) en jupon tissé d'or, le chef couronné de diamants et la main tenant le sceptre (...) apparut, au faîte du petit autel, sur le bras droit d'une sainte Vierge également couronnée de pierreries, vêtue d'une ample robe d'or et d'un manteau de velours (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 44). ♦ Vierge noire. Statue de la Vierge exécutée dans un matériau sombre ou dans du bois devenu plus foncé au cours du temps. La vierge noire, la vierge des temps barbares, haute d'une coudée, à la tremblante couronne de fil d'or, à la robe raide d'empois et de perle, la vierge miraculeuse devant qui grésille une lampe d'argent (Bertrand, Gaspard, 1841, p. 58).Cette visite que nous fîmes ensemble (...) à votre Vierge Noire la Madone de Czestochowa (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 326). C. − [Gén. avec majuscule] 1. ASTRON. ,,Sixième constellation zodiacale, l'une des plus étendues, exactement à cheval sur l'équateur`` (Muller 1980). Quand la vierge et le bouvier tombent sous l'horizon du couchant, Persée monte de l'autre côté (Volney, Ruines, 1791, p. 307). ♦ Épi de la Vierge. Étoile de première grandeur. Maître Rolland l'Écrivain (...) qui la nuit (...) observait le ciel, vit (...) l'Épi de la Vierge en l'ascendant, Vénus, Mercure et le Soleil au mi-ciel (A. France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 191). 2. ASTROL. Signe du Zodiaque (signe de terre), le sixième à partir du Bélier, dans lequel le Soleil entre le 23 août pour en sortir le 22 septembre et auquel appartiennent les personnes nées durant cette période. La Vierge (...). Caractères astrologiques. Nature élémentaire: Terre. Stabilité: signe commun ou mutable. Situation des planètes: − situation heureuse: Mercure en domicile nocturne et en exaltation. − situation malheureuse: Vénus en chute Jupiter et Neptune en exil. − situation neutre: Mars et Soleil pérégrins (Divin.1964, p. 196). II. − Adjectif A. − 1. Qui n'a jamais eu de rapports sexuels. a) [En parlant d'une femme] Qui possède encore l'hymen. Synon. pucelle.Des vieilles filles vierges, elle garde, en toute sa personne, je ne sais quoi d'aigre et de suri, je ne sais quoi de desséché, de momifié, ce qui est rare chez les blondes (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 27). b) [En parlant d'un homme] Synon. puceau.− M'aimes-tu? − Mais oui (...) − Tu n'en as pas aimé d'autres, hein? − Crois-tu m'avoir pris vierge? exclamait-il en riant (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 29).Seulement M. de Coëtquidan, à soixante-quatre ans, était vierge (Montherl., Célibataires, 1934, p. 743). 2. [En parlant d'un animal ou d'un végétal] Qui n'a pas été fécondé. Qui sait si ce n'était pas celui [le bourdon] attendu depuis si longtemps par l'orchidée, et qui venait lui apporter le pollen si rare sans lequel elle resterait vierge (Proust, Sodome, 1922, p. 606).Boursier (1847), Tichomirov (1885) prétendent, le premier qu'une femelle vierge de Bombyx du mûrier a pondu des œufs féconds après être restée au soleil, et le second que le traitement rapide des œufs vierges du même insecte par l'acide sulfurique concentré provoque un commencement de développement (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1,1961, p. 526). ♦ Vigne(-)vierge. V. vigne1B 1. B. − [En parlant d'une chose] 1. Qui est à l'état pur, primitif, naturel; qui n'a jamais été foulé aux pieds, parcouru, conquis par l'homme. Cime, nature, neige, sol vierge. L'on ne refait pas des forêts: pour qu'elles puissent prospérer, il faut une situation territoriale primitive, dirai-je, qu'un état très-civilisé ne peut rétablir sans renoncer précisément à tous les avantages que présente cet état primitif, vierge (Viollet-Le-Duc,Archit., 1872, p. 340).L'histoire exemplaire de Kaspar Mooser, celle de sa passion sur la Paroi Nord, la Paroi Vierge que Kaspar avait voulu en vain être le premier à fouler (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 125). ♦ Forêt vierge. Forêt qui n'a jamais été exploitée. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Terre vierge. Terre qui n'a jamais été labourée. Courage! ajouta-t-il, ne vous rebutez pas: persuadez-vous bien que vous avez là une terre vierge à défricher (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 262). 2. Qui est pur, sans altération; qui n'a pas été mélangé, souillé. L'air du vierge azur (Mallarmé, Poés., 1898, p. 40).L'air vierge venu du large (Hamp, Champagne, 1909, p. 205). − [En parlant d'un métal] Argent, cuivre, mercure, or vierge. Argent, cuivre, mercure, or qui n'est pas passé par le feu, qui n'a pas été fondu. Synon. natif.Des mines de cuivre vierge (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 78).Vous n'avez pas oublié (...) les galons d'or vierge que je vous ai demandés pour ma casaque couleur de feu (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 120).Le cuivre rouge doit donc être employé, l'or fin et l'argent vierge (A. Meyer, Art émail Limoges, 1895, p. 1).L'union du soufre naissant (...) et du mercure commun, appelé vierge (Fulcanelli, Demeures philosophales, t. 1, 1929, p. 205). − PEINT. Couleurs, teintes vierges. Teintes employées sans mélange et qui n'ont pas été fondues ni noyées les unes dans les autres. (Dict. xixeet xxes.). 3. Qui n'a pas été manipulé; qui ne résulte pas de l'industrie humaine. Tout était décrété vierge, sans fraude, sans altération, sans duperie, le vin loyal, le miel de Narbonne et du Loiret, l'huile d'origine (Arnoux, Paris, 1939, p. 268). ♦ Cire vierge. Cire naturelle appelée également cire blanche. On emploie [pour l'encaustique] la cire jaune pour les tons foncés et la cire vierge pour les peintures claires (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 6, 1930, p. 54). ♦ Huile* vierge. Parchemin* vierge. 4. Qui est neuf; qui n'a pas encore été utilisé, imprimé. Cahier, papier, pellicule, plaque vierge. [Les] feuilles [de celluloïd sensibilisées étant partagées] (...) en bandes (...), on a ce que l'on appelle les films vierges prêts à être impressionnés (Graffigny, Cin., 1923, p. 143).V. moleskine B ex. de Valéry. − INFORMAT. [En parlant d'un support (carte, bande)] Qui ne contient aucun élément d'information (d'apr. Luca Micro-informat. 1984). C. − Au fig. 1. Qui n'a jamais éprouvé de sentiment, d'amour (pour quelqu'un de l'autre sexe). Je ne donnerai pas mon cœur vierge et entier en échange d'un cœur flétri et ruiné (Sand, Indiana, 1832, p. 123). 2. Qui a gardé son intégrité, qui n'a jamais été confronté à d'autres. M. Josserand (...) eut une révolte, lorsqu'il vit les grâces vierges de ses filles se frotter à ces hontes ramassées sur tous les trottoirs (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 40).Idées vierges, parées d'une beauté prophétique (Alain, Propos, 1921, p. 281). 3. Qui n'a jamais été attaqué, partagé; qui est intact. En livrant Metz, la cité vierge, il [Bazaine] avait livré Paris, la ville héroïque (Hugo, Actes et par., 3, 1876, p. 336). ♦ Casier judiciaire vierge. Casier judiciaire sur lequel ne figure aucune condamnation. Pour accéder à certains emplois, il faut être majeur et posséder un casier judiciaire vierge (Warusfel, Math. mod., 1969, p. 57). ♦ Réputation vierge. Réputation qui n'a jamais été attaquée, qui est intacte. (Ds Ac. 1835-1935). 4. Vierge de + compl. (indiquant le trouble, l'atteinte, la souillure éventuelle).Exempt de. Vierge de tuberculose, d'infection; vierge de tout soupçon. Elle m'a proposé d'abord d'emprunter sur Saint-Gratien, qui est vierge d'hypothèques (Flaub., Corresp., 1871, p. 303).Un Renoir, aussi vierge qu'un Rabelais d'intentions littéraires (L. Febvre, La Vie, cette enquête continue, [1935] ds Combats, 1953, p. 47). Prononc. et Orth.: [vjε
ʀ
ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Empl. adj. 1. « (en parlant d'une fille) qui n'a eu de relation avec aucun homme » [fin xes. lat. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 353: la soa madre [du Christ] virgo fu)] 1119 virjne (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 1356); 2. en parlant d'une chose a) 1269-78 « intact, qui n'a pas été utilisé » cire vierge (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 19460); b) 1588 « qui n'a pas été souillé » suivi de de [maison] vierge de sang et de sac (Montaigne, Essais, III, 9, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 966); c) 1611 « pur de tout mélange » or vierge (Cotgr.); d) 1780 « (d'un sol) qui n'a pas été cultivé » terres vierges (Raynal, Hist. phil., XI, 25 ds Littré); 1868 alpin. cimes vierges (Annuaire du Club alpin suisse, p. 76 ds Quem. DDL t. 27); 3. 1588 « (en parlant d'une abstraction) qui ne peut faillir, incorruptible » volonté si vierge et si froide (Montaigne, op. cit., III, 5, p. 866); 1686 [justice] vierge et incorruptible (Bossuet, Oraison funèbre Le Tellier ds
Œuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, 1961, p. 186). B. Subst. 1. a) « fille qui n'a eu de relation avec aucun homme » ca 1050 en parlant de la mère du Christ (St Alexis, éd. Chr. Storey, 89: El num la virgine ki portat salvetet); 1130-40 (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 595; 604: Al temple Deu remest Marie, O altres virgenes fu norrie); b) id. en parlant d'un homme [St Jean] (Id., ibid., 1228; 1589); c) fin xiies. [les] sottes virgines désigne les vierges folles [Matth. XXV, 1-13] (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p. 17, 1); 2. a) 1130-40 la Sainte Virgene (Wace, op. cit., 1798); b) 1643 « représentation de la mère du Christ » (Poussin, Corresp., 235 ds Quem. DDL t. 18); 3. ca 1140 « femme célibataire consacrée au service de Dieu, dont la chasteté est reconnue par l'Église » (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 125: de martires et de virgines); 4. 1512 désigne le signe du zodiaque (J. Lemaire de Belges, Illustrations, I, 184 ds Quem. DDL t. 3). Empr. au lat.virgo, -inis « jeune fille, vierge », en appos. virgo filia « fille vierge »; désigne spéc. les Vestales (Virgines), Diane (Virgo); terme de cosmographie « constellation de la Vierge » (Cicéron); fig. en appos. « vierge, qui n'a pas encore servi » (terra virgo, Pline). Le développement sém. du mot se fait en rel. avec la théol. chrét., notamment en parlant du Christ et de sa Mère, cf. ives., Hier., Iov., 2, 8: ille [Christus] virgo de virgine; Virgo immaculata « la Vierge Marie » (Ambr., Ep., 42, 4 ds Blaise Lat. chrét.). Virginem a été rendu par virgene, puis virge par élimination de la syll. finale; devenu vierge par développement de e entre i et r suivi de cons. (Pope, § 644 et § 500). Fréq. abs. littér.: 5 272. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8 367, b) 8 359; xxes.: a) 10 248, b) 4 637. Bbg. Ducháček (O.). Les Microstructures lex. In: Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13.1971. Québec, 1976, t. 1, pp. 586-589. − Quem. DDL t. 6, 22. |